— Par Michèle Bigot —
M.E.S. Thierry Bedard
Festival Villeneuve en Scène 2017, Villeneuve lez Avignon
Une baraque foraine sur laquelle sont installés des rangées d’animaux en peluche. Des rangées de singes alternent avec des chiens et des moutons.. Devant cet éventaire, une estrade où vont se produire trois acteurs : un musicien et deux conteurs-conférenciers qui se disputent la parole. L’actrice (Sabine Moindrot) représente une conférencière (Vinciane Despret) qui raconte les démêlés de la science et des chercheurs sur la question des animaux. Le spectacle a pour motif une conférence savante animée par une philosophe passionnée d’éthologie. La question animale est aux cœur des préoccupations de nos contemporains et un enjeu crucial pour la société de demain. Depuis 1970 elle parcourt le champ des sciences humaines (F. Burgat) de la littérature (J.-C. Bailly) et de la philosophie ( E. de Fontenay). Le fond du propos consiste à promouvoir une nouvelle forme d’attention au monde animal : « Sans doute devrait-on envisager de penser les termes de notre histoire dans ceux d’une écologie de l’attention et du tact, une écologie qui pense les êtres dans les liens qu’ils tissent ensemble, et qui les rendent, avec un peu de chance, moins dangereux les uns pour les autres » avance V. Despret.
Pleins feux, donc, sur la discipline de l’éthologie, qui en prend un sacré coup ! La conférencière s’évertue à montrer que les résultats de la recherche sont conformes aux hypothèses du chercheur et dépendent lourdement de leurs a priori. Ainsi, il y a toujours une recherche pour en contredire une autre. L’objectivité de la discipline est mise à mal. Notamment à propos d’une question essentielle pour nous autres humains : est-ce la rivalité et la concurrence ou au contraire la solidarité et l’entre-aide qui tissent le lien social ?
Une série d’anecdotes savoureuses vont mettre en lumière cette problématique. Une autre question d’égale importance consiste à savoir si le sexisme des chercheurs n’aurait pas déteint sur le résultat de leur recherche. Est-ce si sûr que les grands singes soient organisés en « harem » ? Le concept même ne serait-il pas importé de la société des hommes ?
En tout cas, les résultats de la recherche varient en fonction du sexe du chercheur !
Comme on le voit, le propos est intéressant et souvent très drôle. Malheureusement la mise en scène et l’interprétation peinent à se hisser à sa hauteur. La scénographie, pour amusante qu’elle soit est plutôt un décor qu’une scénographie. Le dispositif a peu de potentiel dynamique, à part faire bouger quelques rangées d’animaux ou leur prêter des cris en voix off. C’est maigre !
Certes les deux conférenciers se disputent la parole, illustrant par là le thème même de leur propos : la recherche cache souvent une faim de pouvoir. Cela met un peu d’animation, et il arrive qu’ils se battent à coup de peluche et en balancent allègrement sur les spectateurs. Mais ça sent son artifice, la volonté d’amuser. Car enfin, il fallait bien dérider un propos risquant de paraître austère ou trop théorique. Les intermèdes musicaux s’y emploient également, mais leur arrivée semble si peu naturelle, si mal intégrée au propos ! Même les disputes des deux conférenciers sont maladroites, hésitantes. L’ensemble souffre d’impréparation, de travail hâtif. Il ne suffit pas de coller du divertissement sur une conférence pour faire un spectacle théâtral. Il y manque une véritable écriture dramaturgique. Et c’est dommage car il y avait là matière à un beau spectacle. Peut-être peut-on considérer cette performance comme l’esquisse d’un spectacle à venir, plus abouti…
Michèle Bigot
Madinin’Art