— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Un budget 2024 de la CTM en recul par rapport à 2023, particulièrement les investissements, une fiscalité locale qui rame, une explosion de la dette, la capacité d’autofinancement(CAF) en baisse, un budget de plus en plus dépendant des subsides de l’Etat et de l’Europe, tel est le visage de ces prévisions pour 2024.
Le système certes tend à étouffer la collectivité territoriale de Martinique, mais sa gestion aventureuse y apporte sa part. Voilà la conclusion d’une étude analytique de Monsieur Michel Branchi rédacteur en chef du journal Justice. En Guadeloupe c’est la violence exponentielle et l’insécurité qui occupent le devant de la scène médiatique avec le coup de gueule du maire de Pointe à Pitre, et qui imprègnent tous les esprits. Cette baisse de régime de la CTM et cette véritable impuissance de l’action publique en Guadeloupe confrontée à l’insécurité corrélée à des difficultés budgétaire de la ville de Pointe à Pitre et d’autres communes, interviennent malheureusement dans un contexte particulièrement difficile pour les comptes publics de la France hexagonale. Car dans le même temps la France retient son souffle en anticipation de l’annonce par l’Insee du déficit public de l’année dernière, suscitant déjà une onde de choc politique quant à la gestion budgétaire durant l’ère Macron. Initialement estimé à 4,9% du PIB, le déficit de 2023 s’avère être « significativement » plus élevé, selon les révélations pressenties, alimentant ainsi les craintes quant à la trajectoire de désendettement du pays. Des chiffres alarmants ont été évoqués, avec une projection d’un déficit atteignant 5,6%, un constat partagé lors d’une visite au ministère des Finances par le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson.
Cette débâcle budgétaire a été qualifiée de « calamiteuse » par le sénateur LR, pointant du doigt l’incapacité du gouvernement à respecter sa propre trajectoire budgétaire fixée à 3%. Face à cette crise, le président Emmanuel Macron a averti qu’un resserrement budgétaire supplémentaire serait nécessaire, avec déjà dix milliards d’euros de coupes annoncées dans le budget 2024 et 29 milliards pour 2025. Cependant, cela pourrait ne pas suffire, comme l’indique le président de la cour des comptes Pierre Moscovici, suggérant des économies de l’ordre de 50 milliards et des réductions supplémentaires dans les dépenses publiques, à l’instar de Bruno le Maire qui préconise désormais des économies notamment dans les secteurs sociaux et locaux. Malgré ces mesures d’austérité, le gouvernement exclut catégoriquement toute augmentation d’impôts, préférant se concentrer sur la maîtrise des dépenses publiques. Cela se traduit par des examens minutieux des politiques d’aides aux entreprises, des dépenses sociales et des investissements immobiliers de l’État. Bruno Le Maire va même jusqu’à proposer un durcissement des règles d’indemnisation des chômeurs.
Cependant, cette stratégie n’est pas sans risque, prévient l’économiste Mathieu Plane, soulignant le danger de programmes d’austérité trop brutaux qui pourraient nuire à la croissance. D’autre part, des voix s’élèvent pour réclamer une révision des politiques fiscales, notamment en imposant davantage les entreprises générant des profits exceptionnels, mais le gouvernement reste ferme sur sa position anti-augmentation d’impôts. Enfin, la croissance économique est présentée comme une solution moins impopulaire pour résoudre la crise budgétaire. Cependant, avec une croissance faible prévue pour 2024, selon les analystes, le gouvernement pourrait être contraint à des mesures plus restrictives, compromettant ainsi la reprise économique.Dans l’attente de l’annonce officielle de l’Insee prévue mardi, la France se trouve à la croisée des chemins, confrontée à des défis économiques majeurs qui nécessiteront des décisions politiques impopulaires. L’avant-goût d’une cure de rigueur qui va forcément passer par d’autres coupes drastiques dans les dépenses publiques des collectivités d’outre-mer, car le déficit public s’annonce plus important que prévu. Et pourtant, le gouvernement continue à sortir le chéquier. Le problème, c’est que la recherche effrénée d’économies du gouvernement est sans cesse contredite par de nouvelles dépenses. Presque malgré lui, l’exécutif continue à sortir le chéquier à la moindre étincelle. Avec les agriculteurs : une partie des 450 millions d’euros d’aides a été débloquée après les coupes budgétaires. Mais aussi pour les hôpitaux en difficulté, dotés de 500 millions d’euros supplémentaires. Les primes Jeux olympiques des fonctionnaires, qui s’élèveront jusqu’à 1.900 euros, vont aussi coûter plusieurs centaines de millions d’euros. Dans un registre différent, Emmanuel Macron a aussi annoncé 3 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine. Voilà de quoi encore donner des billes à l’opposition pour attaquer frontalement la politique du gouvernement et miser sur une motion de censure lors du prochain examen du budget 2025 en septembre prochain.
C’est dans ce contexte que le Rassemblement National risque de se trouver en pôle position pour ramasser la mise d’une majorité absolue à l’assemblée nationale en cas d’élections législatives anticipées. Spontanément, les Français paraissent y croire de plus en plus. Tout comme certains économistes crédibles qui ne cessent de s’épancher sur le malaise des classes moyennes. En quelques décennies, la situation semble en effet s’être dégradée et le déterminisme social avoir gagné du terrain.Le pire est devant nous : les défis et enjeux à venir pour la Guadeloupe et la Martinique seront cruciaux en 2025 et le congrès des élus de Guadeloupe envisagé en juin 2024 avec à la clé un éventuel changement des institutions n’est qu’un leurre.
« A pa jou pyébwa tonbé an dlo i ka pouri «
Traduction : Ce n’est pas le jour où l’arbre tombe à l’eau qu’il pourrit.
Moralité : Les conséquences ne suivent pas immédiatement les causes.
On ne paye pas de suite les conséquences de nos actes.
Jean-Marie Nol, économiste