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Le théâtre aux Antilles – un numéro d’« Africultures »

— Par Selim Lander —

Il n’est pas trop tard pour signaler un numéro d’Africultures (trimestriel), numéro double, qui fournit un panorama très complet de la création théâtrale aux Antilles françaises, même s’il ne rend pas compte, par la force des choses, des développements les plus récents puisqu’il fut publié au début de cette décennie. Cette réserve n’empêche pas qu’il constitue encore un instrument extrêmement précieux pour connaître les acteurs du théâtre antillais, toutes les personnes interrogées étant encore en activité. En effet, les entretiens avec ces personnalités du monde théâtral ne sont pas les morceaux les moins intéressants de cette publication qui, davantage qu’un numéro de revue, a toutes les apparences d’un ouvrage collectif (dirigé par Sylvie Chalaye et Stéphanie Bérard).

Sous la signature de la seconde, ce numéro d’Africultures s’ouvre sur une brève histoire du théâtre aux Antilles françaises depuis le XVIIIe siècle (la construction d’un « vrai » théâtre remonte à 1780 à Pointe-à-Pitre, en 1786 à Saint-Pierre de la Martinique) jusqu’à nos jours, avec les péripéties liées à la Révolution française, les tournées des troupes métropolitaines, les premières écritures insulaires, la division entre théâtre populaire et théâtre bourgeois, l’évolution des thématiques de la comédie vers les pièces engagées à partir de l’impulsion donnée par Césaire dans les années 1950 et 1960 : traductions en créole de pièces du répertoire, pièces ressuscitant des figures héroïques de la geste antillaise célèbres ou anonymes, pièces plus intimistes mettant en scène sous une forme ou sous une autre ce qu’il convient d’appeler le « malaise antillais ».

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Le MNAC, un musée à découvrir

— Par Selim Lander —

Barcelone est une ville à la mode, particulièrement chez les Français. Les touristes qui viennent ici en cohortes aiment arpenter les Ramblas, errer dans les rues étroites du Barri Gótic, s’étonner devant les édifices construits par l’architecte Gaudi. Ils sont bien peu nombreux, pourtant, ceux qui ayant escaladé les pentes du parc Monjuic pour contempler la ville d’en haut ont l’idée de pénétrer à l’intérieur du Palais National qui clôt la perspective depuis la place d’Espagne. On y accède à partir de cette même place par l’avenue de la reine Marie-Christine, un ensemble monumental  qui fait se succéder deux gigantesques tours vénitiennes, une vaste fontaine, quatre colonnes géantes, enfin une cascade artificielle. L’avenue est flanquée de part et d’autre par les bâtiments de la foire de Barcelone qui furent construits à l’occasion de l’exposition universelle de 1929, de même que le palais qui en constitue le couronnement et qui abrite désormais le Musée National d’Art de Catalogne.

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Avignon 2017 (18) « L’avenir dure longtemps », « Santa Estasi – Atridi : Otto Ritrato di famiglia »

— Par Selim Lander —

L’Avenir dure longtemps de Louis Althusser (OFF)

Louis Althusser (1918-1990) est un philosophe français structuralo-marxiste qui, quoique membre du PCF, eut une grande influence sur le mouvement gauchiste. Agrégé préparateur de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, il devint tout naturellement le maître à penser de nombre de jeunes philosophes qui s’engagèrent dans la mouvance maoïste dans les années 60 et 70 du siècle dernier.

Bien qu’il fut cet intellectuel très brillant qui initia une nouvelle lecture de Marx, il souffrait de crises récurrentes qui le conduisirent à séjourner en hôpital psychiatrique à plusieurs reprises. En 1980, à une époque où il se trouvait particulièrement perturbé, il étrangla sa compagne de toujours, Hélène Ryman. Il bénéficia alors d’un non-lieu en vertu de l’article 64 du code pénal : « il n’y a ni crime ni délit lorsque l’accusé était en état de démence au moment des faits ». Cependant un doute planait sur sa culpabilité dans la mesure où Hélène Ryman était sur le point de le quitter au moment des faits. C’est pour s’expliquer sur le meurtre mais également sur l’évolution de sa philosophie qu’Althusser écrivit L’Avenir dure longtemps qui parut après sa mort.

