Le calendrier prévu de suppression du glyphosate sera difficile à tenir partout en l’état actuel des connaissances, et aura un coût élevé pour les agriculteurs, estime un rapport parlementaire demandant à l’Etat de préciser rapidement les cultures qui « bénéficieront d’une dérogation » d’utilisation en 2021.
Interrogée dimanche sur ce rapport, la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, a affirmé que le gouvernement « reste résolu à sortir du glyphosate ». L’objectif est « de sortir de l’essentiel des usages au 1er janvier 2021, et de tous les usages au 1er janvier 2023 », a-t-elle assuré dans l’Emission politique de France Inter, France Télévisions et Le Monde.
La mission parlementaire chargée d’évaluer le plan de sortie du glyphosate – dont l’AFP a obtenu une copie du rapport avant sa présentation à la presse prévue mercredi – juge « inconscient d’attendre le 31 décembre 2020 » pour savoir « quelles situations culturales » devront obligatoirement cesser d’utiliser l’herbicide le 1er janvier 2021 et lesquelles pourront bénéficier d’un délai.
La « mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate », dirigée par les députés Jean-Luc Fugit (LREM) et Jean-Baptiste Moreau (LREM), demande que l’INRA et les instituts techniques agricoles précisent « au plus tard en juin 2020 » les situations « qui ne pourront supporter un arrêt du glyphosate le 1er janvier 2021 sans menacer la survie de l’exploitation ni son environnement »
« Il est crucial que le gouvernement clarifie son message à l’égard des agriculteurs, en premier lieu à l’égard de ceux qui seront soumis à l’interdiction du glyphosate dès le 1er janvier 2021 », ajoute le rapport en soulignant que la « transition » aura un « coût substantiel ».
– Trois ou quatre fois plus de carburant –
« Je pense qu’on a des premières filières qui pourront le faire sans doute plus rapidement que d’autres (…) on souhaite avoir la première viticulture zéro glyphosate et je pense qu’ils sont en train d’agir pour que ce soit le cas », a précisé Mme Borne.
Pour le député Matthieu Orphelin – un proche de Nicolas Hulot qui a quitté LREM en février en déplorant que la majorité n’aille pas « au bon rythme » sur l’écologie – ce rapport « montre que, à seulement un peu plus d’un an de la première échéance, la dynamique n’est pas suffisamment enclenchée ».
Dans un communiqué dimanche soir, il déplore le fait qu’il soit « impossible de suivre l’évolution de l’utilisation du glyphosate: même l’état des lieux en 2018 de la consommation de glyphosate par filière n’a pas été possible ». Il plaide pour « quand c’est justifié, de(s) soutiens techniques et financiers nouveaux pour les agriculteurs s’engageant dans la sortie du glyphosate ».
Davantage de main d’œuvre, trois ou quatre fois plus de carburant, des investissements en matériels nouveaux et d’autres produits chimiques: la suppression de cet herbicide bon marché alourdira les charges des exploitations entre 50 et 150 euros l’hectare, selon le rapport.
Les coûts de production du blé augmenteraient de 10 euros la tonne. Les techniques alternatives de désherbage émettraient aussi 226.000 tonnes de CO2 supplémentaires, selon l’association générale des producteurs de céréales AGPB citée dans le rapport.
Les députés pointent plusieurs cas où la seule alternative au glyphosate est de détruire les mauvaises herbes à la main, ce qu’ils qualifient « d’impasse » tant les investissements en main d’œuvre seraient alors intenables.
Le rapport signale aussi les cultures en pente (vignes…) difficiles à cultiver mécaniquement, les cultures des exploitations dites en « zones intermédiaires » sur des sols difficiles à travailler et peu productifs. Selon l’institut technique Arvalis, cité dans le rapport, « l’interdiction du glyphosate déstabiliserait ces exploitations concernées au point de menacer leur survie ».
Troisième impasse: les cultures destinées à des marchés spécifiques qui leur imposent des cahiers des charges très contraignants, comme la production de semences, de lin textile et celle de légumes frais et de conserve cultivés en plein champ (203.560 hectares) qui ne peut se permettre le moindre datura toxique, une plante qui pousse aux abords des champs et peut contaminer les moissons.
Enfin, le rapport propose la création d’une « plateforme nationale d’enregistrement des produits phytopharmaceutiques » pour centraliser aussi bien les achats de pesticides que leur utilisation.
Source: AFP