— par Roland Sabra —
— |
Comédienne et marionnettiste ventriloque (?) ou l’inverse Eva Castro du « Quichotte » mis en scène par Isabelle Starkier réalise une belle performance dans un spectacle qui mêle le rêve et l’illusion au désir de ne pas céder sur les désirs de l’enfance et de l’adolescence. On aurait tort de croire qu’il s’agit là d’un spectacle réservé aux enfants à moins qu’il ne s’agisse de cet enfant-roi qui sommeille en chacun de nous et qu’il nous faut destituer pour devenir enfin adulte. Quichotte refuse de sortir du monde des livres dans lequel il s’est enfermé à son adolescence. Le présent est exécrable, sans qualité, mieux vaut donc se réfugier dans le passé , non pas le passé tel qu’il s’est déroulé mais le passé mythique d’une enfance rêvée, idéalisée parce que relevant du royaume des désirs. Eva Castro est donc tout à la fois Don Quichotte, Sancho, Cardinal et Duchesse parmi tant d’autres. Elle joue de son corps, de sa voix, de ses mimiques à la limite de l’entendement en explorant de façon exhaustive l’étendue de’ la maxime rimbaldienne « Je est un autre ». Elle a un jeu corporel qui jamais ne contrarie le discours qu’elle tient mais qui au contraire en souligne les points forts, tels les déséquilibres entre raison affolée et folie raisonnante. Avec une grande dextérité elle joue avec les matériaux, les déguisements et les superbes lumières de Bertrand Llorca pour convoquer avec un grand réalisme l’illusion de plusieurs personnages sur scène, notamment dans les dialogues entre « le chevalier à la triste figure » et son valet. Le talent de la comédienne est mis en valeur par une scénographie d’une grande beauté plastique qui réveille, si elle était endormie une imagination féérique. Un drap peint délimite un univers dans lequel les mots enveloppent, cernent et dominent les personnages. Les accessoires de scènes, et jamais le mot n’a paru aussi faible, puisqu’il s’agit des belles marionnettes réalisées par Anne Bothuon sont des personnages à part entière. La démesure du discours de Quichotte est soulignée par la même démesure dans les différentes tailles de ces personnages qui varient en fonction des différents rôles qu’ils occupent à tel ou tel moment du récit. Manipulateurs ils prennent des proportions de géant, manipulés ils prennent figure de jouet. On l’aura compris la metteure en scène Isabelle Starkier a fait une réelle lecture de l’œuvre autour d’une thématique qui pourrait s’articuler comme la nécessaire reconnaissance des blessures de l’enfance pour aller vers la sagesse du fou. Les scènes qu’elle a tirées de l’œuvre de Cervantès respectent à quelques détails près l’ordre d’exposition du livre.
Un seul regret lors de la première représentation à Fort-de-France la balance entre la bande sonore et la voix de la comédienne était un peu déséquilibrée. Il fallait parfois tendre l’oreille pour l’entendre. A ce détail près la soirée était réussie..
D’après : Cervantès
Mise en scène : Isabelle Starkier
Avec : Eva Castro
Lumières : B;
Dessins et peintures : Jean-pierre Benzekri
Costume, décor, masques et accessoires : Anne Bothuon
les 23 & 24 mars 2012 au théâtre Aimé Césaire de Fort-de-France