Ils ont fait une partie de leur service militaire le long de la bande de Gaza. Des années plus tard, deux jeunes Israéliens, conscients du défi auquel est confrontée l’armée face aux manifestants palestiniens, confient leur expérience au « Monde ».
Ils ont presque le même âge et des convictions en commun. Ils ont tous deux effectué leur service militaire il y a quelques années, dont une partie a eu lieu le long de la frontière de la bande de Gaza. C’est là, mardi 15 mai, qu’aura lieu le final redouté de la « marche du grand retour », ce mouvement palestinien lancé le 30 mars, au cours duquel près de 45 personnes ont été tuées et 2 000 blessées par balles par l’armée israélienne. Les deux anciens soldats dont Le Monde a recueilli le témoignage narrent ce que fut leur quotidien, la banalité de leur mission.
Shaï Iluk, 27 ans, est étudiant en troisième année de droit à l’Université de Tel-Aviv. Il se destine à devenir avocat, par passion de la justice. « Je cherche les façons les plus efficaces de lutter contre les discriminations et mettre fin à l’occupation », dit-il. Les parents de Shaï, originaires du Maroc, sont arrivés dans les années 1970.
Lui est né à Jérusalem. « On n’a jamais parlé de politique à la maison. Mes parents ne se préoccupaient que de leur survie, c’était une réalité très minimaliste. Tout a changé quand j’ai rejoint les scouts israéliens. » Dans ce mouvement de jeunesse, Shaï découvre le patriotisme. Ses deux grandes sœurs travaillent dans le secteur de la mode et des relations publiques. Son grand frère a émigré aux Etats-Unis.
Passionné par l’engagement civique, Shaï Iluk est une sorte d’anomalie dans sa famille. Après le lycée, il fait un an de service national volontaire auprès de jeunes en difficulté, tout en suivant une préparation sportive à l’armée. Il la rejoint le 24 novembre 2010. La carte militaire dans son portefeuille en témoigne : il a été dans une unité de combat, au sein de la brigade d’infanterie Nahal. Pendant seize mois, il suit une formation poussée en contre-terrorisme, en guerre urbaine. Puis il est déployé, pendant trois mois, le long de la frontière de Gaza.
« On était basé près de Nahal Oz [le kibboutz le plus proche de la frontière Est de Gaza]. Notre relation avec la frontière n’avait rien à voir avec nos opinions, l’idéologie ou la politique. Dans la nuit, l’arme à la main, votre objectif est de rentrer à la base en un seul morceau. En gros, je savais qu’il y avait une frontière me séparant de gens hostiles, et j’avais des familles à défendre. On ne rencontrait jamais les gens en face, ils étaient à distance, séparés par une zone stérile le long de la clôture. C’était donc très différent de la Cisjordanie, où l’on voit les Palestiniens chaque jour, on est au milieu de leur routine.
« On ne nous a jamais dit clairement : tirez sur toute personne franchissant la frontière. Mais mon sentiment était qu’un franchissement n’était même pas envisageable », raconte Shaï Iluk…
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