— Par l’Union des Femmes de Martinique —
L’actualité martiniquaise et régionale de ces derniers jours a été abondante en faits de violences envers les femmes : Viol par des ex-compagnons, viol avec objet sur une fillette, séquestrations et violences sur une jeune femme,… jusqu’au meurtre d’une femme guadeloupéenne par son ex-compagnon en France (du fait de la condamnation du meurtrier).
Tous ces drames sont relatés dans des rubriques de faits divers/justice, et vécus par beaucoup comme une banalité, trop souvent tolérés et considérés comme acceptable. Mais Ils sont la face émergée d’un iceberg, sur lequel nous vivons tous les jours. Une réalité qui touche de nombreuses femmes, beaucoup plus qu’on ne soupçonne, ou qu’on ne veut bien se donner la peine de voir.
Oui, les violences envers les femmes continuent et sont importantes.
L’enquête « genre et violences intrafamiliales en Martinique » réalisée en 2008 révélait des chiffres édifiants, et spécifiques aux femmes :
7,3% des femmes déclaraient des attouchements et 8% des viols ou tentatives de viol survenus avant leurs 18 ans,
30% des femmes ayant des relations conjugales avaient déclaré plusieurs atteintes, répétées ou jugées graves dans les 12 mois précédant l’enquête de la part de leur partenaire ou ex partenaire. La moitié des faits jugés graves par les femmes se sont produits plusieurs fois, voire souvent, et, dans un cas sur deux, ils ont entraîné des blessures et/ou ont donné lieu à des mains courantes ou à des dépôts de plainte. Sans compter ceux survenus au travail, et dans l’espace public.
De son côté, l’Espace d’Ecoute, d’Information et d’Accompagnement de l’Union des Femmes de la Martinique a enregistré en 2012 4 300 passages (contacts téléphoniques et venues sur place), soit 550 nouvelles femmes venues dans l’année. Pour 2013, nous comptons déjà 4 400 passages à fin octobre …
Ces femmes de tous âges (18 à plus de 60 ans) viennent de toutes les communes de Martinique, de tous les milieux, mariées, en concubinage, ou en simple relation. Elles subissent toutes sortes de violences : physiques, économiques, psychologiques, sexuelles… de leur compagnon ou ex-compagnon. A cela s’ajoutent, pour les femmes migrantes, le chantage aux papiers, la séquestration, voire quelquefois la mise en prostitution.
Ce que ne disent pas les statistiques « sèches » : les souffrances de ces femmes, de ces jeunes filles, de ces fillettes, qui n’ont qu’un tort : celui d’être de sexe féminin.
Oui ! Pensons aux conséquences physiques visibles (fractures, hématomes, brulures, blessures gynécologiques …) mais aussi psychologiques, immédiates et durables (état de choc, dépressions, cauchemars, repli sur elles, conduites addictives, etc …) de ces violences !
Pensons aux sentiments de culpabilité, qui font de ces victimes des « coupables » : elles en arrivent à chercher quelle faute elles auraient commises pour en arriver là.
Qui sort indemne de menaces de mort répétées, de brimades vécues pendant des années, de coups reçus au ventre, à la poitrine, de viols passés dans le secret de la chambre conjugale, d’isolement de sa famille, de galère sans argent pour soi et les enfants, pour ne citer que quelques exemples concrets ?
Tous ces psychotraumatismes sont maintenant bien connus et identifiés et, s’ils ne sont pas pris en compte et soignés, laissent des blessures invisibles et durables pendant toute la vie.
Nous savons qu’il s’agit d’un problème de société qui n’est ni isolé, ni occasionnel. Les femmes subissent dans la société une discrimination spécifique dans tous les domaines. Elles vivent au quotidien les inégalités et les comportements sexistes sont au summum d’une violence qui peut aller, nous l’avons hélas vu, jusqu’à la mort.
Alors, oui, notre combat pour l’élimination de toutes les violences envers les femmes est toujours d’actualité.
C’est pourquoi nous agissons tous les jours pour favoriser une prise de conscience individuelle et collective : dénoncer, sensibiliser, et faire la promotion des idées d’égalité et de respect pour toutes et tous.
Mais cette lutte n’est pas et ne doit pas être uniquement celle de l’UFM et d’associations de prévention.
C’est aussi la vôtre, car, pour les bourreaux, passivité et silence, voire recherche d’excuses, valent complicité, approbation et même encouragement à continuer.
Non, ce n’est jamais par déception amoureuse que l’on viole son ex-amie (« je vais te violer et tu verras de quoi je suis capable » aurait dit l’un d’entre eux à sa compagne qui voulait le quitter).
Nous devons toutes et tous réagir pour que cela change.
Nous devons dire « NON » à chaque acte de violence pour toute femme, sous quelque forme que ce soit, dans toute situation qu’elle soit publique ou en famille, entre ami-es.
Nous devons OSER INTERPELLER les auteurs et condamner leurs actes, que nous soyons leurs amis, collègues, voisins, parents.
Mais aussi dénoncer encore et encore cette domination masculine, cette volonté « sociale » de maitriser le corps des femmes et leur sexualité ; nous mobiliser individuellement et collectivement pour traquer le sexisme dans les blagues, les gestes, les publicités, l’éducation des enfants, les rôles assignés, les inégalités etc…
Disons encore plus fort et ensemble : NON aux violences faites aux femmes,
Non à ces violences les détruisent à vie, qui peuvent les tuer.
OUI ! Il est possible que cela cesse !
Le 12 novembre 2013
Union des Femmes de la Martinique