— Par Héloïse de Culture Égalité —
Une enfant de neuf ans a été violée par un ami de son père avec la complicité de ce dernier. Rendant compte de ce crime horrible dans un grand quotidien régional français, un journaliste utilise l’expression « jeune fille » pour désigner la victime. Or, à neuf ans, on n’est pas une « jeune fille », mais une enfant, une petite fille, ce qui rend ce crime d’autant plus atroce. Cet abus de langage est fréquent dans les affaires de pédocriminalité. Que révèle-t-il?
Considérer une petite fille violée comme une « jeune fille », c’est minimiser, voire occulter la dimension pédocriminelle de cet acte, et ainsi sous-estimer sa gravité — les pédocriminels eux-mêmes prétendent souvent que leur victime « faisait plus que son âge » pour se dédouaner.
Dans la mesure où la figure de la jeune fille est érotisée dans notre société patriarcale, cela revient aussi à sexualiser une enfant et à adopter le point de vue de l’agresseur, ce qui témoigne d’une forme de complaisance et de complicité masculiniste. Enfin, on peut y voir une manière sexiste, cynique et révoltante de prendre acte de ce crime: dans l’inconscient patriarcal, une petite fille violée n’est plus une petite fille, c’est une jeune fille ! À la limite, l’agresseur aurait procédé à une sorte de rite de passage !
Les violences sexuelles ne sont jamais acceptables, quel que soit l’âge de la victime, mais lorsqu’elles sont commises par un·e adulte sur un·e enfant, la domination est à son paroxysme. Il est plus difficile pour un·e enfant de briser le silence, et les blessures physiques et psychologiques sont plus profondes et plus durables.
Dans son autobiographie, Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, Maya Angelou expose à la fois les raisons du silence, et l’intensité des séquelles physiques entraînées par « le viol d’un corps de huit ans ». Enfant maltraitée, elle interprète les premières agressions sexuelles commises par son beau-père comme des marques d’affection. Alors qu’il s’apprête à la violer, l’homme menace de la tuer si elle crie, et de tuer son frère si elle le dénonce. « Et puis, il y eut la douleur. Une rupture et un déchirement qui mettent les sens eux-mêmes en lambeaux. (…) Je crus que j’étais morte. » Après avoir tenté de cacher sa blessure, la petite fille doit être hospitalisée en urgence.
D’après un rapport de la Ciivise paru en 2022, « dans le cadre familial, les violences sexuelles commencent très tôt : l’âge médian des victimes est de 7 ans pour les filles et 8 ans pour les garçons ; et une victime d’inceste sur quatre avait moins de 5 ans au moment des faits ».
La loi française tient compte de la spécificité des violences sexuelles commises sur les enfants.
Grâce à la lutte incessante des féministes, l’État a notamment établi un seuil d’âge de non-consentement : un·e adulte n’a pas le droit d’avoir des relations sexuelles avec un·e enfant de moins de 15 ans. Ce seuil est de 18 ans en cas d’inceste. Les pédocriminels ne peuvent plus invoquer le « consentement » de leurs victimes ni leur prétendue « maturité ».
Au-delà de cet exemple, comme l’explique Caroline De Haas dans une vidéo pour Brut (https://www.dailymotion.com/video/x84tndg), il est important d’utiliser les mots justes, et d’éviter les expressions qui banalisent, romantisent ou minimisent les violences sexistes et sexuelles, ainsi :
• Crime passionnel, drame conjugal => féminicide conjugal
• Pédophile => pédocriminel
• Abus sexuel => agression sexuelle ou viol
• Geste déplacé, attouchement => agression sexuelle
Héloïse de Culture Égalité
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