Touche-moi !

— Par Marie-Andrée Ciprut, psychologue-écrivaine —

9 mois de frustration, 9 mois de gestation d’une interdiction qui nous pourrit l’existence et nous prive d’un élément essentiel à notre vie, voire notre survie ! Impossible de se toucher la main, de s’approcher hors des limites imposées de la « distanciation sociale » : où va notre Humanité ?…

Qui eut pensé, en faisant vœux et projets 2020, qu’on vivrait une année de peur, de mort, de solitude, de douleur sur une planète décimée par une pandémie dont nul ne pouvait prévoir l’ampleur, la dévastation, les conséquences sanitaires, économiques et sociales ?… Qui pouvait imaginer un nouveau monde peuplé de nouveaux pauvres et d’indigents faisant des kilomètres de queues pour obtenir une soupe populaire, kit de survie dans les pays les plus riches tels que la Suisse par exemple ?…

Depuis 9 mois, Covid aidant, des publicités pleuvent pour nous empêcher de fréquenter nos proches de trop près, du genre : « Si vous aimez vos proches, tenez-les à distance ! ». Nous ne pouvant même plus recevoir chez nous le nombre de convives que nous voulons. Il nous est désormais interdit – ou fortement déconseillé suivant la subtilité des injonctions ! -, de nous promener dans la rue à plus d’un nombre défini par les autorités. Le pouvoir politique a pénétré nos foyers. Le public dicte le privé. Chose EXTRA ordinaire : cette intrusion dans l’intime est largement acceptée par les populations victimes de l’angoisse d’une mort programmée…

Face à ce mal qui répand la terreur, nous avons besoin d’espoir !

Ah recommencer à voyager, découvrir de nouveaux ailleurs, passer d’une région, d’un pays à l’autre sans peur de contamination ou de rejet des autochtones qui craignent qu’on leur transporte LA BÈTE dans nos valises et sur notre peau !…

Ah que revienne le règne des caresses spontanées, des élans de tendresse, des accolades militantes ; goûter dans l’assiette de son voisin pour savoir si on a fait le bon choix, s’en réjouir ou esquisser un rictus de jalousie (avec ou sans masque !!!), mêler nos doigts gourmands aux apéritifs et/ou aux hors d’œuvres communs, se laver les mains comme avant, mais plus des dizaines de fois par jour avec savon ou liquide désinfectant au point de les flétrir. Bref, refaire connaissance avec la Normalité ! …

Ah que les multiples vaccins découverts et injectés en un temps record jamais égalé, répondent aux attentes désespérées de gouvernements à l’affût de solutions, participants volontaires à une orgie financière dans le cadre de concurrences effrénées… Que ce partage historique devienne équitable pour une fois entre pays riches et pauvres face à l’ampleur des enjeux humanitaires mondiaux : à situation exceptionnelle, réponses exceptionnelles ! …

Cette année, mes vœux sont très simples : pouvoir ne serait-ce que se serrer la main, restituer son sens véritable au verbe embrasser, donc littéralement « prendre dans ses bras » les gens qu’on aime, la famille, les amis, les passants avec qui on sentirait chaleur et connivence, les spectateurs enthousiastes en fin de spectacles de toutes sortes, les manifestations politiques, théâtrales, cinématographiques, religieuses, salons littéraires, assemblées…

Ah, enlever les masques de plus en plus souvent, enfin dire 2021 fois en 2021, sans crainte et sans entrave :

TOUCHE-MOI !…