— Par Pierre Alex Marie-Anne —
Les cérémonies dites du “Tricentenaire”ont consacré solennellement ,le rattachement de la Martinique à la France.
Dès lors les manifestations en chaîne que nous voyons aujourd’hui , cherchant à, faire disparaître toute trace mémorielle de cet évènement historique ne peuvent revêtir qu’une signification , éminemment politique : le rejet par leurs auteurs et ceux qui les soutiennent de leur appartenance à la communauté nationale française et par extension ,de leur qualité de citoyen de cette même République .; ils doivent donc en tirer ,s’ils ne sont pas des imposteurs ,toutes les conséquences et renoncer à tous les avantages qu’elle leur procure : garantie des libertés publiques et de la solidarité nationale,en particulier dans le domaine financier ,protection sociale étendue à tous les risques et à tous les stades de l’existence , standard de vie comparable à celui des pays développés d’Europe en matière sanitaire, éducative, d’habitat , d’ infrastructures et équipements structurants ,sans oublier les droits et protection juridiques des travailleurs ,bref tout ce qui suscite l’envie de nos proches voisins de la Caraïbe cherchant à en bénéficier au prix d’une entrée illégale sur notre territoire.
Pour ceux qui ont la mémoire courte et à fortiori les jeunes ,chez qui l’ignorance tient lieu de viatique n’ayant pas connu les conditions de vie,extrêmement précaires et déplorables dans lesquels se débattaient leurs grands-parents ( sans eau courante , sans électricité, sans moyens de déplacement autre que leurs deux pieds , sans protection contre les épidémies et les risques naturels majeurs, sans frigidaires ni télévision, sans libre-services (les” débits de la régie” imposant leur loi) et surtout sans caisses de Sécurité Sociale et d’allocation familiale ,tout ceci semble tout à fait naturel et aller de soi.
Pourtant ,il n’en est rien ! c’est le combat acharné de nos aînés qui a permis à la Martinique au sortir des affres et tourments des deux dernières guerres mondiales, grâce à l’intégration à la nation française, hautement revendiquée par l’ensemble de la classe politique locale et les différents courants de la société civile de l’époque ,de réaliser , en moins d’un demi-siècle (une paille dans l’histoire des peuples!), cette véritable révolution
Faut-il rappeler que c”est” le chantre de la Négritrude” en personne,le député Aimé CESAIRE qui fut le rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi, devenu la Loi du 19 Mars 1946 ,dite d’Assimilation des “quatre vielles colonies “ ,dont celle de la Martinique à l’ensemble national français ,en qualité de Départements d’outre-mer?
C’est donc une infamie, de la part de ceux qui se réclament de la pensée du” Nègre fondamental”, de renier la continuité du processus historique qui de d’Esnambuc aux manifestations du Tricentenaire, en passant par l’impératrice Joséphine et l’abolitionniste Victor Schoelcher, par- delà les vicissitudes de l’histoire qui sont ce qu’elles sont (les afro-américains n’ont pas fini d’en être victimes), a abouti à faire des martiniquais des citoyens de plein exercice et égaux en Droit d’une République se voulant égalitaire et fraternelle. C’est de la pure hypocrisie de se servir de la période sombre de l’esclavage, solennellement reconnue par cette même république comme un “crime contre l’humanité” pour insuffler dans la population la haine de tout ce qui évoque la communauté de destin qui nous lie à la France depuis bientôt 400 ans. C’est d’autant plus hypocrite et honteux que ce sont les mêmes qui n’ont cessé à de multiples reprises de prendre position pour une assimilation juridique toujours plus grande à la métropole, rappelez-vous : la consultation référendaire du 10 janvier 2010 où le PPM par la voix de son chef qui n’est pas à un reniement près, s’est prononcé contre l’article 74 permettant l’autonomie législative, pourtant inscrite au fronton de ses statuts; autre rappel, ce sont les mêmes personnages, qui venaient se glorifier il n’y a pas si longtemps devant leurs compatriotes d’avoir obtenu de haute lutte le vote de la “loi sur l’égalité réelle”, dont la finalité n’est autre que d’achever l’intégration juridique complète de notre île à la France continentale . Alors, quand sont-il sincères ? Quand ils ne voient, dans un éclair de lucidité, d’avenir assuré pour la Martinique que dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, garantissant son maintien et son développement dans le giron français, ou lorsqu’ils s’associent et encouragent les menées nihilistes de quelques activistes qui n’ont qu’une vision simpliste et déformée de l’histoire, manipulés qu’ils ou elles sont par des militants indépendantistes chevronnés
Les Martiniquais, en tout cas ne pourront pas continuer indéfiniment à vouloir une chose et son contraire ; soit ils choisissent de s’assumer en tant qu’individus libres et indépendants, ”quoiqu’il en coûte”- pour reprendre la formule célèbre – pour les conditions d’existence et d’évolution de la population limitée à ses propres ressources ( c’est le choix bizarrement assumé ( qui l’a mandaté?) par le rédacteur en chef du quotidien local (voir le billet sur “l’âme des statues”), soit ils choisiront, fiers de leur identité plurielle et composite,de poursuivre leur route ascendante avec la France en tirant partie de toutes les opportunités qui s’offrent à eux ( habilitations, principe de subsidiarité, différenciation, décentralisation) de gérer, au plus près du territoire, leurs propres affaires .
Ce choix ne peut plus attendre car c’est faute de ne pas l’avoir franchement posé et résolu que la Martinique continue à aller de Charybde en Scylla, s’enfonçant chaque jour un peu plus dans l’impuissance et l’incohérence, au grand désespoir d’une jeunesse privée de repères et de perspectives exaltantes d’avenir et condamnée, à son corps défendant, à devenir la proie involontaire de tous les pêcheurs en eau trouble.
Pierre Alex MARIE-ANNE