Me Ursulet est visé par une enquête préliminaire pour « viol et harcèlement sexuel » ouverte en octobre dernier par le parquet de Paris. Il a été placé sous le statut de témoin assisté à l’issue de sa garde à vue.
— Par Michel Deléan —
L’avocat Alex Ursulet, 62 ans, a été placé en garde à vue mardi 23 juin au matin à Paris dans une affaire de viol, selon des informations obtenues par Mediapart. Une plainte pour « viol et harcèlement sexuel » le visant personnellement avait été déposée le 25 septembre dernier au parquet de Paris par une avocate de 26 ans, ancienne stagiaire de Me Ursulet. La jeune femme avait versé des copies de SMS et des attestations écrites de témoins à l’appui de sa plainte, rédigée par l’avocat Thibault Laforcade.
Le parquet de Paris a ouvert fin octobre une enquête préliminaire, qui a été confiée aux policiers parisiens de la 3e division de police judiciaire (DPJ). Me Ursulet, qui est présumé innocent, conteste catégoriquement les accusations de la jeune avocate, et a annoncé le dépôt de plusieurs plaintes pour contre-attaquer. A l’issue de sa garde à vue, une information judiciaire a été ouverte, et il a été présenté le 24 juin à un juge d’instruction qui l’a placé sous le statut de témoin assisté.
Sollicité par Mediapart le 23 juin au soir pour réagir à la garde à vue de son confrère et client, l’avocat Christian Charrière-Bournazel s’était borné à déclarer : « Je ne comprends pas que vous soyez au courant. C’est ma seule réaction. »
Le 31 décembre, Alex Ursulet a été radié du barreau de Paris par le conseil de discipline du Conseil de l’Ordre. L’avocat, qui faisait l’objet d’une enquête disciplinaire ouverte en avril 2019, a aussitôt fait appel de cette décision, et peut continuer à exercer. Dans un arrêté d’une sévérité rarissime, dont Mediapart a pris connaissance, le conseil de discipline l’a estimé « coupable de manquements graves aux principes de la profession d’avocat […] pour avoir adopté un comportement inapproprié vis-à-vis d’une stagiaire, ce qui s’est manifesté par une manipulation, une domination, un harcèlement, aux fins de procéder à des agissements de nature sexuelle suffisamment graves pour ne pas être dévoilés par M. Alex Ursulet mais masqués par des propos incohérents et mensongers ».
Devant le Conseil de l’ordre des avocats, face aux policiers, et auprès de Mediapart, la plaignante a décrit une relation malsaine, mêlant emprise et séduction, instaurée par son maître de stage, début 2018. Selon le récit de Margaux (son prénom a été modifié), les faits remontent au 30 janvier 2018. Ce jour-là, raconte la plaignante, Me Ursulet l’invite à déjeuner dans un restaurant du XVIe arrondissement. Prévenant qu’elle sera en retard, elle reçoit comme réponse ce SMS de son maître de stage, que nous avons pu consulter : « Vous serez punie. »
Lorsqu’elle arrive, un cocktail alcoolisé l’attend sur la table et les questions de son patron se font de plus en plus personnelles et intrusives. Selon elle, Margaux se voit demander des précisions sur la “perte” de sa virginité, le nombre de ses partenaires et le plaisir ressenti. Margaux répond brièvement, n’osant pas contrarier son maître de stage, explique-t-elle. Celui-ci aurait prétendu avoir « dressé » une ancienne collaboratrice, qui était « très obéissante ».
Quand Margaux retourne au cabinet, Me Ursulet lui demande de l’aviser par SMS de la présence ou non de son collaborateur. Celui-ci est absent. La stagiaire s’exécute, et son patron arrive rapidement. Selon elle, il lui demande d’abord de changer de position sur le fauteuil où elle est assise, afin de mieux voir ses jambes (elle porte une robe). Il jette ensuite son chargeur de téléphone au sol et lui demande de le ramasser, dit-elle. La jeune femme obéit. Il lui demande ensuite de lui allumer une cigarette. Elle n’ose pas refuser, explique-t-elle.
