Emmanuel Macron a reçu lundi à l’Élysée le président égyptien al-Sissi. Lors d’une conférence de presse, les deux hommes ont débattu devant les journalistes de la hiérarchie entre la religion et les droits de l’homme.
«Les valeurs religieuses doivent avoir la suprématie sur les valeurs humaines», a affirmé le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. «La valeur de l’homme est supérieure à tout», lui a répondu Emmanuel Macron lors d’un échange politico-philosophique lundi 7 décembre.
La conférence de presse des deux chefs d’État lundi à Paris touchait à sa fin quand un journaliste égyptien a posé une ultime question. Les deux hommes ont remis leurs oreillettes et ont écouté la question, qui évoquait notamment les caricatures de Mahomet, leur donnant l’occasion, rarissime dans ces exercices de conférence de presse, d’avoir un échange indirect courtois, mais ferme, sur la hiérarchie entre la religion et les lois.
Montrant les divergences philosophiques entre la France et l’Égypte, alliés de longue date, alors qu’Emmanuel Macron a remercié quelques minutes le président Sissi, accueilli en grande pompe, pour son soutien quand la France a fait l’objet d’une virulente campagne de haine internationale pour avoir défendu le droit à la caricature au nom de la liberté d’expression. «Les musulmans ont été blessés par les caricatures du Prophète. Je ne crois pas qu’on ait entendu des excuses», a notamment lancé le journaliste, dans sa question à tiroirs.
Prenant la parole, Emmanuel Macron a répété que les caricatures étaient l’expression d’une presse libre et non un message de la France aux musulmans. «Un journaliste, un dessinateur de presse écrit et dessine librement (…) Quand il y a une caricature, ce n’est pas un message de la France à l’égard du monde musulman. C’est l’expression libre de quelqu’un qui provoque, blasphème. Il a le droit, dans mon pays. Parce que ce n’est pas la loi de l’islam qui s’applique, c’est la loi d’un peuple souverain, qui l’a choisi pour lui-même. Et je ne vais pas la changer pour vous», a-t-il répliqué
«Ne le prenez pas comme une provocation du président de la République ou du peuple français», c’est «l’expression libre d’un dessinateur ou d’un satiriste, et d’autres lui répondent (…) Et les droits de l’Homme c’est ça. C’est que l’un peut provoquer, parfois choquer, et je le regrette. Mais un autre peut lui répondre, parce qu’ils se respectent et parlent en paix», a-t-il développé.
Universalisme ou origine céleste
Le président égyptien a alors pris la parole pour répondre à son tour. «Un homme a le droit d’avoir la religion qu’il veut» mais «les valeurs humaines sont faites par l’Homme et peuvent être changées alors que les valeurs religieuses sont d’origine céleste et sont donc sacrées, elles ont la suprématie sur tout. Donc rendre égale valeurs humaines et religieuses nécessite un débat calme et objectif», a-t-il affirmé posément mais fermement, les épaules tournées vers le président français.
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«Si en vous exprimant vous blessez les sentiments de centaines de millions, et que vous trouvez que cela ne peut pas être révisé, en raison des valeurs de la France… Cela nécessite une plus ample réflexion», a-t-il avancé. Le président français, pourtant attendu pour un appel avec Angela Merkel, a informé ses diplomates qu’il allait prendre quelques minutes supplémentaires pour poursuivre.
«Mais, voyez, c’est sans doute là où il y a un risque de balbutiement de notre Histoire. Nous considérons que la valeur de l’Homme est supérieure à tout. Et c’est ce qui fait l’universalisme des droits de l’Homme, qui fonde la charte des Nations unies. Rien ne peut être au-dessus du respect de l’Homme et le respect de la dignité de la personne humaine», a répliqué Emmanuel Macron.
«Il y a en effet le respect de l’un à l’égard des autres, mais dans l’ordre du politique, le religieux n’entre pas. Et jamais une religion quelle qu’elle soit (…) parce qu’on se moque d’elle, n’a le droit de déclarer la guerre». «Si nous considérons que le religieux supplante le politique», les régimes ne sont plus des démocraties, «ce sont des théocraties (…) Je ne pense pas que cela mène au meilleur».
«C’est très important le débat que nous avons là. Et sur le plan international, l’ordre politique n’est pas structuré par le religieux, c’est un fait», a-t-il conclu avant que les deux hommes ne remettent leur masque et ne sortent en poursuivant leur conversation.
Source : LeFigaro.fr avec AFP