Florence Fournet, directrice de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), dans une interview accordée à Anaïs Marechal et publiée sur le site Polytechnique insights, la revue de l’INstitut Polytechnique de Paris, évoque les risques sanitaires posés par la végétalisation des villes.
En bref :
La végétalisation des villes est l’une des solutions promues pour atténuer les effets du changement climatique.
Cette approche peut réduire significativement la température urbaine, améliorer le bien-être des citadins et la consommation énergétique.
La végétalisation urbaine crée de nouvelles niches écologiques, favorisant une biodiversité plus variée dans ces milieux, mais elle peut aussi augmenter les risques sanitaires liés aux maladies vectorielles.
La gestion de la végétalisation doit être adaptée pour éviter les risques sanitaires, comme les épidémies de dengue ou la propagation de tiques porteuses de maladies.
Il est essentiel de poursuivre la recherche pour comprendre et minimiser ces risques tout en maximisant les bienfaits de la végétalisation en ville.
En résumé :
Face aux défis du changement climatique, la végétalisation des villes s’impose comme une solution clé pour améliorer la qualité de vie urbaine tout en contribuant à la lutte contre les effets néfastes de la hausse des températures. L’intégration d’espaces verts, de végétation sur les façades et de plans d’eau en milieu urbain permet non seulement de réduire la chaleur extrême, mais aussi de répondre à plusieurs Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés par les Nations Unies. En outre, les avantages pour la santé publique et l’environnement sont nombreux : diminution des risques d’inondation, baisse de la consommation énergétique et amélioration du bien-être des habitants.
En effet, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la végétalisation des villes permettrait de réduire la consommation électrique liée à la climatisation résidentielle de plus de 30 % en période de pointe, grâce à l’ombre générée par les arbres. Une étude menée à Paris a montré que la température dans les rues peut baisser de plus de 4 °C lorsque plusieurs mesures sont combinées : création de parcs, isolation des bâtiments et utilisation de matériaux réfléchissants. Ce phénomène est d’autant plus pertinent que d’ici 2050, les deux tiers de la population mondiale pourraient vivre en milieu urbain, intensifiant la nécessité de telles initiatives.
Outre ses effets sur le climat, la végétalisation urbaine a un impact direct sur la biodiversité. L’urbanisation tend à appauvrir les écosystèmes, favorisant uniquement les espèces les plus résistantes aux environnements urbains. Cependant, en réintroduisant des espaces naturels dans les villes, de nouvelles niches écologiques se créent, permettant à une faune et une flore plus diversifiées de s’épanouir. Par exemple, la présence d’abeilles et de papillons est encouragée par la création de parcs urbains et de plantes nectarifères, tandis que l’aménagement de prairies ouvertes favorise une plus grande variété d’oiseaux. De même, des mammifères, tels que les sangliers, peuvent pénétrer dans les zones urbaines grâce aux corridors verts.
Cependant, la végétalisation urbaine n’est pas sans risques. L’augmentation de la biodiversité en milieu urbain peut favoriser la propagation de maladies vectorielles, transmises par des insectes ou des animaux. Madrid, par exemple, a connu une recrudescence de cas de leishmanioses entre 2009 et 2012, liée à une augmentation des populations de lièvres et de moucherons dans une forêt urbaine récemment aménagée. Tokyo, en 2014, a été confrontée à une épidémie de dengue, attribuée à la prolifération du moustique tigre dans le parc Yoyogi. Ces exemples soulignent la nécessité de mieux comprendre et gérer les effets secondaires de la végétalisation, particulièrement en ce qui concerne la santé publique.
En outre, l’introduction de mammifères dans les zones urbaines végétalisées favorise également la présence de tiques, vecteurs de maladies telles que la maladie de Lyme et les fièvres hémorragiques. Des études menées à Helsinki et en Bavière ont révélé une présence alarmante de tiques infectées dans les parcs urbains, associée à des populations de cerfs et autres animaux sauvages. La recrudescence de ces pathologies dans les zones urbaines souligne l’importance d’une gestion rigoureuse des espaces verts.
Malgré ces risques, la végétalisation urbaine reste une solution indispensable face aux défis climatiques et environnementaux actuels. Il est cependant crucial de concilier les bénéfices de cette approche avec une gestion rigoureuse des risques sanitaires. Des solutions existent pour limiter les impacts négatifs, notamment en contrôlant l’arrosage des espaces verts afin d’éviter la prolifération des moustiques ou encore en introduisant des prédateurs naturels du moustique tigre.
Loin d’être une question de choix entre végétalisation et santé publique, il s’agit plutôt de trouver des moyens d’équilibrer ces deux priorités. Des efforts supplémentaires en recherche et en planification urbaine sont nécessaires pour assurer une coexistence harmonieuse entre la nature et l’humain en milieu urbain.