L’État poursuit l’intimidation des journalistes. Ce jeudi, trois journalistes de Libération ont été convoqués par la police judiciaire après avoir écrit des articles sur le meurtre policier d’Amine Leknoun, tué par un agent de la BAC en août 2022.
Trois journalistes de Libération ont été convoqués par la police judiciaire de Lille en lien avec leurs enquêtes sur le meurtre d’Amine Leknoun, un habitant de Roubaix tué par un policier en août 2022. Libération a vivement réagi à cette convocation, qualifiant cette procédure d' »inadmissible ». La Société des journalistes et du personnel (SJPL) ainsi que la direction du journal ont immédiatement exprimé leur inquiétude, dénonçant une « nouvelle tentative d’intimidation », en particulier à la suite de la perquisition et de la garde à vue de la journaliste d’investigation d’un autre média, Disclose, Ariane Lavrilleux, un événement qui a suscité une large indignation au sein de la profession journalistique.
Les trois journalistes d’investigation, Ismaël Halissat, Fabien Leboucq et Antoine Schirer, ont été convoqués pour répondre des accusations de « violation du secret de l’instruction », « recel de violation du secret de l’instruction » et « diffamation publique à raison de la fonction ou de la qualité de dépositaire de l’autorité publique ». Leurs articles avaient mis en évidence des dysfonctionnements dans l’enquête sur la mort d’Amine Leknoun, pointant du doigt à la fois l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), également connue sous le nom de « police des polices », et la conduite de la juge d’instruction en charge du dossier.
Cette affaire a soulevé des préoccupations majeures concernant la liberté de la presse et le respect du secret des sources, d’autant plus que la garde à vue prolongée d’Ariane Lavrilleux était liée à ses révélations sur une opération de renseignement française en Égypte en 2021. Selon ses investigations, cette opération, appelée « Sirli », aurait été détournée par l’État égyptien pour mener des frappes aériennes contre des présumés contrebandiers à la frontière égypto-libyenne, au lieu de servir à lutter contre le terrorisme. Dans l’ensemble, ces événements sont interprétés comme une tentative de répression contre les journalistes qui enquêtent sur les violences policières et les actions de l’État, envoyant un message préoccupant à l’ensemble de la profession journalistique.
Le communiqué de l’AFP :
Libération a dénoncé jeudi la convocation de trois de ses journalistes, entendus en audition libre par la police judiciaire de Lille après une série d’articles sur la mort d’un jeune Roubaisien tué par un policier, la qualifiant de « procédure inadmissible ».
S’exprimant dans un communiqué, la Société des journalistes et du personnel (SJPL) et la direction de Libération y ont vu « une nouvelle tentative d’intimidation », dans « la foulée de la perquisition et de la garde à vue » de la journaliste du site d’investigation Disclose, Ariane Lavrilleux, qui indigne la profession depuis mardi.
Selon le journal, ses reporters Ismaël Halissat, Fabien Leboucq et Antoine Schirer étaient convoqués jeudi « pour être entendus en tant que suspects sous le régime de l’audition libre par la brigade criminelle de la police judiciaire de Lille ».
En cause, la « publication d’une série d’articles sur la mort d’Amine Leknoun, tué par un policier de la BAC, à Neuville-en-Ferrain (Nord) », le parquet ayant retenu les motifs d’infraction de « violation du secret de l’instruction », « recel de violation du secret de l’instruction » et « diffamation publique à raison de la fonction ou de la qualité de dépositaire de l’autorité publique ».
« Dans leur enquête, les journalistes de Libération soulignent les manquements de l’IGPN [Inspection générale de la police nationale, la “police des polices” – ndlr] et de la juge d’instruction dans la conduite des investigations concernant la mort d’Amine Leknoun », poursuivent la SJPL et la direction.
Pointant un « gaspillage des ressources de la police et de la justice », elles dénoncent une procédure « indigne d’un pays démocratique où la liberté de presse ne doit en aucun cas être entravée ».
La question de l’atteinte au secret des sources et à la liberté de la presse agite le secteur depuis mardi et la garde à vue de près de 40 heures d’Ariane Lavrilleux, dans le cadre d’une information judiciaire sur plusieurs infractions relatives au secret de la défense nationale.
Relâchée mercredi soir, la journaliste a notamment signé en 2021 un article de Disclose affirmant que la mission de renseignement française « Sirli », entamée en février 2016 au profit de l’Égypte au nom de la lutte antiterroriste, avait été détournée par l’État égyptien, qui se servait des informations collectées pour effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de contrebandiers présumés, à la frontière égypto-libyenne.
Sollicitée par l’AFP, la police judiciaire de Lille n’avait pas réagi dans l’immédiat.