— Alexandre Fache, avec Emilien Urbach (à Nice) —
Tunisien de 31 ans, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, l’auteur de la tuerie perpétrée jeudi soir à Nice, est décrit par des proches comme porteur de troubles sévères et pas du tout religieux. Il aurait été l’objet d’une « radicalisation rapide », selon les autorités. Une thèse qui reste à étayer.
Il faudra sans doute encore un peu de temps pour percer tous les mystères entourant Mohamed Lahouaiej Bouhlel, l’auteur des massacres du 14 juillet à Nice. Décrit comme relevant plus de la psychiatrie que de la dérive islamiste, ce jeune Tunisien de 31 ans a-t-il agi au nom de Daech, comme l’a revendiqué cette organisation samedi ? A-t-il bénéficié de complicités ? Son profil laisse-t-il craindre pour demain des attentats « d’un type nouveau », commis par des personnes qui s’engagent « sans nécessairement avoir participé aux combats (en Syrie – NDLR) ou avoir été entraînées », comme l’a relevé le ministre de l’Intérieur ? Décryptage.
1. Un jeune homme au déséquilibre patent…
Né le 31 janvier 1985 à M’saken, dans la banlieue de Sousse (est de la Tunisie), Mohamed Lahouaiej Bouhlel a quitté la Tunisie pour la France en 2005. Détenteur d’un premier titre de séjour d’un an en 2008, il aurait obtenu une carte de dix ans en janvier 2009. Marié à une Franco-Tunisienne habitant Nice, avec qui il a eu trois enfants, il était en instance de divorce après des faits de violence sur sa compagne. « C’est un fou, résume Aïda, une habitante du quartier Bateco (Nice Nord), où habite sa femme. Je la connais bien. La dernière fois qu’on a parlé, elle m’a dit que le divorce serait bientôt terminé. Peut-être qu’elle a obtenu la garde des enfants et qu’il a pété un plomb. Il l’a déjà frappée devant les enfants. Il buvait. C’est un homme qui aurait dû être suivi par les services sociaux. » Un profil violent, confirmé par d’autres témoignages recueillis au bas de la barre Le Bretagne, où vivait le couple. « Il buvait, il était un peu bizarre, parlait peu. Et il traitait mal sa femme », confie une autre.
Interrogé par plusieurs médias en Tunisie, le père du tueur, Mohamed Mondher Lahouaiej Bouhlel, confirme les fragilités psychologiques de son fils, qui n’était pas rentré dans son village natal depuis quatre ans. Entre 2002 et 2004, « il a eu des problèmes qui ont provoqué une dépression nerveuse. Il devenait colérique, il criait, il cassait tout ce qui trouvait devant lui ». Son père l’amène alors consulter un psychiatre, le 20 août 2004. « Il présentait d’importants troubles du comportement, raconte le médecin, interrogé par le JDD. Il avait du mal avec sa propre image, avec l’image de son corps. Il ne se trouvait pas assez robuste et faisait de la musculation. Il se montrait très violent. (…) Je lui ai prescrit du haldol, un antipsychotique. » Les pilules ne suffiront pas et Mohamed Lahouaiej Bouhlel traversera, un an plus tard, la Méditerranée avec ses troubles. Un ex-voisin de la tour Le Bretagne se souvient d’un homme avec d’importants problèmes psychiatriques : « Il faisait des crises. Quand il s’est séparé de sa femme, il a déféqué partout, trucidé le nounours de sa fille à coups de poignard et lacéré les matelas. »
2. Connu uniquement pour des faits de délinquance…
Inconnu des services de renseignements, le tueur de Nice ne l’est pas, en revanche, des services de police. Entre 2010 et 2016, ce chauffeur-livreur travaillant pour une entreprise de transport de la plaine du Var s’est fait remarquer à plusieurs reprises pour des menaces, des violences, des vols ou des dégradations. Ce sont les faits de violences conjugales qui auraient conduit à la séparation du couple, il y a une peu plus de dix-huit mois, juste avant la naissance de son troisième enfant. Mohamed Lahouaiej Bouhlel aurait alors quitté Bateco pour l’est de la ville et le quartier dit des anciens abattoirs…
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