— Par Pauline Verduzier —
Le jeune réalisateur juge la pratique «ostracisante» et a refusé la Queer Palm qui lui avait été décernée pour Laurence Anyways. Quitte à agacer les militants et organisateurs de festivals.
Xavier Dolan refuse de voir catégoriser son cinéma. Le réalisateur canadien s’en était expliqué dans un entretien à Télérama début septembre. En référence à la Queer Palm, récompense LGBT remise lors du Festival de Cannes à une œuvre faisant la part belle aux différentes sexualités qui lui a été décernée en 2012 pour Laurence Anyways, il avait fermement condamné la pratique, rapporte Le Monde . «Que de tels prix existent me dégoûte. Quel progrès y a-t-il à décerner des récompenses aussi ghettoïsantes, aussi ostracisantes, qui clament que les films tournés par des gays sont des films gays? On divise avec ces catégories. On fragmente le monde en petites communautés étanches. La Queer Palm, je ne suis pas allé la chercher⋅ Ils veulent toujours me la remettre⋅ Jamais! L’homosexualité, il peut y en avoir dans mes films comme il peut ne pas y en avoir», avait-t-il déclaré.
Le jeune prodige du cinéma refuse de voir son œuvre estampillée LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et trans), lui qui balaye des thématiques plus larges sur l’amour, la famille, la violence ou l’incapacité à communiquer dans des films aussi divers que J’ai tué ma mère, Tom à la ferme et jusqu’au bouleversant Mommy sur un trio tragique formé par une veuve, son fils violent et une voisine dépressive, prix du jury du festival de Cannes 2014. Laurence Anyways est finalement autant un film sur le couple que sur les transformations d’un transgenre, tout comme Tom à la ferme ou Les Amours imaginaires parlent bien davantage de relations destructrices que d’identité sexuelle.
La diatribe de Xavier Dolan fait pourtant polémique auprès des militants. En remettant en cause ces récompenses spécialisées, il s’oppose à des projets dont l’objectif est de visibiliser certaines thématiques absentes du septième art mainstream et de faire connaître des réalisateurs qui n’ont pas sa notoriété, estiment-ils.
Contacté par Le Figaro, le créateur de la Queer Palm Franck Finance-Madureira conçoit que le réalisateur ait du mal avec un système qui divise au sein même de la communauté LGBT, mais ne comprend pas son rejet d’un «prix de l’ouverture d’esprit». Selon lui, la Queer Palm possède un «double objectif, celui d’aider un film à se faire remarquer auprès des distributeurs et celui de placer des thématiques sur tout ce qui est à la marge au centre du débat, alors qu’elles ont plus de difficultés à rencontrer le grand public. Les films sont sélectionnés en fonction des thématiques mais ce sont bien leurs qualités cinématographiques qui sont récompensées. Ce n’est pas un prix gay pour les cinéastes gays. Il existe bien une Palme des cheminots cinéphiles à Cannes, on leur pose beaucoup moins de questions qu’à nous!»