Des dizaines de milliers de manifestantes et manifestants sont attendues samedi dans toute la France pour réclamer une « loi-cadre » contre les violences sexistes et sexuelles.
Après une première manifestation en 2021, celle de cette année devrait attirer encore plus de monde. – AFP
Elles veulent « crier leur colère » face aux dysfonctionnements de la justice et aux discours politiques qui « défendent les agresseurs » : des dizaines de milliers de manifestantes — et manifestants — sont attendues samedi dans toute la France pour réclamer une « loi cadre » contre les violences sexistes et sexuelles.
Dans les commissariats, les tribunaux ou au sein des partis politiques, « les derniers mois ont prouvé à quel point la parole des victimes de violences de genre était remise en cause », s’insurgent les organisatrices de la mobilisation.
« Ce qui nous met en colère, c’est l’impunité des agresseurs et le mauvais traitement réservé aux victimes » lorsqu’elles déposent plainte, explique à l’AFP Maëlle Noir, membre de #NousToutes qui coordonne l’organisation des défilés.
« On ne cesse de nous répéter que la justice doit faire son travail, mais quel travail? On ne peut pas reprocher à la victime de ne pas porter plainte si elle sait que ça ne mènera nulle part », s’insurge la militante.
Cinq ans après l’émergence du mouvement #MeToo, « les violences sexistes et sexuelles restent massives » et les politiques publiques « pas adaptées à l’enjeu », affirment les organisatrices dans leur appel à manifester, signé par près de 90 associations, syndicats ou partis de gauche.
Les procédures, cependant, pourraient bientôt évoluer : en vertu de nouvelles dispositions approuvées mercredi par les députés, les femmes victimes pourront à l’avenir déposer plainte en visioconférence si elles le souhaitent, et être assistées d’un avocat lors de cette procédure. L’Assemblée nationale a également durci les peines encourues par les auteurs d’outrages sexistes, notamment de harcèlement de rue.
Pour l’heure, les associations féministes se désolent des « classements sans suite et peines dérisoires » décidées par la justice et fustigent les « procès-bâillon » intentés par « des hommes puissants, connus, accusés de viol », qui attaquent en diffamation leurs accusatrices pour les « réduire au silence ».
Pour lutter contre les violences, elles réclament un budget public de deux milliards d’euros par an, mais aussi une « loi-cadre » qui instaurerait notamment des « brigades et juridictions spécialisées », une aide financière pour la « mise en sûreté » des femmes victimes, 15.000 places d’hébergement supplémentaires dédiées, ou encore le renforcement de l’éducation à la vie sexuelle et affective à l’école.
« Signal d’impunité »
A Paris, le cortège partira à 14h de la place de la République et rejoindra celle de la Nation. Des manifestations sont également prévues à Marseille, Nice, Toulouse, Lille, Strasbourg, Rennes, Nancy ou Dijon, notamment. En 2021, la mobilisation — organisée en amont du 25 novembre, date de la journée mondiale de lutte contre les violences à l’égard des femmes —, avait rassemblé 50 000 personnes à Paris selon les organisateurs, et 18 000 selon la préfecture de police.
Un an après, l’exaspération des organisations féministes est toujours aussi vive, alimentée par le nombre élevé de féminicides – déjà 100 depuis le début de l’année d’après un collectif associatif, contre 122 l’an dernier selon les chiffres officiels -, et par la frilosité du monde politique à écarter certains responsables accusés de violences envers les femmes.
Comme le député LFI Adrien Quatennens, qui a avoué des violences conjugales, mais a été défendu par Jean-Luc Mélenchon, et dont le parti tente de planifier un retour à l’Assemblée nationale.
Défendre les responsables politiques mis en cause dans de tels cas envoie « un signal d’impunité à toute la société », déplorent les militantes dans leur appel.
Les faits dénoncés sont pourtant de plus en plus nombreux: entre 2017 et 2021, le nombre de viols ou tentatives de viols enregistrés par le ministère de l’Intérieur a doublé, passant de 16 900 à 34 300. Les victimes ont davantage tendance à dénoncer des faits anciens, explique le ministère, qui y voit aussi le signe de la « libération de la parole ».
Une expression qui exaspère désormais les associations, car « les femmes ont toujours parlé, mais elles ne sont pas écoutées », pointe Maëlle Noir.
Pour Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes, depuis « MeToo » les pouvoirs publics ont « surtout défendu la présomption d’innocence, plutôt que la lutte contre l’impunité, qui s’est empirée depuis cinq ans ».