Les violences policières augmentent, s’aggravent. Elles affectent à la fois la confiance des citoyens dans la police et les institutions qui les dénient. Témoin du dysfonctionnement du maintien de l’ordre « à la française », Vincent Brengarth analyse le phénomène et propose des solutions.
La question des dysfonctionnements des pratiques de maintien de l’ordre en France n’a jamais été aussi présente dans le débat public que ces dernières années. Vincent Brengarth, avocat au barreau de Paris depuis 2015, spécialiste en droit pénal et des thématiques de libertés publiques, observe une augmentation des violences policières. Manifestants blessés ou tués, personnes issues de quartiers défavorisés victimes de bavures policières et parallèlement poursuivies pour « outrage et rébellion », militants venant en aide aux personnes exilées confrontés à des difficultés avec les forces de l’ordre, ou bien simples citoyens qui, au cours d’un contrôle, ont été la cible d’injures ou de coups.
Comment agir contre ces violences, en prenant en considération l’ensemble des maux qu’elles révèlent ? Avec son confrère et associé William Bourdon, il est l’auteur de Violences policières, le devoir de réagir (Tracts, Gallimard, 2022). Dans cet essai, ils partent de leur expérience de défense des victimes de violences policières pour analyser les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire et étatique, mais aussi proposer des solutions pour endiguer ce phénomène. Pour eux, « les violences policières sont à la fois la marque et la conséquence d’un modèle politique au bord de l’essoufflement » :
« Les violences policières et leur déni sont à la fois symptômes d’une démocratie qui s’essouffle et, en même temps, accentuent le sentiment des citoyens d’être méprisés. Il est impératif de réhabiliter concrètement le principe d’égalité, qui ne doit pas se résumer à un simple affichage médiatique permettant de se donner bonne conscience à peu de frais, et au pouvoir politique de laisser croire qu’il agit de façon effective pour que ce principe soit respecté. » Vincent Brengarth
Pour l’avocat, s’emparer pleinement de la question des violences policières permettrait non seulement de comprendre les maux qu’elles peuvent traduire, mais aussi de s’en saisir judiciairement – « une juridicisation de droit commun qui ne puisse se confondre avec une logique de bouc émissaire tout en rappelant les devoirs, l’exemplarité, précisément attendus de nos forces de l’ordre« , précise Vincent Brengarth. Selon lui, les sources d’améliorations sont multiples. Repenser le rôle de l’IGPN par exemple, cette autorité qui contrôle les policiers, mais qui n’est pas indépendante du pouvoir politique. Ou bien enrayer la mécanique qui consiste à criminaliser les victimes de violences policières, parfois condamnées avant même d’avoir pu obtenir des investigations pour les faits dont elles ont été victimes.
Répondre aux violences policières est aussi un enjeu démocratique, souligne Vincent Brengarth. « Aujourd’hui, une crise de confiance sans précédent affecte nos institutions, dont la police est l’une des émanations« , explique-t-il. Pour un certain nombre de personnes qui ne se sentent plus représentées par le pouvoir politique, les manifestations deviennent l’un des seuls moyens d’exercer collectivement leur parole. Alors que la contestation citoyenne a vocation à grandir, au vu de défis inédits auxquels nous faisons face comme la crise environnementale, mettre un terme à l’impunité des violences policières permettrait d’empêcher « la tentation que peut avoir le gouvernement de privatiser l’usage de la police et d’en faire un instrument de régulation de la contestation sociale« , estime Vincent Brengarth.
Histoire des violences et du maintien de l’ordre
Pourquoi les violences policières se banalisent
Qui contrôle la force de l’ordre ?
Source : France Culture