— Par Ricardo Alarcón de Quesada —
L’histoire du Black Power, le mouvement qui a canalisé les aspirations de la jeunesse afro-américaine dans les années soixante du siècle dernier, revient impulsé par l´art. Premièrement ce fut un extraordinaire documentaire récompensé dans les festivals de cinéma alternatifs. Maintenant avec un livre, préfacé par l´acteur et activiste social Danny Glover. Les deux sous le titre de The Black Power Mixtape⋅
Son origine est surprenante⋅ Un groupe de jeunes cinéastes suédois avait voyagé aux États-Unis entre 1967 et 1975 pour interviewer ceux qui marquaient alors de façon décisive la société nord-américaine⋅ Ils ont conversés, entre autres, avec Stokely Carmichael, Bobby Seale, Huey Newton, Eldridge Cleaver et Angela Davis, cette dernière dans la cellule de la prison où elle attendait la condamnation à mort qui lui avait été imposée et qui a pu seulement être évitée grâce un grand mouvement de solidarité mondiale.
Mais personne n’a pu voir ces images⋅ Depuis plus de trente ans les films sont restés dans l’oubli dans un sous-sol de la télévision suédoise jusqu´à ce que Göran Olson, qui était un petit enfant dans les années 1960, les rencontre et se donne la tâche de les sauver et de réaliser le documentaire produit maintenant par Danny Glover et Joslyn Barnes. Cet ouvrage comprend les opinions actuelles d’artistes, d’intellectuels et de militants sur ce qu’a signifié cette période dans leur vie. C´est, selon le New York Times « une extraordinaire prouesse d’édition et de recherche d’archives », « son résultat : un collage chronologique qui restaure une complexe dimension humaine de l´histoire raciale de l´époque ».
Le témoignage de cette époque apparaît devant la caméra. Des hommes et des femmes déterminés à atteindre un monde meilleur en partant du bas, depuis les communautés appauvries et victimes de la discrimination à celles qui ont rendu leur dignité et l´estime de soi avec des projets éducationnels et de santé, y compris le petit déjeuner gratuit pour les enfants et, aussi, la musique, le théâtre et la poésie.
Mais ils l´ont fait soumis au siège et à la persécution d´un régime raciste, répressif, qui les a contraints à créer leurs propres instruments d´autodéfense et le surgissement du Black Panther Party.
Cette expérience a eu lieu dans des communautés portoricaines, principalement à New York et Chicago, qui donnerait naissance au Parti des Young Lords, une organisation qui a suivi le même chemin de luttes et de sacrifices entrepris par sa jumelle afro-américaine.
C’étaient des temps en ébullition quand tout semblait aller vite, à la vitesse des rêves. L´agression barbare contre le peuple vietnamien et le désir de conquérir l´égalité raciale ont alimenté une rébellion juvénile qui s’est étendue dans tout le pays affrontant le gouvernement corrompu, délinquant, de Richard Nixon, qui ne connaissait aucunes limites dans ses violations de la légalité.
Je suis ému de voir et d´écouter Eldridge Cleaver répétant « il y a un point où la modération termine et où commence la lâcheté ».
Un grand nombre de ces jeunes gens ont été assassinés. D´autres ont cherché refuge au-delà des frontières étasuniennes. Certains sont encore enfermés dans les prisons fédérales.
Il y a encore des survivants qui se souviennent, comme Kathleen Cleaver, à l´époque Secrétaire des Communications du Black Panther et maintenant professeur de Droit dans l´Université Emory d’Atlanta. En regardant en arrière, elle se rappelle le romantisme des jeunes habitués à vivre dangereusement alors qu´ils chantaient « Je ne sais pas si je te reverrai » ou « c´est peut-être notre dernière fois ensemble ». Mais aussi, depuis le présent, elle réfléchi avec amertume : « Nous avons reculé régulièrement. C´est déprimant et quelque peu déconcertant que durant l’époque de la guerre du Vietnam les conditions de la plupart des familles noires étaient un peu meilleures que maintenant. Nous avons décliné dans l´éducation et dans l´économie ».
C´est triste de le vérifier quand, pour la première fois dans l´histoire, un Noir occupe la présidence des États-Unis. Quelqu´un qui, par ailleurs, a commencé sa carrière politique comme organisateur communautaire.
Mais la lutte continue et tout ne mène pas à la dépression. On vient d´annoncer, par exemple, que les autorités de New York, une ville dirigé aujourd´hui par une majorité progressiste, a décidé de rendre hommage aux Young Lords, le 26 juillet à l’occasion du 45e anniversaire de sa fondation.
En regardant en arrière, vers ces années des rêves, un avertissement de William Faulkner vient à l’esprit : « Le passé ne meurt jamais. Il n´est pas encore passé ».
Article publié le 27 juin 2014 dans le n° 807 de Revista Punto Final, Chili
| Source: www.cubadebate.cu | 28 , Juin 2014