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Avignon 2017 (17) « Une maison de poupée », « Les Larmes amères de Petra von Kant »

— Par Selim Lander —

Une Maison de poupée d’Henrik Ibsen (OFF)

Dans un billet précédent nous émettions l’hypothèse qu’Ibsen est le plus grand dramaturge du XIXe siècle, toutes langues confondues. Ce n’est pas Une Maison de poupée, reconnue comme l’une de ses meilleures pièces, qui nous fera changer d’avis, surtout dans l’interprétation qu’en donnent Florence Le Corre (Nora) et Philippe Calvario[i] (Torvald Helmer) dans la M.E.S. de Philippe Person (qui joue lui-même Krogstad).

Il n’est peut-être pas anodin de savoir que cette pièce féministe (écrite en 1879) fut inspirée d’un fait réel. Une certaine Laura, une amie du couple Ibsen, vécut une histoire semblable à celle de Nora de la pièce, en plus tragique. Nora comme Laura ont emprunté de l’argent pour soigner leur mari malade, mais là où la Nora de la pièce voit son problème résolu par un « miracle » et quitte son mari la tête haute, la vraie Laura fut contrainte au divorce et internée dans un asile !

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Avignon 2017 (16) « Bestie di scena », « L’Age libre », « Gros Chagrins, etc. »

— Par Selim Lander —

Bestie di scena d’Emma Dante (IN)

Emma Dante est déjà venue en Avignon en 2014 avec Sorelle Macaluso. Elle disait alors : « Pour moi le théâtre consiste pour l’artiste à mettre en scène sa propre réflexion sur le présent – sa propre vision du monde contemporain et du monde dans lequel il vit. Un théâtre social signifie révéler les malaises et les problèmes que les gens ont tendance à refouler ».

Pourtant, à la sortie de Sorelle Macaluso , nous nous disions « enthousiasmé, euphorisé par le dynamisme du spectacle, l’inventivité de la mise en scène, le bonheur des interprètes… mais pas vraiment  touché par le message social » [i]. La pièce qu’elle présente cette année, Bestie di scena, est d’une autre veine. Elle illustre plutôt une définition proposée par Romeo Castellucci selon qui le théâtre « sert à soulever un voile qui s’est posé sur le monde, le temps de l’entrevoir ».

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Avignon 2017 (15) « Cap au pire » – « Racine » – « La Fille de Mars »

—Par Selim L ander —

Cap au pire de Beckett (OFF)

Ce texte qui se présentait à l’origine comme un bref roman et non une pièce de théâtre été publié d’abord en anglais (Worstward Ho, 1983) avant d’être traduite en français par Edith Fournier (1991). C’est un exercice formel qui intéresse avant tout à ce titre-là. Impossible de parler de ce texte sans en donner quelques extraits. Voici ceux choisis par des lecteurs et mis sur Babelio.

Encore dire encore soit dire encore tant mal que pis encore jusqu’à plus mèche encore soit dit plus mèche encore
Pénombre obscure source pas su. Savoir le minimum. Ne rien savoir non. Serait trop beau. Tout au plus le minime minimum. L’imminimisable minime minimum.
Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore.
Lentement ils disparaissent. Tantôt l’un. Tantôt la paire. Tantôt les deux. Lentement réapparaissent. Tantôt l’un. Tantôt la paire. Tantôt les deux. Lentement ? Non. Disparition soudaine. Réapparition soudaine. Tantôt l’un. Tantôt la paire. Tantôt les deux.

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Avignon 2017 (14) « The Great Tamer » – « Livret de famille » – « La Fuite »

— Par Selim Lander —

The Great Tamer de Dimitris Papaioannou (IN)

Un spectacle inclassable entre cirque (acrobatie) et performance dans un décor qui évoque une vague ou une dune de couleur grise uniforme, fait de grandes plaques d’isorel que l’on peut soulever, déplacer, dévoiler des trou d’où surgiront des mains, des bras ou des jambes, des corps… ou de simples accessoires comme un pot de fleur. Dans l’une des séquences de cette pièce proprement extraordinaire qui fait appel autant à des mythologies anciennes que modernes, un astronaute vêtu d’une combinaison blanche immaculée, avec un énorme casque-hublot et le bruit amplifié de sa respiration, surgit de derrière la dune (?) et se dirige vers un point précis où il se met à creuser, déterre quelque pierres et finalement extrait un homme entièrement nu. Lorsque l’astronaute se débarrasse de sa combinaison pour apparaître le buste découvert, on s’apercevra qu’elle est du sexe féminin. Les corps se montrent en effet très souvent nus. Peut-être une réminiscence des Grecs anciens qui pratiquaient les sports ainsi, puisque The Great Tamer vient de la Grèce. Les corps sont d’ailleurs beaux comme des académies.

