Un nouvel humanisme cosmopolitique

— Par Nicolas Mathey —
cosmopolitismeRefonder le cosmopolitisme,  de Yves-Charles Zarka. Éditions PUF, 104 pages, 18 euros. Sous le nom d’«inappropriabilité de la Terre», le philosophe Yves-Charles Zarka entend forger un concept susceptible de refonder à la fois la politique et l’éthique de notre temps. Ce concept découle selon lui de deux principes, le premier étant que la Terre est le bien commun de l’humanité, le second que les hommes sont responsables des générations futures, mais aussi de l’ensemble du monde vivant. Cette « inappropriabilité de la Terre » s’oppose aux méfaits que les appropriations capitalistes infligent à ce bien commun : luttes pour la propriété, accumulation sans fin et démesure des enrichissements, guerres de conquêtes, surexploitations des travailleurs et des ressources naturelles, pollutions en tous genres.

Pour contrecarrer ces méfaits, Yves-Charles Zarka considère que la responsabilité de l’humanité est nécessairement cosmopolitique, puisque tous les hommes sont solidairement responsables de leur seule Terre commune. Pour relancer le cosmopolitisme, l’auteur explicite ses origines antiques et modernes. À la suite de Socrate s’affirmant « citoyen du monde », après l’universalisme radical des stoïciens, il rappelle aussi le projet kantien d’une histoire universelle fondée sur la croyance au progrès et à la toute-puissance de la nature. Le cosmopolitisme à venir doit selon Yves-Charles Zarka s’adapter aux risques de la technique et des prédations massives imposées par l’économie mondialisée. « Le cosmopolitisme est le recours philosophique et juridique contre la logique capitaliste du profit qui anime de l’intérieur la mondialisation telle que nous la connaissons », soutient le philosophe. Alors que celle-ci dépasse et transgresse les frontières avec pour seul horizon irresponsable la cupidité, le cosmopolitisme doit refonder les rapports entre citoyens, avec pour principe l’hospitalité universelle en lieu et place de l’hostilité de tous contre tous. Ce cosmopolitisme implique donc un devoir de résistance à l’économie financière mondialisée. Comme le souligne Yves-Charles Zarka, « il y a des puissances économiques et financières transnationales qui se sont largement émancipées de la tutelle des États et même les dominent. Ce sont ainsi des puissances antipolitiques ou, au moins, antidémocratiques qui dominent la scène internationale ».

Le cosmopolitique est selon le philosophe un principe métapolitique qui donne une règle et un idéal à la politique. Pour que celle-ci n’érige pas de murs au lieu de frontières et qu’elle ne se trouve pas déjouée par les multinationales. Le cosmopolitique invite aux frontières ouvertes, à la solidarité, au codéveloppement. Selon l’auteur cependant, « pour que la reconnaissance et l’acceptation individuelle puissent avoir lieu, il faut un équilibre. Il faut donc surmonter la pauvreté, l’exploitation, le mal-vivre qui font que des personnes en nombre s’arrachent à leur terre, à leurs familles, à leurs proches pour aller vers un ailleurs rêvé. Telle est l’injonction cosmopolitique qui s’adresse au politique ». En affirmant par ailleurs que « ce qu’il s’agit de penser, c’est une régulation et une limitation de la propriété individuelle », Yves-Charles Zarka pourra-t-il faire autrement dans son prochain ouvrage politique annoncé que d’en tirer les leçons en empruntant les chemins d’une recherche d’alternatives au capitalisme et de nouvelles formes de mise en commun ?

Nicolas Mathey

http://www.humanite.fr/tribunes/un-nouvel-humanisme-cosmopolitique-559298