« Esclaves », saga en six épisodes, mêle quête personnelle de l’acteur, archéologie sous-marine et enquête historique
— Par Catherine Pacary —
Esclaves, réalisé par Simcha Jacobovici (EU, 2020, 6 × 60 min). Épisodes 1 et 2 le 3 décembre, épisodes 3 et 4, le 10 décembre ; épisodes 5 et 6, le 17 décembre.
Connu pour sa filmographie prolifique, de Jungle Fever (Spike Lee, 1991) à sa longue collaboration avec Quentin Tarantino (Pulp Fiction, 1994 ; Jackie Brown, 1997 ; Django Unchained, 2013…), Samuel L. Jackson l’est aussi pour son militantisme : à 19 ans, il est un des nombreux porteurs du cercueil de Martin Luther King lors de ses funérailles à Atlanta, en avril 1968. On le découvre ici en héros d’une superproduction documentaire, Esclaves, qui retrace l’histoire du trafic transatlantique d’êtres humains en six épisodes thématiques, dont les deux premiers sont diffusés jeudi 3 décembre.
Tout commence par un test ADN, qui va permettre à l’acteur d’identifier certains de ses ancêtres : des membres de la tribu benga, originaire de l’actuel Gabon, arrachés à leur terre et vendus comme esclaves de l’autre côté de l’océan, comme 12 millions d’Africains. A partir de cette histoire personnelle, le réalisateur Simcha Jacobovici a bâti une saga inédite, en faisant appel d’une part à une équipe de plongeurs spécialisés pour explorer différentes épaves de navires négriers, d’autre part à une journaliste d’investigation, Afua Hirsch, chargée d’éclairer les mécanismes politiques, sociaux et économiques par lesquels ce système a pu perdurer pendant plus de trois siècles.
Chaque épisode suit ainsi trois fils conducteurs qui s’entremêlent : le parcours de Samuel L. Jackson (aussi producteur exécutif avec son épouse LaTanya), sur les traces de ses origines, l’enquête historique et l’exploration sousmarine par les plongeurs de l’association Diving with a Purpose (DWP), dévolue à la protection du patrimoine englouti.
Racines de la pensée raciste
Si l’on peut rester dubitatif devant la mise en scène « à l’américaine » des séquences sousmarines, qui pousse à l’extrême le suspense, on ne peut qu’admirer le résultat. Qu’il s’agisse du site du naufrage du Guerrero, en Floride, dans le premier épisode sur La Mémoire engloutie, ou, dans le suivant, lorsque les plongeurs sont les premiers à explorer, près des côtes de Cornouailles, ce qui reste du « 35F », nom de code donné au plus ancien navire négrier connu à ce jour, coulé probablement en 1685.
De son côté, Samuel L. Jackson part au Gabon rencontrer les Benga, qui l’accueillent comme un chef d’Etat avant de lui faire passer un rite initiatique. L’acteur s’y prête de bonne grâce. On le suit, dans le premier opus, d’échoppes en préparatifs jusqu’à la cérémonie finale. Parallèlement, l’équipe se rend au bord de la lagune d’Iguéla, site paradisiaque du parc national de Loango, d’où est parti, en 1720, le premier navire chargé d’esclaves à destination de la Caroline du Sud. Au total, 1 million d’hommes ont embarqué ici une fois vendus, à l’instar d’une autre « marchandise » ,très lucrative alors : l’ivoire.
Le deuxième épisode, Rationalisation, poursuit l’enquête et cherche à comprendre comment les Européens ont pu justifier la traite d’esclaves audelà de son simple aspect économique. Le documentaire s’intéresse alors aux acines de la pensée raciste. Face à une église construite au milieu de la cour d’un centre de détention
négrier, Afua Hirsch s’interroge : « Pour tous ces Européens, ce n’était pas contradictoire de s’adonner à ce commerce horrible ? »
Catherine Pacary
Esclaves, réalisé par Simcha
Jacobovici (EU, 2020, 6 × 60 min).
Episodes 3 et 4, le 10 décembre ;
épisodes 5 et 6, le 17 décembre.
Source : LeMonde du 03/12/20