Tétanisée, Margaux voit l’avocat s’approcher d’elle sur son siège à roulettes. Elle dit qu’il se met à la sentir et à l’embrasser, et qu’elle est paralysée par la peur. Le maître de stage descend alors son collant et sa culotte, et lui introduit des doigts dans le sexe à plusieurs reprises, poursuit Margaux. Il lui demande ensuite de se mettre debout et de lui tourner le dos, et il renouvelle le même geste, raconte-t-elle. Incapable de réagir, dit-elle, Margaux s’entend intimer l’ordre de ne pas remettre sa culotte et ses collants sous sa robe, et de s’acheter des bas. L’arrivée du collaborateur au cabinet met un terme à la scène. Plus tard, Me Ursulet envoie à sa stagiaire deux SMS, que nous avons pu consulter. « Magnifique », et « Les bas ! ».
Sur le coup, Margaux pense seulement à poursuivre son stage, qui est très important pour sa scolarité et sa future carrière. Elle essaye de prendre sur elle. Le lendemain matin, sur le chemin du cabinet, elle s’évanouit deux fois dans le métro, et attend l’arrivée du collaborateur d’Alex Ursulet pour entrer. Apeurée, elle fait en sorte de rester près de lui, ne voulant pas se retrouver seule avec son patron, et n’arrive pas à se concentrer sur son travail, raconte-t-elle. Elle finit par craquer et prend la porte. Effondrée, elle se confie le soir même à une amie, également élève avocate, qui lui conseille fermement de quitter ce cabinet, et l’aidera à trouver un autre stage. Cette amie a confirmé la scène dans une attestation versée au dossier.
Margaux veut tourner la page. L’affaire aurait pu en rester là. Ne la voyant pas revenir au cabinet, Alex Ursulet l’appelle à de nombreuses reprises, mais Margaux ne décroche pas. L’avocat multiplie alors les coups de fil à son école, ainsi qu’à son ancien maître de stage, et presse son collaborateur de questions. Voilà pour le récit de Margaux.
Selon notre enquête, c’est à ce moment que Me Ursulet s’est plaint du comportement et de la personnalité de Margaux auprès de la directrice de l’école des avocats Aliénor de Bordeaux, en lui livrant des choses très personnelles et très crues sur sa stagiaire : personnalité fragile, consommation d’alcool et de drogue, environnement à problèmes, etc.
« Les éléments figurant au dossier (témoignages, mail de démission de [Margaux] et mail de M. Alex Ursulet prenant acte de la démission) contredisent clairement la version des faits de M. Alex Ursulet qui prétend avoir pris l’initiative de la rupture de la convention de stage lors du déjeuner du mardi 30 janvier 2018 », a estimé le Conseil de l’ordre du barreau de Paris.
Fils d’un avocat et homme politique martiniquais, Alex Ursulet est avocat au barreau de Paris depuis 1983. Il a mis sa carrière entre parenthèses au début des années 1990 pour faire de la politique. Conseiller régional RPR de Martinique, il a également fait campagne pour Jacques Chirac en 1995. Il a été marié avec l’une des filles de l’ex-ministre (RPR) Bernard Pons, l’avocate Frédérique Pons, qui fait aujourd’hui partie de ses défenseurs aux côtés de l’ancien bâtonnier de Paris Christian Charrière-Bournazel et de Marie Burguburu notamment.
Alex Ursulet bénéficie d’une certaine notoriété pour avoir défendu l’ancien ministre Alain Carignon et le capitaine Paul Barril, ainsi que le tueur en série Guy Georges. Il a par ailleurs écrit plusieurs livres, et apparaît régulièrement dans la presse people depuis qu’il partage la vie de la princesse Anne de Bourbon des Deux-Siciles.
Cet article a été mis à jour le 24 juin au soir après le placement de Me Ursulet sous le statut de témoin assisté.
Source : Mediapart