Récemment les médias se sont faits l’écho : « Bientôt un palace aux Trois-Ilets ! «.
Autrement dit la Martinique aura enfin ‘’son Palace’’. Un rêve !
Considérant le quartier Anse-Mitan/Pointe du Bout berceau du projet, je dirais même que nous vivons un conte de fées car cette réalité en a bien l’air.
Ce site, moteur de l’industrie touristique en Martinique au début des années 70, avait été choisi en fin des années 60 par un état planificateur pour développer le tourisme. A l’instar des projets réalisés en France métropolitaine et dans l’urgence d’assurer l’emploi aux nouvelles générations qui arrivaient sur le marché du travail, le projet, sous la houlette de l’état, en raison des avantages incontestables des lieux, avait fédéré des investisseurs privés tant extérieurs que locaux. Ainsi fut construit un ensemble intégré constitué d’hôtels de différentes catégories, de logements et bien sûr d’une marina et de commerces. Tout ceci, comme dans l’hexagone, avait vocation à se développer de façon structurée.
Comme dans un conte, il semble qu’une mauvaise fée ait jeté un sort sur la station balnéaire, à peine avait-elle révélée ses promesses. Ce fut d’abord une extension avortée de la Marina au début des années 80 puis un immobilisme dans la deuxième moitié de la même décennie.
A cette époque cependant, les divers politiques de défiscalisation boostaient l’investissement touristique à tout va, y compris dans les sites de l’île les plus inappropriés.
La station balnéaire bougeait à peine si ce n’est des établissements déjà installés qui se permirent quelques extensions. Il fallut une forte pression foncière sur l’Anse Mitan/ Pointe du Bout pour que, après avoir accumulé du retard sur les communes voisines, voire la Martinique, une explosion immobilière se produise, sans semble-t-il suivre un schéma d’aménagement tel que pratiqué à l’origine dans les années 70…
Ainsi pendant une quarantaine d’année la belle station s’était installée dans un demi-sommeil. Demi sommeil puisque, sans vision d’ensemble, sans créer d’infrastructures et d’espaces publics dignes d’une station balnéaire qui vise à attirer le chaland tant international que local, en limitant son potentiel commercial, on a quand même construit à tout va, ‘’à la va comme je te pousse’’.
Voici que cette semaine, comme sous l’effet d’un baisé magique, le site de la Pointe du Bout devient digne d’accueillir après des décennies : Un Palace !!!
Il est impossible d’échapper à une impression de féérie tant cela tient de l’irréel. Princes et princesse mettent toute leur foi, leurs talents et leurs moyens financiers pour réveiller l’endormie. En plein cœur du quartier Anse-Mitan/Pointe du Bout, en trois ans surgira un complexe paradisiaque dont la conception suffira à attirer le chaland haut de gamme et très haut de gamme. Un investissement de 60 millions d’euros actuellement dont 45 pour les 62 suites de l’hôtel 5 étoiles, il n’est pas besoin de plus pour combler les attentes de la clientèle fortunée qui est visée. Et un financement solide puisque assuré par des princes locaux parmi eux et pas le moindre : la collectivité qui assurera 50% du financement. En faisant un calcul rapide, une participation d’au moins 30 millions d’euros dans un investissement qui devrait être purement privé. Précédemment le site avait été acquis pour un peu plus de 5 millions sur des fonds publics ; pour éviter qu’il ne soit détourné de sa vocation touristique. Il faudra encore prélever au moins 30 millions sur des fonds publics pour parvenir à cet objectif…
Comme tout conte de fées celui-ci laisse rêveur, plein d’optimisme, confiant en l’avenir, assuré du succès et comme ce conte se passe en Martinique, assuré d’une réussite martiniquaise.
Ceci me fait oublier la réalité, ou tout au moins ce que je crois être la réalité, une chimère de ma part puisque personne ne parait s’en préoccuper.
N’est ce pas absurde de me poser des questions telles que :
– L’Anse Mitan/ Pointe du Bout est- ce là l’environnement recherché par la clientèle huppée ?
– Les destinations qui s’adressent à une clientèle haut de gamme, en dehors des sites exceptionnels qu’elles mettent à leur disposition, ne s’appuient-elles pas sur une culture de l’accueil et du service qui prévaut dans leur population ? Et dans un contexte plus ancien, plus occidental, n’est ce pas la tradition professionnelle de l’excellence, qui assure à ces investissements le succès que nous souhaiterions partager ?
Enfin !
– Comment va-t-on gérer la mixité sur la plage de la Pointe du Bout entre cette clientèle huppée à 1.000E la nuitée et les jeunes des faubourgs qui en ont fait leur plage ???
Dominique Celma