— Par Hélène Lemoine —
Catherine Ribeiro, figure légendaire de la chanson française, laisse derrière elle une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique et de l’engagement politique. Fille d’immigrés portugais née à Lyon en 1941, elle a grandi dans un environnement marqué par les dures réalités de la classe ouvrière, avec pour seul horizon les cheminées fumantes des usines de Saint-Fons. Cette enfance forgée dans la douleur et les luttes sociales a façonné une artiste rebelle et une militante indomptable, prête à se dresser contre toute forme d’injustice.
Dès les années 60, elle refuse de se laisser enfermer dans les codes du yéyé, malgré un début de carrière prometteur qui la voit figurer sur la fameuse « photo du siècle » aux côtés de stars montantes comme Sylvie Vartan et Johnny Hallyday. Mais Catherine, indocile et tourmentée, choisit d’emprunter des chemins parallèles. Avec Patrice Moullet, elle fonde le groupe Alpes et se lance dans une exploration musicale audacieuse, fusionnant psychédélisme, rock progressif et jazz. Ensemble, ils repoussent les limites de la chanson traditionnelle, à la recherche d’une forme d’expression plus brute, où la voix devient un véritable instrument au service de la révolte et de la poésie.
Ses chansons, telles que Paix et Le Rat débile et l’Homme des champs, témoignent de ses engagements multiples : pour la Palestine, contre la guerre du Vietnam, pour les réfugiés chiliens ou encore contre l’ordre établi incarné par Valéry Giscard d’Estaing. Ses prises de position, jugées trop radicales, la marginalisent dans le paysage médiatique, mais renforcent son lien avec un public militant. Catherine se produit dans des lieux emblématiques comme l’Olympia ou la Fête de l’Humanité, et marque les esprits par des performances enflammées, où sa voix ample et vibrante incarne toute la rage et la passion d’une femme en lutte.
Catherine Ribeiro, c’est aussi une artiste qui se méfie des mots, préférant parfois les remplacer par des onomatopées ou des chants instinctifs. Influencée par des poètes comme Apollinaire et Aragon, elle cherche à détruire les conventions de la chanson pour en faire un vecteur de liberté totale. Allergique à tout esprit clanique, elle fédère autour d’elle des gens de tous horizons, refusant les étiquettes et les compromissions.
Son refus du vedettariat, son indépendance farouche et ses révoltes la conduisent à se retirer progressivement de la scène médiatique dans les années 80. Repliée dans les Ardennes, elle continue néanmoins de créer, portant haut les valeurs humanistes qui l’ont toujours animée. Jusqu’à la fin, elle reste fidèle à elle-même, refusant toute récupération politique et affirmant sa foi inébranlable en l’homme, en sa capacité à se révolter et à changer le monde.
Catherine Ribeiro s’est éteinte à 82 ans, dans une maison de retraite à Martigues. Mais son héritage, fait de combats et de poésie, résonne encore, comme un appel à ne jamais cesser de lutter pour les libertés.