— Par Selim Lander —
Les expositions du PABE (Plastik Art Band Experimental, association de plasticiennes martiniquaises) se suivent et ne se ressemblent pas puisque organisées autour d’un thème qui se renouvelle à chaque fois. On se souvient d’une exposition mémorable à l’Atrium de Fort-de-France qui avait pour sujet « le sac ». Le thème de l’exposition actuelle auquel les membres de l’association ont dû se plier est le recyclage, up-cycling en anglais, un mot qui par un détour assez mystérieux a conduit les organisatrices au terme up-sapiens. L’idée étant, si l’on comprend bien, que de même que les déchets de toute sortes (ferraille, bouts de verre ou de tissu, vieux outils, etc.) se trouvent magnifiés une fois transformés en œuvres d’art, l’homo sapiens, avec tous ses défauts (le moindre n’étant pas de produire tant de déchets), s’il se tourne vers l’art et adopte un mode de vie plus respectueux de son environnement sera, sinon le sur-homme nietzchéen, un super sapiens.
Au temps des cathédrales et des palais, quand l’art était destiné à l’édification des croyants et au plaisir des grands, les artistes n’avaient pas besoin de s’expliquer. Leurs motifs religieux ou mythologiques, les portraits des mécènes étaient compris immédiatement. Il n’en va pas de même aujourd’hui, les œuvres sont moins immédiatement compréhensibles, les cartels ne se bornent plus à donner le titre de l’œuvre, ils précisent les intentions de l’artiste devenu créatif, c’est à dire créateur car il ne se contente plus de reproduire la nature, son œuvre traduit un point de vue sur le monde (1). Il peut être ironique ou critique : dans le second cas on parle d’un artiste engagé. Les artistes ont beaucoup choqué lorsqu’ils ont abandonné successivement le souci d’exactitude (l’art moderne), puis le souci du beau (l’art contemporain). Aujourd’hui, il semble que tout ce qu’il était possible de faire ayant été réalisé – « tableau » de couleur uniforme ou se résumant à un cadre vide, blasphème, scatologie, pornographie voire mutilation physique chez certains performeurs – le regardeur ne s’étonne plus de rien.
Délivré du souci de révolutionner l’art – toutes les révolutions déjà faites – les artistes semblent avoir retrouvé une certaine sérénité qui se manifeste en premier par un retour vers la clarté et des préoccupations d’ordre esthétique, ce qui ne saurait déplaire à l’immense majorité des amateurs.
Tout cela pour dire que les visiteurs de la nouvelle exposition du PABE n’ont pas à redouter de se voir confrontés à des œuvres totalement absconses et/ou repoussantes (comme aujourd’hui encore dans certaines expositions d’art contemporain les plus… up to date). Cela ne signifie pas que les explications qui les accompagnent soient inutiles – elles nous apprennent les intentions de leurs créatrices – mais l’on n’en a pas vraiment besoin pour leur donner une sens et pour les apprécier.
Impossible de rendre compte de l’ensemble de cette exposition qui regroupe vingt-huit œuvres de vingt-et-une artistes différentes. Le principe du recyclage indique qu’il s’agit rarement de tableaux peints mais plutôt d’objets. On n’en citera ici que quelques-uns au hasard de notre subjectivité : le plus impressionnant : la robe d’Isabelle Pin, référence explicite aux robes en métal ou plastique de Paco Rabane ; le plus émouvant : l’hommage de Garance Vennat à son père récemment décédé ; le plus naïf : la tortue de Daouia ; le plus sexy : le tableau ovoïde de Nadia Burner aux bords couverts de débris de bijoux ; les plus mignons : les poupées en fils de fer de Michèle Arretche, hommage cette fois à Calder ; les plus drôles : les petits personnages peints par Fabienne Cabord ; le plus esthétique : la blouse d’infirmière brodée par Françoise Lévy (voir photo) ; le plus utilitaire : le bar en tôle d’Hélène Jacob … …
Nous engageons les amateurs à se rendre jusqu’au Créole Arts Café, à Saint-Pierre (Martinique), où ils pourront compléter, amender cette liste au gré de leur propre subjectivité et même acquérir, s’ils le souhaitent, leur œuvre favorite.
Exposition ouverte du 10 novembre au 30 décembre 2023,
(1) Ne simplifions pas trop : c’était déjà le cas avant chez quelques artistes.