« Une nuit d’orgie à Saint-Pierre Martinique » a été publié en 1893 par un certain Effe Géache ou F.G.H., dont l’identité n’a jamais été découverte.
L’histoire se déroule dans le « Paris des Antilles » encore appelé la « Venise tropicale» ou le « Sodome américain », qu’était alors Saint-Pierre, la capitale de l’île de la Martinique.
Ce roman met en scène les us et coutumes amoureux de cette ville peu avant sa destruction par l’éruption de la Montagne Pelée.
Les aventures érotiques de Hubert, Jules et Philippe, les compères d’Une nuit d’orgie, « mêlent toujours – selon Raphaël Confiant – la débauche au comique, le stupre à la rigolade la plus franche ». L’intérêt de cet ouvrage réside moins dans l’intrigue que dans la richesse de son vocabulaire imagé et épicé ; le créole apporte notamment gourmandise et gaieté à cette oeuvre sans égal.
Lire un extrait :
Le port de Saint-Pierre est magnifique tant par l’immobilité de la mer dans la belle saison que par sa forme gracieuse.
Quoi de plus beau, en effet, que le quart de cercle que la vague a creusé sur la plage de la ville montueuse et mal pavée, et les petites lames qui, couronnées de blanches écumes, viennent mourir presque sans bruit sur un bord de sable gris ?
C’est un plaisir que l’on ne regrette pas de se payer, quand, vers le soir, à la sortie du travail, on va se promener sur les quais, respirant un air salin qu’attiédit un soleil tropical. alors on voit une quantité innombrable de mâts et de vergues, s’entrelaçant comme les tiges d’une touffe de bambous, se balancer nonchalamment par un léger roulis.
Un petit vent d’ouest sifflote dans les pavillons, les ploie, les déploie et les entortille sur les étais.
La surface polie de l’océan bleu se ride sous son effleurement en se mouchetant de petits points diamantés. tous ces charmes reposent la vue… un coup de sifflet se fit entendre au large dans le port.
– quoi ! se demande Philippe, déjà La Perle qui arrive ?… quelle heure peut-il être donc ?…
et regardant sa montre :
– ah ! mon dieu, cinq heures et demie, mais c’est aujourd’hui que Jules doit venir de Fort-de -France !… eh bien ! allons le recevoir au débarcadère. A la pointe sud, une fumée noire se répandait dans les airs, annonçant l’arrivée d’un bateau à vapeur. tous les yeux se braquaient là-dessus et chacun courait précipitamment prendre place tout le long des quais que bordent des chalands, des pirogues et des yachts.
– C’est La Perle, c’est La Perle ! criait-on de toutes parts.
Et sur le grand quai de la Compagnie girard, celui où devait accoster le vapeur si attendu, se tenait une foule compacte, pressée, anxieuse, au milieu de laquelle on reconnaissait Philippe. il était là aussi, suant au soleil qui l’aveuglait ; il faisait de grands yeux comme tous les autres.
Enfin, le bateau était attaché à ses amarres et les voyageurs remettaient déjà leurs cartes au planton.
une rangée d’agents de police, longeant le quai, du bateau à la barrière de sortie, soustrayaient ainsi les malles et les effets aux ravages des voleurs.
Jules sauta du bateau, puis, se retournant vivement, offrit la main à une grosse pièce de femme qui se tenait, souriante, sur le bord du yacht, prête à s’élancer, lorsque le bateau se choquant contre le quai recula de deux à trois mètres. Mais déjà son pied a quitté le tribord du yacht et, pâle, poussant un cri étouffé, Laurence, c’était son nom, la robe en crinoline, tomba d’aplomb dans la mer. L’eau rejaillit de tous côtés, laissant entendre un bruit sourd. au fond, Laurence s’agitait et, étendue sur les flancs, elle laissait entrevoir une quiouquioute (con) couverte de poils noirs qui attirait tous les regards. elle fut sauvée…
Sur les planches disjointes du quai on la roula pour lui faire rendre à la mer ce qu’elle lui avait pris dans son bain involontaire. à maintes reprises le même spectacle s’offrit au public et chacun ne manquait pas de pousser un cri d’admiration et d’envie. Philippe, dès qu’il avait aperçu la compagne de Jules, avait passé par-dessus la barricade qui sépare le quai girard, au risque d’être repoussé par les agents, et était venu tout près du bateau serrer la main à son ami. insensible aux craintes que pouvait susciter en Jules le danger de sa maîtresse, Philippe, frappant des mains, la face rayonnante de joie, lui dit :
– Tiens, mon vieux, fichtre que ta femme a une jolie patate (con), c’est vraiment une patate lombrage (con très velu).
–Tonnerre de dieu ! répondit Jules, tu vois que cette femme se meurt, et au lieu d’aller prévenir un médecin, tu es là à me dire des saletés.
– Eh ! tu es un manicou ; veux-tu que je te guérisse cette garce-là ? Je n’ai qu’à lui foutre un bon papalame (bonne minette) et sur le coup elle se redressera.
au même instant un gendarme ti bâton (garde de police), selon l’expression créole, se planta droit devant Philippe et sans aucun préambule lui demanda son nom et dressa contre lui procès-verbal comme infraction aux articles 479, n° 8, et 480 du code pénal.
COLLECTION EROTIQUE DES ANTILLES et la publication, le 23 octobre 2015, du premier ouvrage de cette collection « Une nuit d’orgie à Saint-Pierre Martinique » de Effe Géache et préfacé par Raphaël Confiant (Prix TTC Antilles-Guyane : 12,45 euros)