— Par Michèle Bigot —
À partir d’une lecture du traité de Tertullien Sur les spectacles, rédigé au début du troisième siècle par un nouveau converti au christianisme, Hervé Briaux opère une réécriture qui puise dans le traité les passages les plus éloquents pour en faire un montage simple, cohérent et lisible pour la scène. Il s’agit de transformer un traité en matière théâtrale, d’en extraire la substance sans le trahir. Pari réussi car le texte théâtral ainsi produit ne souffre d’aucune obscurité. Il se déroule implacablement, et progresse dans l’intensité. Il culmine dans une détestation absolue de tous les arts. En fait le texte épouse la même progression qui a gouverné la vie de Tertullien, de la conversation tardive à la radicalisation absolue à la fin de sa vie. A partir de 197, cet homme, brillant lettré et épicurien raffiné, destiné à une carrière d’avocat, tourne le dos au monde dans une ascèse impitoyable qui cherche à entraîner les chrétiens dans son puritanisme. Son traité témoigne d’une fièvre fanatique servie par une éloquence éprouvée. Paradoxalement, sa charge contre les arts et en particulier contre le théâtre témoigne d’une parfaite maîtrise de l’art de convaincre les esprits, d’émouvoir les cœurs, bref du meilleur de l’art théâtral.