— Par Edouard Tinaugus —
Pour la deuxième fois dans son existence, la population martiniquaise est appelée à choisir un emblème régional. À l’inverse de la première fois, on a l’impression que les couleurs Rouge, Vert et Noir (RVN) ont été quasiment imposées.
La population pourra voter non pas pour choisir un drapeau mais pour un emblème régional, non pas pour choisir un hymne national mais pour une œuvre musicale pour accompagner cet emblème régional. Le choix porte sur 23 œuvres artistiques ; 19 dessins et 4 morceaux de musique. La population devra choisir entre le RVN et le RVN, entre les couleurs des autonomistes et les couleurs des indépendantistes. Comme si le choix d’un emblème pouvait changer la situation de la Martinique.
On nous apprend que cette démarche d’avoir un emblème était une demande des sportifs et artistes pour des épreuves sportives ou représentations culturelles hors de la Martinique. Une demande qui s’est transformée en une exigence aux couleurs politiques d’un drapeau. Un comité technique a sélectionné 19 dessins sur environ 1 200 propositions et 4 morceaux de musique sur environ 400 propositions, en moins de deux semaines, quelle prouesse ! Cette sélection a été transmise à une commission ad hoc qui l’a présentée aux élus de la CTM pour être validée. Dans cette démarche, on aurait aimé connaitre les membres du comité technique et de la commission ad hoc, on aurait aimé savoir le pourquoi du comment du choix du nombre de 19 dessins avec une prédominance du RVN et 4 morceaux de musique.
Avec 8 000 euros pour les gagnants de ce concours, le futur emblème aura été corrompu par l’appât du gain et n’est pas lié à l’histoire de la Martinique. Pour ma part, je pense que les gains de ce concours n’auraient pas dû être monétaires mais plus symboliques. C’est pour cela que je propose que les gagnants de ce concours fassent don de cet argent aux associations qui aident les Martiniquais en difficulté… Enfin, je peux rêver. Mais pourquoi imposer le Rouge Vert Noir (RVN) ?
La plupart des Martiniquais ne connaissent ni les origines ni l’histoire de ces trois couleurs ; le Rouge, le Vert et le Noir. Il n’existe aucune trace historique ancienne quant à l’adoption de ces couleurs par la population. On peut penser qu’il y a une instrumentalisation du passé colonial pour légitimer le RVN. Au fil du temps et des évènements, le drapeau Rouge, Vert, Noir (DRVN) fit son apparition, une naissance qui s’est faite dans la douleur et pour cause, 4 personnes différentes revendiquent la paternité du DRVN. Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
À sa création, le DRVN avait une couleur de résistance à l’oppression coloniale et d’indépendance. Dans les acteurs, on retrouve le MODEMAS, l’OJAM, l’AGEM, le MIM, etc. De ce fait, le drapeau RVN n’a jamais été un symbole capable d’unification, il était source de polémiques et de luttes sociales. La Martinique est française et dans cette affirmation, il y a des Martiniquais qui sont à la recherche de leur identité du fait de la méconnaissance de leur histoire.
Le caractère imposé du RVN de nos jours peut être ressenti comme un manque de respect envers le citoyen martiniquais. Les couleurs de l’emblème n’ont pas été choisies par la population, mais ont été imposées par le politique. Cela a le goût d’un processus anti-démocratique fondé sur un complexe identitaire. Pour certain, le choix du drapeau RVN est un sujet qui divise plus qu’il unifie. Il est un sujet purement politique et bien moins historique, ni culturel.
On demande à la population de choisir des couleurs indépendantistes alors que cette même population ne veut pas de l’indépendance, chercher l’erreur.
Depuis quelques années, le drapeau Rouge Vert Noir hante l’imaginaire du Martiniquais. Ces couleurs sont devenues le symbole d’une identité adulée et controversée, ce qui se traduit par une difficulté à s’unir autour de lui. Et pour cause, de nos jours, s’en prendre au drapeau RVN, c’est s’attirer les foudres des activistes et consorts. Nous devons être conscients que les couleurs RVN sont connues des Martiniquais sans faire partie de la grande histoire de la Martinique.
Aujourd’hui, nous devons avoir un emblème qui rassemble, cette quête doit s’inscrire dans une revendication de la reconnaissance de la population martiniquaise, un élément qui affirme l’identité martiniquaise dans toute sa composante. Nous avons un devoir de nous tourner vers l’avenir plutôt que vers les couleurs d’un passé qui se cherche.
La population ne doit pas se laisser manipuler par des querelles politiques, le moment est venu pour choisir un emblème qui doit faire table rase d’un passé aux couleurs imposées. Le temps est venu pour que chaque Martiniquais prenne part à ce vote qui, soit, ne va pas changer sa vie mais va lui donner le sentiment de faire partie d’une population qui revendique ses origines et son histoire.
Illustration de Madinin’Art