Qui est Déborah de Robertis, l’artiste « sextrémiste » qui a réalisé une performance en pleine manif des « Gilets jaunes »
Tour à tour vierge ou putain, sainte ou salope, reine ou sorcière, « L’Obs » a rencontré cette artiste luxembourgeoise.
Par Marie Vaton
Photo : Christophe Archambault / AFP
Ce n’était pas des Femen mais bien une performance artistique qui s’est déroulée sur les Champs-Elysées samedi 15 décembre au matin, au début de l’acte 5 des « Gilets jaunes ».
Sein dévoilé, habillées en Marianne, faisant face aux gendarmes qui bloquaient l’avenue, cet happening est l’oeuvre de Deborah de Robertis, une artiste habituée aux performances souvent dénudées, qui lui valent des comparutions au tribunal, comme en septembre dernier, lorsqu’elle est apparue dénudée, grimée en vierge Marie au sanctuaire de Lourdes.
Cette jeune vidéaste de 34 ans est loin d’être folle.
A Lourdes, elle avait joué Marie et Marie-Madeleine à la fois, « la vierge et la putain », la sainte et la sorcière. La vidéo de sa performance se concluait sur un extrait de l’Evangile selon St Luc : « Magnifique le ventre qui t’a porté, Magnifique le sexe qui t’a enfanté », comme pour mieux rappeler que ce n’est pas le corps de la femme qui est obscène, mais le regard que pose l’Eglise dessus.
Le 19 mai prochain, elle sera jugée à Tarbes pour « exhibition sexuelle », un motif de plainte systématiquement invoqué contre elle :
« »Pour les institutions, qu’elles soient religieuses ou artistiques, le corps nu de la femme est toujours vue sous un prisme sexuel et ‘offensant’, comme pour mieux invisibiliser le geste politique et artistique qui en est l’origine. » »
« La femme qui buzze en montrant son sexe »
Déborah de Robertis est une artiste singulière et incomprise. Ignorée et largement sous-estimée par le milieu de l’art, elle est pourtant de plus en plus connue du grand public comme « la femme qui fait du buzz en montrant son sexe ».
C’est tout le paradoxe et la difficulté de celle qui interroge depuis quatre ans la place des femmes dans l’histoire de l’art et l’hypocrisie des musées français. Comment être prise au sérieux par ces institutions dès lors qu’on les accuse de censure ? Comment rentrer dans les cadres de diffusion traditionnels lorsque – et c’est tout son propos, on n’a de cesse de vouloir sortir des cadres justement ?
Depuis sa première performance en 2014 au musée d’Orsay où elle rejouait le tableau « L’Origine du Monde » de Gustave Courbet, l’Ave Maria de Schubert en fond sonore, l’artiste n’a eu de cesse de recréer, obsessionnellement, des œuvres, bien vivantes celles-là, orgiaques, joyeuses, pour « libérer le modèle et ses représentations » jugées trop lisses et figées.
Strip-teaseuse à l’école
Déborah de Robertis est née au Luxembourg en 1984 et a fait ses classes dans une école réputée, l’Ecole de recherche graphique de Bruxelles (erg), l’une des principales écoles d’art et de design de Belgique (Benoît Poelvoorde y est passé). Option performances et vidéos. Premier fait d’armes, première polémique : elle se fait engager comme strip-teaseuse dans « un bar à champagne miteux ». Puis filme sa prestation, non pas du côté des spectateurs, mais de son point de vue à elle, sur scène.
Lorsqu’elle présente le film de son travail à un jury, l’un des professeurs fait un malaise : « Il a voulu sortir de la salle, se sentait oppressé ». Un autre lui dira :
« »Et à part battre des cils, vous savez faire quoi ? ». »
En deuxième année, elle prend la place d’une prostituée dans une vitrine de Bruxelles et, GoPro sur la tête, réitère l’expérience. Inversion des rôles regardés-regardant, muse-artiste. « De femme-objet, je suis devenu sexe-pensant et j’ai compris à partir de là que ma nudité était une planque par où regarder le monde sans être vue », résume-t-elle….
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