Par Selim Lander
Josy Michalon est présentée à juste titre comme une figure historique de la danse martiniquaise. Elle a enseigné en effet pendant plusieurs décennies la danse traditionnelle au SERMAC. Elle est surtout celle qui l’a affranchie « du carré et du cercle », l’a adaptée au plateau rectangulaire des salles de spectacle avec les entrées et sorties sur les côtés, l’utilisation de la diagonale et des plans successifs depuis l’avant-scène jusqu’au fond de scène. Tout cela sans trahir la gestuelle traditionnelle, même si elle ne s’interdit pas à l’occasion – et cette soirée en était une – d’introduire des éléments de modernité dans ses chorégraphies.
Le spectateur dont l’enfance n’a pas été baignée par les soirées bélé à la campagne doit faire un effort pour accepter les canons d’une danse qui paraissent rudimentaires non seulement par rapport à ceux de la danse dite « classique » ou « moderne » mais même par rapport à ceux des grands ballets nationaux africains (nous avons personnellement en mémoire un show époustouflant des Ballets du Sénégal à Dakar au début des années 1980 – autant dire que ce n’est pas d’hier !)
Même pour un spectateur averti, le premier tableau de la soirée d’hommage intitulée Légende de la forêt de bwa kannon a paru bien laborieux, quoique sauvé in extremis par une brève séquence où quatre danseuses et un danseur agglutinés font circuler trois ballons géants. Il faut dire que ce premier tableau est desservi par les costumes particulièrement peu seyants : des justaucorps bleu électrique s’arrêtant au genou. Ils disparaîtront heureusement pas la suite sous des habits de scène taillés dans des sacs de supermarché colorés, plus adaptés au propos bucolique de la pièce.
La musique est l’un des points forts de ce spectacle : chant, tambours, guitare, saxophone. On a remarqué en particulier le morceau jazzy joué au seul saxophone qui accompagnait le solo du danseur Flexx Vaillant ainsi qu’une chanson accompagnée à la guitare sèche mais l’on a apprécié également les morceaux, les plus fréquents, où seules les percussions étaient mises à contribution. On a encore remarqué la vidéo projetée sur un écran vertical en fond de scène
Si la chorégraphie s’avère plutôt rustique, par la force des choses, elle est relevée par quelques incursions vers d’autres formes de danse ainsi que, en dehors de la première partie, par les costumes. L’apparition de quatre « masques » couverts de la tête aux pieds de bandes de plastique blanc n’a pas manqué de faire son effet. Très réussi également le tableau final avec d’énormes sacs poubelles tantôt froissés pour créer une musique originale, tantôt gonflés par les déplacements des danseuses qui les font tournoyer au-dessus de la tête.
La soirée s’est terminée en beauté avec les hommages à Josy Michalon en personne sur la scène. Christiane Emmanuel, présidente du conseil d’administration de Tropiques Atrium, danseuse elle-même, a judicieusement souligné l’importance de la contribution de J. Michalon à la danse traditionnelle martiniquaise.
Légende de la forêt de bwa kannon, Tropiques-Atrium, jeudi 22 juin 2017.
NB : Une exposition particulièrement à ne pas rater en ce moment à Tropiques-Atrium : Insectes… Chambre des merveilles, d’Agnès Brézéphin-Coulmin (jusqu’au 15 juillet).