—Par Roland Sabra —
Un film de Frédérique Menant avec Mario Mucio
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Le film documentaire de Frédérique Menant était présenté en avant-première mardi 24 mai dans la salle Frantz Fanon du CMAC. Pourquoi fallait-il le présenter en avant-première ? Et bien même après avoir vu le film nous n’en savons toujours rien. C’est Gérard GUILLAUME, le directeur d’antenne de Martinique 1ère qui invitait et qui officiait aux commandes de la soirée. Il a d’abord tenu a présenter ses gentils amis présents parmi les spectateurs, une petite partie de sa gentille famille, son gentil tailleur, celui qui lui coupe ses chemises indiennes,[…]* Il nous a gentiment fait grâce de la présentation de son gentil chien ou chat. Il nous a annoncé, entre deux aphorismes tout aussi gentils, le programme : présentation, c’était fait, projection, discussion , restauration, digestion et peut-être réflexion. Puis vint le documentaire. Mario Lucio romancier, essayiste cap-verdien converti à la chanson depuis 2004 et tout récemment promu Ministre de la Culture de son pays, est filmé au cours l’enregistrement de son dernier album Kreol. Fidèle à une démarche initiée dés ses débuts il le conçoit comme une rencontre avec d’autres musiciens, d’autres chanteurs, issus pour l’occasion de la créolité. La caméra le suit du Brésil à Cuba en passant par le Mali, la Martinique, le Cap-Vert et Paris. Il entame des duos avec les gentils artistes rencontrés ou leur offre gentiment des textes à chanter et il y là, entres autres, Pablo Milanes, Mario Canonge, Mariza, Salif Keita, la divine Cesaria Evora et l’inénarrable Ralph Tamar, moins guindé en studio qu’il ne peut l’être sur scène. Si ce n’était que cela ! Mais voilà, la metteure en scène interroge Mario Luciano et il parle ! De l’identité créole, de son identité créole, de la nécessité d’aller gentiment vers l’autre, d’être ouvert à l’autre etc. C’est un gentil discours pleins de bonnes intentions, un peu mièvre, catho-chantant et très lénifiant. Mais bon on peut gentiment passer l’éponge et oublier tout ça, mais diable il y a un commentaire qui accompagne en voix off le documentaire et qui use et parfois abuse de figures de style convenues comme la répétition, l’inversion lexicale, masquant une absence d’analyse et de la créolité et de la créolisation. Pis encore le commentaire se fourvoie, à certains moments, dans l’extrême simplification et la complaisance idéologique quand par exemple il affirme que les créoles cubains eux au moins savent que le racisme est le fruit d’un système économique. En dehors du capitalisme point de racisme ? Diantre !
Les images sont belles, avec leur inévitable aspect carte postale de vidéo touristique promotionnelle. La mer est admirablement filmée, le montage et les raccords de plans sont le fait d’une professionnelle et l’affiche est une superbe photo d’un enfant européen penché avec amour sur l’épaule d’une Da, brésilienne aux cheveux jaunes ( blanchis?) et au regard clair. Image qui à elle seule vaut l’ensemble du documentaire.
Puis est venu le moment des congratulations. Le maître de cérémonie, a sollicité gentiment l’avis de gentils spectateurs qui ont gentiment dit tout le bien qu’ils pensaient de ce gentil documentaire. Est revenu dans moult interventions le mot émouvant. C’était émouvant. Un gentil film émouvant. Sous ce déluge de guimauve lénifiante pas une voix discordante au concert de la fraternisation créolisante. « Tous créoles ! » est venu rappeler Roger de Jaham. Bon il était temps de passer au buffet. Un gentil buffet…
Martinique 1ère était venue faire la promotion d’un documentaire qui passera sur ses antennes le mardi 31 mai à 21 h 30. La rivalité qui traverse le panorama télévisuel depuis l’apparition de la TNT justifie-t-elle cela ? En sortant on pouvait se dire que si l’on était resté chez soi à lire Édouard Glissant, on n’aurait pas perdu son temps.
Un film de Frédérique Menant avec Mario Mucio
R.S. le 25/05/2011
*Nous avions fait ici une incise un peu mordante. Cette ironie n’a pas eu l’heur de plaire à M. Guillaume qui s’en est plaint. Comme ce n’est pas l’essentiel du propos, on peut l’oublier.
R.S. le 29/05/2011