— Par Patrice Trapier —
LE LIVRE DE LA SEMAINE – Dans sa livraison de printemps, le trimestriel France Culture Papiers propose des pistes de réflexion sur l’attentat à Charlie Hebdo, qui a fait 12 morts il y a trois mois.
À défaut d’écouter France Culture, on peut lire son mook trimestriel France Culture Papiers (FCP). Dans sa livraison de printemps, au milieu de quelques pépites (entretiens avec Richard Ford et Étienne Klein; archives de Le Corbusier et Geneviève de Gaulle-Anthonioz…), on y retrouve les échos d’une actualité tragique. Il y a trois mois (on peine à choisir d’écrire « seulement » ou « déjà » trois mois, les drames ont le pouvoir de brouiller la chronologie), les frères Kouachi faisaient irruption dans la rédaction de Charlie Hebdo. FCP propose des pistes de réflexion sur l’événement.
D’abord par un hommage à l’écrivain franco-tunisien Abdelwahab Meddeb, décédé en novembre 2014. Il avait créé en 1997 l’émission Cultures d’Islam avec un « s » qui était tout sauf une coquetterie. Son dialogue avec son ami Benjamin Stora commence par une évocation de leurs enfances respectives : « En vérité, Tunis n’est ni une ville française ni une ville arabe, c’est une ville juive », analyse Meddeb. « Constantine était une ville avec beaucoup de mosquées et de synagogues distantes de quelques mètres », poursuit Stora.
« Mon occupation préférée, c’est de dire des conneries avec des gens intelligents »
Deux jours après l’attentat de Charlie, au moment où Amedy Coulibaly était retranché dans l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, le successeur d’Abdelwahad Meddeb, Abdennour Bidar, enregistrait son premier Cultures d’Islam. Avec ses invités, il tente de comprendre comment les maladies de l’islam peuvent produire de « telles abominations » et finit par trouver un peu d’espoir dans le soufisme, « par essence ouvert aux femmes, aux fous, à la différence, aux étrangers ».
Arabes et Juifs au coude-à-coude, ce fut la jeunesse ashkéno-sépharade de Georges Wolinski à Tunis. La revue publie le long entretien que le dessinateur avait donné à Tewfik Hakem en 2012 dans lequel il revisite son parcours avec drôlerie et lucidité : « Mon occupation préférée, c’est de dire des conneries avec des gens intelligents. » En conclusion, ce mélancolique jette un regard pessimiste sur ses engagements passés : « J’espérais que le monde changerait grâce à l’action des hommes, pas de la religion, qu’ils trouveraient des solutions… Ils n’ont pas trouvé, nous sommes toujours dans la merde. » Tristement prémonitoire!
France Culture Papiers n° 13,
Bayard, 196 pages,
14,90 euros.
France Culture Papiers numéro 13 Paru dans leJDD