— Par Jean Samblé —
Un nouveau gouvernement a été constitué en Haïti pour relever l’un des défis sécuritaires et humanitaires les plus urgents au monde. Le pays, parmi les plus pauvres du globe, est en proie à près de deux cents gangs qui rackettent, tuent, violent et kidnappent en toute impunité sur la majeure partie du territoire. L’État haïtien, avec seulement 500 militaires mal équipés, mal formés et sous-payés, est quasiment inexistant, comme l’illustrent les récentes attaques contre des commissariats et les évadés massifs qui en ont résulté, ainsi que les nombreux enlèvements, atteignant 857 cas l’an dernier selon le Centre d’analyse et de recherches en droits humains (CARDH).
Les services publics essentiels tels que l’eau, l’électricité et les transports sont totalement dysfonctionnels. Avec un salaire mensuel moyen de 130 dollars, les Haïtiens peinent à subvenir à leurs besoins de base, le marché de l’essence étant dominé par des trafiquants. La situation sanitaire est catastrophique avec des épisodes récurrents de choléra, et près de la moitié des onze millions de citoyens souffrent de malnutrition. L’indice de développement humain, incluant l’alphabétisation, l’espérance de vie et la mortalité infantile, est parmi les plus bas au monde.
Garry Conille, ancien Premier ministre et administrateur de l’UNICEF, a été nommé Premier ministre intérimaire par le Conseil présidentiel de transition, une instance formée en avril par consensus entre divers groupes politiques et civils, ainsi que des représentants de pays des Caraïbes concernés par la crise humanitaire et migratoire, notamment les États-Unis. Ce conseil de transition a également désigné un gouvernement, dont la composition a été publiée dans le journal officiel, Le Moniteur, le 11 juin.
La tâche du nouveau gouvernement est titanesque : rétablir la sécurité et la stabilité dans un pays où les gangs contrôlent 80 % de la capitale et financent leurs activités criminelles par le trafic de cocaïne. Haïti est devenu le principal hub de drogue entre l’Amérique latine et les États-Unis, ce qui permet aux gangs de corrompre policiers et ministres. Le contingent kényan, financé par des aides de 100 millions de dollars des États-Unis et de 90 millions du Canada, est attendu pour renforcer les efforts de la police haïtienne, mais son déploiement se fait attendre. Le président kényan William Ruto a annoncé que les policiers arriveraient « probablement dans deux semaines ».
Le rétablissement de l’ordre est indispensable pour relancer l’économie haïtienne. À plus long terme, le gouvernement devra organiser des élections, les premières depuis huit ans, pour établir des institutions légitimes. Le précédent Premier ministre, Ariel Henry, très contesté et empêché de revenir au pays par les gangs, avait accepté de démissionner en mars dernier. La nouvelle équipe de transition a pour mission d’ouvrir la voie à une sortie de crise pour Haïti, avec des élections prévues avant février 2026.