–Par Selim Lander –
On n’a guère l’habitude, dans ces colonnes, de s’intéresser au théâtre pour les enfants et c’est dommage car ce théâtre, quand il est réussi, ravit autant les petits que les grands. Tel fut le cas lors de la représentation de Délivrans-la ou la naissance de Ti Piman dou face à un public d’enfants accompagnés par leurs parents. Ce spectacle du Théâtre du Flamboyant, dirigé par Lucette Salibur, qui l’a mis en scène, s’inscrit dans une trilogie, à côté de Ti Piman dou raconte et de Ti piman dou et ti chabinn’ Kako. Ce volet-ci est une pièce sans parole, balayant en 45 minutes la vie de Ti Piman dou de la naissance à la vieillesse. Daniely Francisque, qui interprète le personnage au cours des principales étapes de la vie, démontre en effet que l’éloquence ne passe pas nécessairement par les mots. Une expression corporelle sans faille lui permet de jouer aussi bien le petit être primesautier qui découvre le monde avec autant de crainte que d’émerveillement, que la femme âgée, courbée sous le poids des ans, marchant à pas lents vers sa fin.
La réussite du spectacle tient aussi à la présence d’Alfred Fantône. Avec ses flutes et ses percussions, ce musicien accompagne, ou appelle, le jeu de la comédienne, et – moments de grâce – entre le son des instruments et les onomatopées de la comédienne, c’est parfois un véritable dialogue qui s’instaure. Le décor imaginé par Max Catayée est un autre élément essentiel. Au départ, la comédienne est debout, engoncée dans une sorte de carapace conique, posée dans un coin d’un tapis rectangulaire, patchwork de pièces de couleurs différentes. Elle incarne alors la maman au gros ventre d’où s’extraira bientôt le jeune Ti Piman dou, tel un papillon se délivrant de sa chrysalide. Les merveilles que révèle le tapis de scène se découvriront progressivement. Marionnettes, costumes, cerceaux surgiront de sous les différents morceaux du tapis, offrant chaque fois de nouvelles occasions de varier le jeu. Des cerceaux, par exemple, on peut s’y emberlificoter, mais on peut aussi y voir une marmite stylisée ou le plateau portant les friandises que Ti Piman dou, devenue une belle jeune femme, vend sur le marché. D’autres accessoires, plus volumineux, dissimulés sous un bout d’étoffe, feront également leur apparition : bois lélé géant qui figurera aussi bien, suivant besoins, une pioche ou un instrument culinaire ; ou encore la poterie d’où surgira le bébé (une marionnette) de Ti Piman dou devenue maintenant une maman. Et le tapis recèle d’autres merveilles, comme un arc en ciel de rubans, ou un arbre du voyageur se déployant lentement pour fermer le décor.
Les transformations successives de Daniely Francisque, sans réclamer de grands moyens, ne sont pas moins spectaculaires : vêtue au départ d’un simple justaucorps blanc, elle finit dans une robe bariolée, en vraie femme matador qui fait l’admiration des petites filles dans le public (et sans doute de quelques messieurs aussi !)
L’humour, la grâce, l’émotion sont au rendez-vous ; ce spectacle est donc déjà une vraie réussite. Il peut cependant être encore amélioré. Sans doute gagnerait-il, par exemple, à être resserré vers la fin.
Pour les enfants de 3 ans à 6 ans… et pour les plus grands.
Au CMAC de Fort-de-France, du 4 au 7 juin 2013.