— Par Vincent Bordenave—
«L’urgence est de poursuivre cet effort pour qu’il soit salutaire», explique Pierre-Louis Druais, médecin et membre du Conseil scientifique.
Une semaine après l’avoir remis au gouvernement, le Conseil scientifique a rendu public son avis sur l’état des lieux du confinement. Si la mesure commence à porter ses fruits, en permettant notamment aux services de réanimation de continuer à accueillir les nouveaux malades, la fin du confinement n’est pas pour tout de suite. Alors que dans leur précédent avis les conseillers préconisaient une durée de six semaines, ils demandent désormais de maintenir la mesure pour plusieurs semaines. «Il est beaucoup trop tôt pour se projeter sur le déconfinement, explique Pierre-Louis Druais, médecin et membre du Conseil scientifique. L’urgence est de poursuivre cet effort pour qu’il soit salutaire.»
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● Un mois d’avril difficile
L’avis a été rédigé à la toute fin du mois de mars et nous annonçait une première quinzaine du mois d’avril particulièrement meurtrière. «Le confinement a permis de limiter l’augmentation du nombre de malades en réanimation et la propagation sur le territoire, ce qui est essentiel, explique Pierre-Louis Druais. Nous avons ainsi pu transférer les patients pour désengorger les régions les plus touchées.» Si une amélioration est à noter, la situation restera très difficile dans les prochains jours.
● Évaluer les effets sociaux du confinement
Les scientifiques rappellent que si le confinement est nécessaire, il accentue les inégalités et risque d’avoir des conséquences à moyen terme sur la santé des gens. «Le confinement ne tiendra que si nos concitoyens sont convaincus de son utilité, analyse Pierre-Louis Druais. Il ne pourra être efficace qu’avec une transparence absolue, en acceptant des respirations. Sans quoi le remède risque d’être pire que le mal.» La problématique des plus fragiles est donc au cœur de cet avis. D’autant plus que la mesure semble s’inscrire dans la durée, sans la moindre date de fin annoncée… «Il s’agit d’être vigilant non seulement envers les personnes qui présentent le plus de risques médicaux, continue le médecin. Mais aussi envers les classes sociales les plus populaires qui ne peuvent, objectivement, pas passer deux mois enfermés dans leur appartement. Nous devons apporter des réponses collectives pour accompagner chacun durant cette épreuve.» Le conseil alerte ainsi tout particulièrement sur les personnes en situation de grande précarité, mais aussi sur les individus incarcérés.
● Des tests en masse fin avril
La modification de la doctrine actuelle de l’utilisation des tests est nécessaire pour envisager une sortie du confinement. Le gouvernement a déjà annoncé la mise en place de tests PCR dans les Ehpad et pour les personnels soignants. «Des tests sérologiques seront déployés rapidement, ajoute Pierre-Louis Druais. Mais il faut rester prudent, car certains tests sur le marché ne sont pas validés.» Ce déploiement permettra de confirmer de nouvelles stratégies comme le «contact tracing» nécessaire durant la phase de confinement.
● Pas de retour à la normale avant longtemps
«Quelle que soit la date de sortie de confinement, le virus circulera toujours, explique Pierre-Louis Druais. Nous devons apprendre à vivre avec pendant plusieurs mois. Pour ça, il nous faut prendre des mesures de distanciation sociale sur le long terme.» Le port du masque est ainsi recommandé pour toute la population, à la manière de ce qui se fait en Asie. Le conseil recommande également la mise en place des modalités d’isolement des personnes malades et des cas contacts pour éviter tout nouveau cluster.
L’immunité collective, considérée comme atteinte quand 60 % de la population est pourvue d’anticorps, n’est pas une solution prise en compte dans cet avis «dans la mesure où elle est pour l’instant inférieur à 15 %, y compris dans les zones les plus touchées». Le conseil ne se prononce pas sur le maintien de grands rendez-vous culturels de l’été. Mais, si on peut légitimement penser que l’activité économique du pays aura repris d’ici là, il est en revanche compliqué d’imaginer de grands rassemblements propices à la propagation du virus.
● Un confinement différent selon les publics
L’âge étant un facteur de risque de formes graves de la maladie, le Conseil scientifique considère qu’il est impératif que les personnes âgées adoptent un confinement strict les protégeant d’un risque de contamination. Tout en précisant que, pour certaines d’entre elles, ces mesures de confinement doivent être adaptées à leur pathologie ou leur handicap. «On sait que pour de nombreux patients âgés soufrant de maladie chronique, le confinement peut avoir des conséquences particulièrement néfastes, souligne Pierre-Louis Druais. Il faut donc assurer un suivi très particulier à chacun.»
● Remettre la médecine de proximité au cœur
«Se passer des médecins traitants au début de la crise est sans doute une des erreurs les plus importantes que nous ayons faites, juge Pierre-Louis Druais. La téléconsultation peut être utile mais ne permet pas de répondre pleinement à cette crise sanitaire. De nombreux patients ne se font plus prescrire d’ordonnance, par exemple. Le risque est de voir le nombre de morts pour abandon de soins venir renforcer massivement les rangs des victimes du Covid.» Le conseil appelle ainsi à organiser le système de première ligne pour assurer le suivi habituel des patients hors Covid dans des moments dédiés de consultation. Une attention particulière doit être donnée aux patients atteints de pathologies psychiatriques et de troubles psychiques.
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● Agir contre les violences domestiques
Une attention particulière est portée sur le risque accru de violences conjugales et de violences sur enfants et handicapés. Le conseil appelle à la vigilance quant à la mise en œuvre rapide et opérationnelle des mesures prévues.
● La délicate question du deuil
Les enterrements dans l’anonymat succèdent à la longue listes des faire-part de nos journaux. Le travail de deuil devient quasiment impossible. Le conseil souligne l’importance et l’urgence à inventer collectivement des réponses aux situations de deuil afin de renforcer la résilience individuelle et collective face à l’épidémie.
Source : LeFigaro.fr