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— Par José Alpha —
L’inspiration comique des évènements, des situations et des personnages portée à la scène théâtrale répond généralement au besoin de détente et de distanciation que nous procurent par exemple les humoristes en général, ou les talentueux comiques antillais de plus en plus présents sur les scènes locales et nationales.
Nous avons plaisir à les voir se débattre à notre place, dans des situations de conflits, de frustration, de mensonges, de mauvaises fois et d’impuissance.
Alors quand on annonce « le Tartuffe » de Molière, même si on ne connait pas l’histoire, on s’attend à découvrir comme tout le monde, des développements suffisamment comiques servis par la réputation de l’auteur et surtout par la jeunesse du metteur en scène, de surcroit martiniquais donc bien au fait des relations humaines volcaniques et passionnelles qui nous constituent malgré tout.
Créée à partir de la combinaison du comique et de l’art théâtral, la comédie est avant tout, aujourd’hui, un régulateur des tensions quotidiennes. Tout le monde le sait, tout le monde l’a bien compris. Et c’est en ce sens que les situations sociales, les conflits interpersonnels et les frustrations trouvent dans ce genre théâtral, l’antidépresseur bienfaisant qui favorise le rire de soi, de ses travers, de ses manquements et de ses erreurs. Le personnage ridicule de la comédie, loin d’émouvoir, justifie chez le spectateur la satisfaction de soi-même et autorise la détente comique qui maintient la relation avec le public.
Alors, quand l’innovation du metteur en scène qui a le droit de réécrire l’organisation temporo- spatiale des évènements avec des yeux neufs et un tempérament rassurant, a pour objectif de transporter le spectateur notamment par ses choix d’intrigues, d’ambiance et de contingence spatiale, nous propose un développement inaudible, atone et sans émerveillement, je crois devoir rappeler que la Comédie créole qui trouve son inspiration aussi bien chez Molière, comme l’a précisé Georges Mauvois, chez Lope Dé Véga, chez Calderon ou chez Patrick Chamoiseau selon Vincent Placoly, ne peut en aucun cas ou dans quelque interprétation, s’exprimer au moins sans le rythme, le swing et les expressions comiques (de geste, de mots, de caractère, de situations, et physionomiques) qui caractérisent sa vitalité et ses contrastes.
Des exigences largement exprimées au même moment par les comédiens martiniquais et les gens des métiers de la filière théâtrale rassemblées les 7,8 et 9 octobre, à l’initiative de la Sodarcomématéré * pour réfléchir ensemble sur « la comédie créole, reflet de nous-mêmes », à quelques mètres du Théâtre qui donnaient à voir « le Tartuffe » de Molière. Les éléments de convergence réunis pour la circonstance étaient favorables à une clarification identitaire du genre théâtral qui recueille les faveurs du public martiniquais et plus largement Antillais. Ils ont de surcroit permis d’éclairer les bénévoles, amateurs et professionnels sur les ressorts techniques et humains qui caractérisent « la comédie théâtrale qui est dix fois, cent fois, moins trompeuse, moins mensongère que la comédie sociale », selon l’écrivain dramaturge Raphael Confiant. Et qui surtout consacre aussi la « revanche des plus humbles », c’est-à-dire de ceux qui, comme le conteur créole, imitent avec facéties les travers et les manquements du maître, du président, du patron, du boss, de l’autorité pour les ridiculiser.
Ces incontournables ressorts de la comédie placent le spectateur au cœur même de l’intrigue, capable de juger sur pièce le portrait qui lui est proposé d’un Tartuffe que nous avons souhaité reconnaitre dans notre typologie créole.
Ils ont échappé à la direction des acteurs qui a privilégié l’accessoire à l’essentiel comme autant de dispersions qui ont desservi le déroulement chaotique et périlleux des contrastes et des ingrédients du comique : le ridicule, l’esprit et l’humour.
José ALPHA
* Sodarcomématéré : Société des Artistes Comédiens Martiniquais et des gens des Métiers du Théâtre Réunis.
Lire aussi :
http://www.madinin-art.net/theatre/tartuffe_comedie_introuvable.htm
http://www.madinin-art.net/theatre/sabra_tartuffe_deluge.htm
http://www.madinin-art.net/theatre/sabra_deluge_tartuffe_interview.htm
http://www.madinin-art.net/theatre/antourel_tartuffe_deluge.htm
http://www.madinin-art.net/theatre/tartuffe_beau_spectacle.htm