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Avignon 2017 (13) « Le Misanthrope politique », « La Putain respectueuse », « La Violence des riches »

— Par Selim Lander —

Le Misanthrope (politique) de Molière (OFF)

Voilà une M.E.S. (de Claire Guyot) qui dépoussière joliment une pièce du répertoire classique sans jamais la trahir. Le titre est trompeur, de même que le résumé dans le catalogue du OFF qui évoque une « version cinématographique du chef d’œuvre de Molière » alors que ce Misanthrope se joue fort honnêtement sur les planches sans le truchement d’une caméra ni de micros. Quant à l’aspect « politique », il correspond tout au plus à un prologue (muet) et à la première scène pendant lesquels Alceste et Philinte travaillent côte à côte sur un bureau, l’un à signer des parapheurs, l’autre à corriger un texte sur un ordinateur portable. Car c’est surtout en cela que la M.E.S. est moderne, grâce aux costumes et à une utilisation très astucieuse des instruments qui ont envahi notre vie quotidienne, tablettes et téléphones mobiles. Par exemple Philinte n’a pas besoin d’être présent dans la même pièce qu’Alceste. Il peut dialoguer avec lui grâce au téléphone d’Éliante en position haut-parleur. De même le valet de Célimène est-il commodément remplacé par un interphone.

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Avignon 2017 (12) « Les Parisiens », « Phèdre »

— Par Selim Lander—

Les Parisiens d’Olivier Py (IN)

Dans un très beau décor de Pierre-André Wetz, Olivier Py a adapté son roman Les Parisiens (2016), fresque foisonnante dont les multiples personnages font partie à un titre ou à un autre au groupe des « importants » dans la capitale de la France, ceux qui comptent, ceux que, en d’autres temps, on aurait appelé des « notables » mais le terme est trop restrictif car il y a des  prostitué(e)s et autres gigolos dans le monde décrit par Py. Cette satire des gens de pouvoirs et de leurs favoris ne manque pas d’intérêt ; on sent que l’auteur sait de quoi il parle même s’il grossit évidemment les choses. Py a retenu pour son adaptation vingt-trois personnages sur les quatre-vingt de son roman et un fil conducteur, la nomination d’un nouveau directeur à l’Opéra de Paris.

La quasi-totalité des personnages sont des individualistes farouches, incapables d’amour mais obsédés par le sexe auquel ils semblent consacrer l’essentiel de leur énergie, le reste étant mobilisé pour faire avancer leur carrière. Quelques rares exceptions : Jacqueline, reine de l’intrigue qui se régale de manipuler les importants pour pousser tel ou tel qui aspire à faire partie du groupe, lui aussi, ou à monter dans la hiérarchie.

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Avignon 2017 (11) « Les Belles Sœurs », « Claire, Anton et eux », «  Impromptu 1663 »

— Par Selim Lander —

Les Belles Sœurs d’Eric Assous (OFF)

Quand on est fatigué des pièces classiques, militantes ou par trop prise de tête, il y a toujours, en Avignon, la possibilité de voir du théâtre qui n’a d’autre prétention que de distraire. Ainsi en est-il des Belles Sœurs qui reçut naguère le Molière du meilleur auteur : du bon théâtre de boulevard débarrassé des crinolines et autres fanfreluches, avec tout ce qu’il faut de répliques brillantes et de réparties à l’emporte-pièce. Avec une situation bien scabreuse, comme de juste.

Soit donc trois frères réunis avec leurs épouses chez le benjamin qui veut faire admirer aux autres sa nouvelle maison. L’aîné est avocat, le cadet dentiste et le benjamin chef d’entreprise.

