Un Oscar pour « Une fiancée afghane »?

— Par Danielle Attali —
Tourné à Kaboul avec un petit budget et seulement cinq personnes « qui faisaient tout », le film de Barmak Akram raconte le drame d’une jeune fille enceinte et célibataire.

la_fianceeBarmak Akram a fait un rêve. Aller aux prochains Oscars à Hollywood avec l’émouvant Wajma, une fiancée afghane. Ce serait une belle récompense, pas seulement pour lui mais aussi pour les femmes de son pays, dont il prend ici farouchement la défense. Le cinéaste-musicien-plasticien a investi une grande partie de lui-même dans ce film « 100 % afghan, tourné avec 350.000 euros et cinq personnes qui faisaient tout ». À commencer par ses économies insuffisantes, gagnées grâce à quatre chansons écrites pour Matthieu Chedid, dont Le Rose pourpre du cœur, et aux diffusions télé de L’Enfant de Kaboul, tourné en 2009. « Je n’ai pas réussi ensuite à monter un film trop cher, alors je me suis lancé seul dans la production de Wajma. J’avais réalisé un documentaire sur les femmes qui s’immolent par le feu. J’ai entendu des récits d’amours contrariées, de mariages forcés, parfois de viols. Pendant des mois, j’ai été hanté par les hurlements de ces filles auxquelles on changeait les pansements sans anesthésie car il n’y a pas assez de médicaments. Cela m’a donné l’idée d’une histoire d’amour qui finit mal. »
Wajma trahie par celui qu’elle aime

Traumatisé par l’expérience, Barmak Akram se demande encore aujourd’hui pourquoi un homme qui s’immole par le feu en Tunisie provoque une révolution quand des centaines de femmes se donnent ainsi la mort sans susciter la moindre réaction. « Je me suis senti une obligation morale envers elles. Il y a d’ailleurs une scène dans Wajma qui est extraite du documentaire. » Mais le film ne se résume pas à un acte militant. Il reste le récit romanesque d’une jeune fille trahie par celui qu’elle aime, puis broyée par les codes d’honneur. Comment quand on est un homme et afghan, réfugié politique en France depuis 1981, s’empare-t-on de tels sujets?

Il faut sans doute naître comme le réalisateur dans une famille progressiste. Son père, ingénieur, a fondé Radio Kaboul, d’abord comme directeur technique avant d’en prendre la tête, puis de devenir diplomate au Liban. « Il voulait que ses enfants fassent les meilleures études. » Barmak a 6 ans à son retour à Kaboul. « Je me souviens d’une ville très agréable où il régnait la sécurité. C’est vrai que nous habitions dans les beaux quartiers. Il y avait beaucoup moins de femmes en burqa que maintenant. Ma mère, par exemple, n’a jamais porté ne serait-ce qu’un foulard. À 20 ans, elle montait sur la moto de mon père en jupe. Vous imaginez! »
La « loi sur la fornication »

Mais, en 1979, quand les Soviétiques envahissent le pays, la vie des Akram bascule….

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25novembre 2013

La bande annonce :

Wajma, une fiancée afghane***

De Barmak Akram, avec Wajma Bahar, Mustafa Abdulsatar. 1h26. Sortie mercredi.

C’est une histoire simple, forte et tragique. Wajma démarre comme une romance universelle. Dans un Kaboul presque occidental, du moins comme on ne le montre jamais, où les jeunes se déplacent librement et les filles ne portent pas de burqa, Wajma s’éprend de Mustafa, serveur, qui lui jure qu’il l’aime et qu’elle accepte de voir en secret. Quand elle tombe enceinte, il la rejette, provoquant un drame familial. En dénonçant la violence faite aux femmes, le réalisateur signe un long métrage au réalisme saisissant, impeccablement écrit et mené, dérangeant à l’extrême quand le père « déshonoré » veut tuer sa propre fille. Mais avec intelligence, Barmak Akram sait racheter ses personnages piégés par une éducation archaïque. Les acteurs sont formidables dans ce film tendu, fauché, plein de sens et riche en émotion.

D.A.