— Par Michèle Bigot —
On a vu des spectacles tragiques, d’autres émouvants, d’autres encore poétiques, mais ici on a affaire à un spectacle follement drôle, puissamment drôle, sans rien perdre de sa finesse et de son intelligence. Parfaitement adapté au jardin du musée Angladon.
Vous entrez là le matin de bonne heure, encore à la fraîche (relativement!) et vous êtes accueilli par un petit marquis tout revêtu de velours jaune moutarde, trônant sur son siège Louis XVI, figé dans une attitude impassible, tandis que se déploie à vos pieds un parterre de gazon synthétique d’où sortiront tous les objets nécessaires au spectacle. Bientôt le portail s’ouvre et vous voyez arriver deux gaillards à la Laurel et Hardy (un petit râblé barbu et un grand maigre osseux) perchés sur une sorte de petit véhicule à roulettes, hautement improbable et qui glisse sur ses rails de façon déjà comique.
Le ton est donné, vous allez naviguer entre le grand siècle et l’actualité des VIP les plus populaires, stars des media et rois du pétrole croulant sous les dollars. En plein burlesque, le vrai, le désopilant burlesque, dans la meilleure tradition du théâtre français.
Le spectacle est un pot pourri de contes de Perrault remis au goût du jour, évoquant faits divers et actualités des « people », de Kim Kardashian à Elon Musk, tous confits dans leur nullité crasse. La légende de la réussite néolibérale n’est pas moins fumeuse que celle des contes de fées, rois, filles de rois et autres petits marquis, réjouissant le bon peuple. La cour du roi laisse place aux podiums des défilés et aux pistes de ski de Dubaï, mais c’est toujours la même vanité, la même bêtise.
Les contes de Perrault remis au goût du jour font défiler des stéréotypes qui n’ont rien perdu de leur actualité, le roi est puissant, parfois légèrement incestueux, la fille du roi est aussi belle que stupide, le prince charmant se fait attendre, le loup est omniprésent, sempiternel prédateur qui ne connaît pas d’âge.
C’est une petite fille. C’est une princesse.
Son père est roi. Son père est riche. il a un champ
de pétrole. Il a un château. Il a des équipes de foot…..
Il était une fois, plusieurs fois, toujours…
ainsi Peau d’huile ( pour cause de champ de pétrole), Lou et serial lover sont les trois contes, truffés de quelques autres qui donnent aux contes de fée une actualité aussi pertinente que bouffonne. Les deux comédiens (Georges Campagnac et Pierre-Jean Étienne) proposent ce qui peut se faire de mieux en matière de diction, de grimaces, de gesticulations comiques. Ils sont irrésistibles. Mais derrière leur drôlerie se manifeste une évocation très réaliste des fléaux de notre société, violence, incestes, prédations en tout genre, domination brutale, j’en passe.
Emmanuel Adely, auteur désormais connu pour ses multiples veines littéraires, publié chez les meilleurs éditeurs, révèle ici pleinement sa verve satirique. Il renouvelle le genre comique français parfaitement adapté à la scène théâtrale. On est impatient de découvrir de nouvelles adaptations de ses textes, avec ou sans le groupe Merci.
Michèle Bigot
Trois contes et quelques
Texte Emmanuel Adely
Mise en scène et scénographie Joël Fesel
Avec et par Georges Campagnac, Pierre-Jean Etienne, Raphaël Sevet
Accompagnement à la dramaturgie Bastien Passeron
Construction Alexander Bugel
Regard extérieur Pierre Déaux
Régie générale Raphaël Sevet
Production Groupe Merci
Coproduction Pronomade(s), Centre National des Arts de la Rue ; L’Espace Public, Encausse-les-Thermes
Résidences Pronomade(s), Encausse-les-Thermes ; Compagnie 111 – Aurélien Bory / Ancien Théâtre de la Digue
Durée : 1h15
La Manufacture