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Avignon 2017 (10) « Ibsen Huis », « Grensgeval »

— Par Selim Lander —

Ibsen Huis d’après Ibsen (IN)

Henrik Ibsen (1828-1906) est-il le plus grand dramaturge du XIXe siècle ? Il est permis de le penser. On le joue, en tout cas, comme un classique (La Maison de poupée est présentée cette année dans le OFF). Mais les grands-metteurs-en-scène-contemporains se doivent d’être des auteurs. Ils écrivent eux-mêmes leurs pièces ou, s’ils consentent à monter un classique, il leur faut le transformer suffisamment afin que nul ne doute de leur créativité. Le résultat est variable. Le M.E.S. d’origine australienne Simon Stone a fait travailler pour sa part les comédiens du Toneelgroep d’Amsterdam (la troupe d’Ivo Van Hove dont on salué la mise en scène des Damnés, l’année dernière, dans la Cour d’honneur) sur un texte inspiré de plusieurs pièces d’Ibsen et la réussite est au rendez-vous… même si la pièce n’atteint jamais à la profondeur psychologique de celles du maître norvégien. L’histoire suit une famille – une lignée d’architectes – de 1964 à aujourd’hui. Nous voyons donc des personnages évoluer au fil du temps, joués par des comédiens différents suivant l’âge.

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Avignon 2017 (9) La pensée archipélique d’Edouard Glissant

— Par Selim Lander —

En partenariat avec l’Institut du Tout-Monde, le TOMA (Théâtre d’Outre-Mer en Avignon) a présenté du 16 au 18 juillet trois films documentaires consacrés respectivement à Edouard Glissant, au culte mélanésien de l’igname et pour finir au poète et écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb. Chaque film était suivi d’une conférence, respectivement à nouveau par Patrick Chamoiseau, l’écrivain martiniquais bien connu, par le néocalédonien Wallès Kotra et par la philosophe Marie-José Mondzain.

Le film consacré à Edouard Glissant (Martinique 1928 – Paris 2011) est issu d’une série d’entretiens réalisés par Manthia Diawara, professeur à New York University, malien  d’origine. Présent lors de la projection, il a expliqué comment les black studies, d’abord fortement influencées par Fanon et les auteurs de la négritude qui convergent dans l’affirmation de l’identité noire se transforment désormais dans la direction d’une créolisation, ou tout au moins d’une ouverture à l’autre conforme à la pensée de Glissant.

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Avignon 2017 (8) « Juste la fin du monde », « La Princesse Maleine »

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce (OFF)

— Par Selim Lander —

Grâce au film de Xavier Dolan Juste la fin du monde est la pièce la plus connue de J.-L. Lagarce, désormais révérée tant par les cinéphiles que les théâtreux. Cette histoire dans laquelle une famille se déchire était faite pour Dolan et l’on comprend qu’il s’en soit saisi mais cela n’obère en rien sa carrière au théâtre. En témoigne cette nouvelle mise en scène de Jean-Charles Mouveaux (après une première tentative en 2004).

Aucun souci de réalisme ou d’esthétisme dans le décor, ici. Fait de tables empilées, il permet simplement aux comédiens de se placer les uns par rapport aux autres à des hauteurs différentes  et de mieux faire entendre le texte.

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Avignon (7) « Saigon », « Les Assoiffés », « Sujets à vif »

Saigon de Caroline Guiela Nguyen (IN)

— Par Selim Lander —

L’écriture de plateau est un exercice à haut risque mais il arrive que cela fonctionne et tel est le cas ici. Saigon est le fruit de deux années de travail d’enquête, d’abord  à Paris dans le XIIIe arrondissement puis à Saigon, avant l’écriture en commun. Le résultat est à la hauteur de l’investissement et la pièce est appelée à un grand succès comme en témoignent aussi bien le public d’Avignon dont l’intérêt ne s’est pas départi pendant les quatre heures du spectacle dans une salle pourtant inconfortable que le nombre de dates déjà programmées à la suite du festival.

La pièce se situe tantôt en 1956 à Saigon puis à Paris juste avant et juste après l’exil d’un certain nombre de Vietnamiens dans les fourgons des Français, tantôt en 1996 à Paris et à Saigon (Ho Chi Minh-Ville), cette année-là étant celle où les Viet kieu (Vietnamiens émigrés ou enfants d’émigrés) ont pu revenir en touristes au pays. On voit donc deux générations, celle des exilés et celle des enfants.

