Les fans étaient déchainés dans les centres commerciaux qui, certainement par amour des clients, avaient installé chaises et grand écran. Ce même amour qui avait conduit des chefs d’entreprises, tellement peu conciliants le reste du temps, à assurer que leurs salariés puissent suivre les matchs sur le lieu de travail.
Source Illustration : Courrier International
« Les Bleus » ont gagné ! On a pu voir nos compatriotes- supporters, bardés de « bleu-blanc-rouge », sillonner les rues en klaxonnant et en brandissant des pancartes « vive la France ! » Certainement, se comptaient parmi eux, beaucoup qui, chaque jour que fait la vie, protestent contre l’escroquerie aux prix pratiquée par la grande distribution, accusent les lois françaises inadaptées et les impôts injustes d’écraser leurs petites entreprises et d’entrainer le vol de leurs terrains, se plaignent que les banques et les logeurs discriminent leurs enfants étudiants en France, s’opposent à leur affectation arbitraire en France et à la nomination d’européens sur des postes dont devraient bénéficier leurs fils et filles plus méritants au pays.
Ceux d’en haut ont, sans nul doute, marqué des points grâce à leur tapageuse offensive assimilationniste.
Mais, qu’est-ce qui a vraiment motivé les fans, l’amour de la France, l’amour du football ou le chant des sirènes ?
L’amour de la France ? Pour certains, cela est indéniable. On a pu entendre un supporter déclarer : «C’est la France que je soutiens car ce n’est pas le Brésil qui nous donne à manger ! (sic) ». Comme on le sait, l’amour peut être aveugle ! Vous les « séparatistes », ne venez pas raconter que ce sont des Martiniquais de la trempe de Janvion ou Anelka qui permettent à la France de parader sur la première marche des podiums, avec les gigantesques retombées financières que cela implique. Si les entreprises françaises ont engrangé des millions d’euros en nous vendant des grands-écrans, des maillots et du champagne, tant mieux pour elles. Tant pis, si les regards rivés sur les pénaltys réussis se sont détournés des mesures prises par Macron 1er pour réduire les aides sociales et démanteler les services publics ! Parfois, la passion fait des gens aimer ceux qui les détruisent.
L’amour du football ?
La quasi-totalité des supporters, en tout cas, est persuadée d’être animée de cet amour là. Mais est-on sûr que c’est le football qui est aimé quand les équipes dont on applaudit les victoires arrivent au sommet de façon absolument déloyale. Quatre équipes « européennes » en demi-finales, est-ce un hasard ? Bien sûr que non ! Les pays impérialistes ne pillent pas que les richesses du sous-sol des pays dominés. Leurs chasseurs de têtes et de jambes, sillonnent le monde pour dénicher les talents qu’ils ramènent dans leur centre de formation. Les perles rares font partie de cette « immigration choisie » qui reçoit sans délais papiers et nationalité. Evidemment, on ne parle pas des centaines qui ne percent pas et qui finissent dans la misère !
Être fanatique d’un Club, quand on sait que ses résultats sont possibles parce que de gros capitaux lui permettent d’acheter les meilleurs joueurs à des prix faramineux, ce n’est pas particulièrement sportif ! Cela est même immoral quand les investisseurs sont des monarques dictateurs ! (Cf. PSG et Qatar)
En passant, rappelons que, dans cette France à laquelle certains compatriotes s’identifient, les présidents de clubs Français refusent de permettre à « leurs » joueurs Martiniquais de participer aux matchs de la CONCACAF avec la sélection Martiniquaise.
Accepter d’être complice de ceux qui l’utilisent pour chloroformer les peuples et cacher leurs exactions, ce n’est certainement pas aimer le football !
Oublier que les teeshirts vendus à prix d’or aux supporters sont fabriqués en Asie par des enfants surexploités, ce n’est pas aimer le football !
Fermer les yeux sur le fait que la planète football est régulièrement secouée par des affaires de corruption (Exemple à la FIFA) ou de matchs achetés, que des groupes sont arrangés pour favoriser certaines équipes, que des joueurs reçoivent des instructions pour blesser tel ou tel attaquant susceptible de marquer des buts, ce n’est pas aimer le football !
Aimer vraiment le football, c’est se battre pour que l’Etat et les collectivités locales mettent en œuvre, en matière sportive, des politiques au service du plus grand nombre (équipement de quartiers, financement de l’encadrement, etc.)
Aimer vraiment le football, c’est soutenir les équipes de son pays, soutenir les bénévoles qui forment notre jeunesse, prendre en charge les visites médicales et la formation des jeunes amateurs, aider financièrement les clubs en assistant aux matchs locaux.
Le chant des sirènes ?
Il est incontestable que les supporters ont, avant tout, succombé au chant des sirènes. Par leur doux chant, les sirènes attiraient les marins pour qu’ils se noient. De même, la grosse machine de propagande et de publicité qui a été mise en marche pour pousser tous les esprits à se focaliser sur la coupe du monde de football à noyer la population dans l’aliénation et à la détourner de toute velléité d’emprunter le chemin de la contestation.
De fait, les « wouééé » ont étouffé les slogans des écologistes qui dénoncent le crime chordéconesque commis par les colonialistes français dans notre pays. Les « Nou pran Yo » ont fait oublier les syndicalistes qui se battent pour défendre notre droit à la santé.
On connait la fameuse maxime chère aux empereurs romains : pour dominer le peuple, il suffit de lui donner des jeux de cirque et du pain. Aujourd’hui, pour dominer la population on ne lui donne même plus le pain. Les jeux suffisent !
Après la coupe du monde de football, on instrumentalisera, le tour cycliste, le tour des yoles, les cantiques de noël, le carnaval, la « Saint-Valentin », les « Mercurys », les « Foyal Color Run », etc.
Et pendant ce temps-là, pèp-nou ka pran fè, péyi-nou ka dépotjolé !
Au bout du compte, les « Bleus » ont gagné mais notre peuple a perdu un match au cours duquel beaucoup de nos joueurs ont marqué contre leur propre camp. Mé nou pa ka pèd fwa ! Resté tibwen chanpyona dèyè, annou kontinyé antréné èk motivé étjip-nou pou genyen an koup ki tanou!
Pour le CNCP,
Le Président : Jean ABAUL,
Le Porte-parole : Alain LIMERY.