Tom à la ferme, une certaine image du Québec

Par Selim Lander – Quelques mots en plus de l’article magistral de Roland Sabra, pour un film qui mérite tous les éloges.

Tom à la ferme1Adapté d’une pièce de théâtre, Tom à la ferme est un film de Xavier Dolan sorti en 2012, juste après Lawrence Anyways que les Martiniquais ont pu voir naguère à l’Atrium. Mais Tom à la ferme est tourné dans un Québec rural, avec des champs à perte de vue, une pâle lumière, et tandis que le premier film était une comédie douce-amère, le second montre une violence qui fait d’autant plus mal qu’elle est celle d’un malade rejeté par tous. Francis est un jeune fermier habité par un sentiment de puissance pathologique qui l’empêche d’exprimer ses désirs autrement que par l’intimidation et les coups. En face, Tom est le citadin branché, homo, qui s’est rendu à la ferme pour l’enterrement de son amant, le frère de Francis, qui avait coupé les ponts avec sa famille   Tom débarque donc en milieu inconnu  Il est d’abord accueilli par la mère, Agathe, un personnage à la normalité fragile, puis par Francis qui se montre tout de suite brutal

Le film se concentre sur ces trois personnages, les autres n’étant là que pour éclairer la personnalité des deux frères  Son amant n’était pas le pur amour que pleure Tom ° Quant à Francis, son machisme dissimule une homosexualité latente qui fascine Tom et l’incite à rester à la ferme plus que de raison.

Tom à la fermeL’argument du film est donc la rencontre de deux perversités, l’une sadique et l’autre masochiste. Mais si Xavier Dolan est un cinéaste qui monte (rappelons qu’il vient de recevoir le Prix spécial du jury, à Cannes, conjointement avec Godard(1), pour Mommy), c’est sans doute moins pour ses thématiques (très diverses) que pour sa manière de filmer. Il affectionne les plans longs dans lesquels il ne se passe rien, ou presque, qui sont juste là pour créer une ambiance, nous préparer à ce qui va suivre (par exemple, à la fin, l’attente au comptoir de la station service, qui précède la découverte du jeune homme défiguré) – et les scènes de peu de mots, parce que l’essentiel passe par les mimiques, les regards.

Dolan s’étant réservé le rôle de Tom, c’est l’occasion de découvrir ses talents d’acteur. Avec son invraisemblable tignasse blonde, accoutré d’un blouson de cuir noir, il crée un personnage séduisant malgré sa faiblesse, et qui s’avère finalement aussi inquiétant, par ses silences, que Francis. Ce dernier est interprété par Pierre-Yves Cardinal ; il lui apporte toute l’ambiguïté qui convient à une brute assoiffée d’amour. Enfin, Lise Roy est une mère impressionnante dont la froideur n’empêche pas de deviner le feu qui couve à l’intérieur.

Le CMAC à Madiana, le 18 juin 2014.

(1) Cf. « Le chien et le moineau, héros de cinéma », http://www.madinin-art.net/le-chien-et-le-moineau-heros-de-cinema/