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Avignon 2017 (6) « Huis Clos », « Sopro »

— Par Selim Lander —

Huis Clos de Jean-Paul Sartre (OFF)

Le théâtre de Sartre résiste mieux que celui de Beckett. C’est en tout cas ce qui résulte de la confrontation de Oh ! les beaux jours (voir notre billet précédent) et de Huis Clos. Depuis Sartre, pourtant, l’enfer a été choisi comme cadre de plusieurs autres pièces et l’on pourrait croire le thème éventé. À voir l’interprétation proposée par les trois comédiens de la compagnie « Les Eclats de lettres » (basée en Bretagne) présents au festival (la compagnie a donné la pièce déjà plus d’un millier de fois et les comédiens se relaient), il n’en est rien. Ils ont le physique de l’emploi – ce qui importe au théâtre – et sont tous les trois parfaitement bien dans leur rôle : celui qui joue Garcin, lequel voudrait bien se faire passer pour un brave type ; celle qui joue Inès, la demoiselle de la poste, aigrie et haineuse ; enfin Estelle, la jolie aristocrate qui commence par faire sa sainte nitouche mais ne cachera pas longtemps son cynisme foncier. 

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Avignon 2017 (5) « Unwanted », « Oh ! les beaux jours »

Par Selim Lander

Unwanted de Dorothée Munyaneza (IN)

Dorothée Munyaneza est rwandaise. Elle a un port de reine, la démarche d’une danseuse, elle n’est que grâce et élégance. Ses créations portent sur son pays, sur le génocide des Tutsis. Dans Unwanted elle fait parler des mères ayant accouché d’un enfant conçu lors d’un viol, un enfant non désiré, unwanted. Les femmes dont elle a recueilli les propos s’expriment en langue vernaculaire ; D. Munyaneza en donne la traduction simultanée. Mais il y a bien plus dans cette pièce que ces témoignages, des moments d’une rare intensité, à commencer par celui où la comédienne mime un tueur ivre de fureur et de violence. Vêtue d’une combinaison unisexe qui nous percevons à ce moment-là comme une tenue militaire, elle se pavane, saute d’un bord à l’autre du plateau, éructe, se fait menaçante avec un pilon de mortier qui lui sert à frapper de grands coups sur le plancher de la scène : tout cela dans une sorte de transe sauvage étonnante de vérité. Et l’on peut en effet supposer que les guerriers qui commettent des atrocités – les islamistes de Daech aujourd’hui, les auteurs du génocide rwandais hier – se trouvent dans un état de transe et/ou sous l’emprise d’une substance altérant le jugement lorsqu’ils accomplissent leurs crimes abominables. 

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Avignon 2017 (4) « Antigone », « Jaz »

— Par Selim Lansder —

Antigone de Sophocle (IN)

L’Antigone présentée dans la cour d’honneur du Palais des papes par le Japonais Satoshi Miyagi est le spectacle phare de cette édition du festival. Avouons tout de suite que notre jugement reste mitigé. Miyagi a déclaré qu’il voulait réaliser non une tragédie mais « une fête pour apaiser les esprits ». Les spectateurs, de fait, sont apaisés, peut-être trop ! Car la beauté plastique, indéniable, de ce spectacle ne peut pas faire oublier à elle seule la faiblesse du texte de Sophocle, d’autant que la mise en scène joue sur la lenteur, le hiératisme, toutes choses qui peuvent lasser à la longue.

Faible, le texte de Sophocle ? Voilà qui risque de faire hurler, s’agissant d’un des mythes fondateurs de notre imaginaire. Qui ne connaît l’histoire d’Antigone qui se sacrifie au nom de l’idée qu’elle se fait de son devoir ? Mais cette idée est-elle juste ? Antigone n’est-elle pas simplement une jeune personne têtue qui s’obstine à avoir raison contre tout le monde ? On en discute encore (et en particulier dans le texte d’Anouilh).

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Avignon 2017 (3) « Tabula rasa », « Le Sec et l’Humide »

Tabula rasa de Violette Palaro (OFF)

— Par Selim Lander —

Que faut-il pour avoir du bonheur au théâtre ? Nul besoin d’une grosse machine, c’est-à-dire d’une foule de comédiens et de figurants se mouvant dans des décors impressionnants à grand renfort de micros et de vidéos. Non que l’on ne puisse pas avoir du bonheur aussi avec le théâtre qui en met plein la vue et les oreilles mais l’on peut en éprouver un tout aussi grand dans une petite salle face à quelques comédiens (voire un seul) sur un plateau nu avec un minimum de décor et sans le moindre artifice technique. Le festival d’Avignon permet la confrontation des deux genres, le IN produisant régulièrement des « grosses machines », ce que le OFF ne saurait faire : question de moyens ! 

