Au Far West, les filles n’ont pas froid aux yeux
Trois femmes américaines. Parmi elles Charlotte, une esclave noire échappée à la recherche de son fils blanc de peau, le fils du maître que ce dernier a confié à un orphelinat. Sally, la seconde, est une prostituée trop adroite au pistolet, d’où sa fuite du saloon où elle exerçait ses talents. Quant à la troisième, Rose, la tête pensante du trio, féministe qui croit au progrès de l’humanité, elle a quitté son mari, sombre brute épousée par erreur. A la recherche de l’enfant de Charlotte qui a été adopté par des pionniers, elles entament la traversée de l’Amérique par la piste de l’Oregon… où les attendent diverses aventures.
Nous sommes en 1851 dans l’Amérique des westerns, avec des bons et des méchants, les premiers finissant inévitablement par gagner et les seconds par se faire trucider. Mais ici la fin arrive moins vite que dans un film, le spectacle dure presque quatre heures (deux entractes compris) ce qui laisse de l’espace pour de nombreuses péripéties. Les trois jeunes femmes sont aimées tour à tour par des hommes qui les tirent des pattes des mauvais coucheurs rencontrés sur leur route, avant, le plus souvent, de disparaître à leur tour. En comptant tous les amis et ennemis plus quelques comparses, cela fait beaucoup de personnages (une soixantaine !) joués par seulement… deux comédiennes, plus l’auteure (mais celle-ci ne s’est pas donné la parole et se contente d’assurer l’environnement sonore à l’aide d’improbables accessoires (entonnoirs, râpes, etc.). Catherine Bussière et Jacqueline Corpataux font preuve d’une virtuosité admirable, changeant de personnage en moins de temps qu’il ne faut pour le dire : remplacer un couvre-chef, voire, parfois, simplement modifier l’attitude ou la voix, leur « suffisent » pour passer instantanément d’un gentil à un méchant, d’un doux à un violent. Le talent n’explique pas tout. On imagine la quantité de travail nécessaire avant de pouvoir jouer les virtuoses du plateau avec un texte pareil.
La musique (superbe choix de blues, de ballades avec un zeste de musique de film) et la vidéo (les titres de chaque séquence sont projetées sur un écran, ce qui économise bien des explications) ménagent quelques instants de répit qu’on juge indispensables, en particulier lorsque les comédiennes doivent modifier un élément de leur costume (veste, plastron…) et aussi, tout bonnement, pour leur permettre de souffler un peu et d’avaler une gorgée d’eau. A noter également que le dialogue comprend plusieurs piques bien senties.
Pourtant, passé la première partie (la pièce est divisée en trois parties de trois séquences chacune) au cours de laquelle nous faisons connaissance avec les principaux personnages et leur environnement, et pendant laquelle on ne s’ennuie pas une seconde, l’intensité baisse quelque peu – les deux parties suivantes n’accusent pourtant aucune baisse de rythme –, sans doute parce qu’il y a moins de choses à découvrir et parce que nous avons assez vite compris que nos trois héroïnes se tireront toujours à leur avantage des situations dans lesquelles elles se trouvent régulièrement piégées, aussi scabreuses soient-elles. Tous les spectateurs n’ont pas gardé leur âme d’enfant !
Malgré cette réserve, présenter West Wild Women justement le 8 mars (décrété journée internationale de la femme) était une très bonne idée et le public ne s’y est pas trompé (même si tout le monde n’a pas supporté d’accompagner jusqu’au bout une pièce d’une durée inhabituelle en Martinique).
M.E.S. Augustin Bécard.
En tournée à Tropiques-Atrium le 8 mars 2018.