— Par Roland Sabra —
La Biennale de danse de Martinique a ouvert avec succès ses portes sous le chapiteau mobile de Tropiques-Atrium installé au Saint-Esprit. Le bien nommé spectacle « Tremplin » a remporté un franc succès. Le rebond attendu s’est produit à Fort-de-France avec deux pièces « « Ustium » et « Feu sacré ». Le chorégraphe guadeloupéen, Hubert Petit-Phar, ouvre une porte, (Ustium en bas latin) sur un domaine plutôt sensible, longtemps resté dans l’ombre, celui de la masculinité aux Antilles. Dans le clair obscur qui baigne le plateau ils sont trois que l’on découvre figés dans des arabesques corporelles lors d’une succession de plans fixes. Trois semblables et différents, trois ensembles et séparés, trois pour deux plus un tiers exclu, un tiers excluant, un tiers séparateur qui vont décliner le thème du double, celui de l’impossible fusion, mais aussi celui de l’enfermement dans la binarité. Les mouvements des danseurs insistent : quand deux d’entre eux se déplacent sur un axe, le troisième prend le sens opposé, les heurtent et les séparent. Quand deux forment un couple le troisième s’assoit, sur le plateau, sur une chaise, immobile, ailleurs. Les corps se cherchent, se frôlent, se touchent, se heurtent, sans jamais vraiment se rencontrer. L’affrontement des corps est un leurre, un substitut, un écran qui masque et qui révèle la quête d’une autre rencontre, d’une autre façon d’être au monde, d’une féminité qui balbutie au cœur même du masculin. Une féminité qui pour pouvoir se dire est contrainte d’employer les codes dominants et socialement déterminés et acceptés d’une féminité caricaturale. La part féminine de tout homme ne eput-elle pas s’exprimer autrement que par des minauderies? Quand l’un des danseurs semble dire , « You give me love but you want sex », l’autre répond « You give me sex but you want love ». Ustium en invitant à ouvrir une porte sur une autre façon d’être au monde est dans l’ensemble plutôt réussi, nonobstant quelques longueurs qu’il faudrait supprimer pour rendre le propos plus dense et plus tranchant.
Le Feu sacré en deuxième partie, reprend le mythe de Prométhée, en le présentant non pas comme la métaphore de l’apport de la connaissance et de la maîtrise des outils aux hommes, mais plutôt comme le symbole l’asservissement de l’humanité à un pouvoir titanesque, of course, d’origine divine. C’est un seul en scène dans lequel la chorégraphie, la bande son et la vidéo mettent en valeur la petitesse humaine face aux pouvoirs des dieux. Le danseur apparaît isolé, oppressé, écrasé, dominé par un déferlement d’images informes, d’une beauté certaine, mais qui finit par lasser le spectateur. Le danseur disparaît du plateau un (trop) long moment, réapparaît habillé de façon quelque peu clownesque, se déshabille de nouveau, il l’avait déjà fait dans la première partie, mais là il le fait totalement, reprend des mouvements déjà exécutés, etc. Le spectateur, regarde sa montre, se demande pourquoi la climatisation dans la salle est si forte, s’interroge sur le pourquoi et le comment du propos…
Fort-de-France, le 23/04/22
R.S.
Ustium
Guadeloupe
Conception, chorégraphie : Hubert Petit-Phar
Interprètes : Ludovic Bibeyron, Mickaël Top, Driss IxX
Dramaturgie : Delphine Cammal
Assistante chorégraphique : Octavia Miranda
Conception lumières : Lilia Aruga
Stylisme : Ludovic Bibeyron
Musique : Le Chevalier de Saint-George, Moune de Rivel, Trio Delgrès
Feu Sacré
Martinique / ITalie
Concept et chorégraphie : Ludovic Party
Musiques : Benat Achiary, Serguei Rachmaninov, Kodo, Steve Reich, Orestes Stasimos
Interprète : Antonino Filardo
Vidéos Mapping et lumières : Alice Felloni
Voix Off : Mauro Toscanelli
Costumes : Ludovic Party
Photos : Andrea D’Errico
Production : Ipazia Production