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Avignon 2017 (1) « Adieu Monsieur Haffmann », « Das Leben des Herrn de Moliere »

— Par Selim Lander —

Adieu Monsieur Haffmann de Jean-Philippe Daguerre

On ne saurait rêver de mieux découvrir cette nouvelle édition du festival d’Avignon que par la pièce de Jean-Philippe Daguerre, véritable bijou de théâtre. Et c’est  le cas de le dire puisque Adieu Monsieur Haffmann se déroule dans une bijouterie, plus précisément tantôt dans l’appartement des propriétaires, au-dessus, tantôt à la cave, au-dessous. L’argument peut paraître quelque peu scabreux. Pendant la deuxième guerre mondiale, un bijoutier juif, Joseph Haffmann, échange les rôles avec son employé, Pierre Vigneau. L’entreprise apparaîtra ainsi officiellement aryanisée tandis que son propriétaire se cachera à la cave. L’employé, cependant, pose une condition : comme, atteint de stérilité, il est dans l’incapacité de donner à sa femme l’enfant qu’elle désire, il demande à son ex-patron, déjà père de deux enfants (réfugiés en Suisse avec leur mère) de mettre sa femme enceinte !

On imagine aisément ce que certains amuseurs professionnels feraient d’un sujet pareil. La pièce de J.-Ph. Daguerre est tout le contraire : aucune vulgarité, des sentiments pleins de pudeur et de délicatesse, ce qui n’empêche pas aux douleurs de s’exprimer.

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Lectures : « La Jupe de la rue Git-le-cœur » de J.-D. Desrivières ; « Frantz » de M. Herland 

Vendredi 30 juin, 20 heures – à L’Œuf-Maison d’artistes, rue Garnier Pagès, Fort-de-France

Jean-Durosier Desrivières revisite « l’audience »

Jean-Durosier Desrivières est connu comme poète, avec deux recueils publiés chez Caractères (2). Il est également l’auteur, pour le théâtre, de deux pièces brèves (3). La jupe de la rue Gît-le-Cœur met en scène deux personnages, « l’écrivain » et « l’audienceur », sans qu’il y ait pour autant dialogue, la dérive verbale du premier – qui accompagne sa dérive pédestre au quartier latin, en quête des bureaux de l’éditeur auquel il entend proposer un manuscrit – nourrissant les propos de l’audienceur, une figure de la société haïtienne, pas tout-à-fait un conteur, plutôt un affabulateur qui brode à loisir sur des faits réels.

Le monologue de l’écrivain s’alimente à plusieurs sources, parmi lesquelles la topographie du quartier latin, bien sûr, mais encore les passants et surtout les passantes dont il remarque qu’elles sont toutes, ou presque, en ce printemps, vêtues des mêmes pantalons blancs (« Trop de pantalons blancs, me suis-je dit. Et trop de mauvaise fesses dans ces pantalons blancs.

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Sympathique hommage de la Martinique à Josy Michalon

Par Selim Lander

Josy Michalon est présentée à juste titre comme une figure historique de la danse martiniquaise. Elle a enseigné en effet pendant plusieurs décennies la danse traditionnelle au SERMAC. Elle est surtout celle qui l’a affranchie « du carré et du cercle », l’a adaptée au plateau rectangulaire des salles de spectacle avec les entrées et sorties sur les côtés, l’utilisation de la diagonale et des plans successifs depuis l’avant-scène jusqu’au fond de scène.  Tout cela sans trahir la gestuelle traditionnelle, même si elle ne s’interdit pas à l’occasion – et cette soirée en était une – d’introduire des éléments de modernité dans ses chorégraphies.

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« Public or not public » : une histoire loufoque et participative du théâtre

— Par Selim Lander —

Quatre garçons dans le vent, quatre comédiens plein de verves interprètent un texte-montage de Carlo Boso, un panorama diachronique des pratiques théâtrales depuis les Grecs jusques à aujourd’hui avec prologue et final préhistorique. Loufoque, dans un style très comedia del arte – au-delà du tableau à icelle consacrée – avec masques et balais (pas ballet, balais !) et aussi bien épées (ou poignards) et perruques aussi souvent que nécessaire. Ceci dit, Public or not public n’est pas un cours sur le théâtre, non solum parce qu’il y manque quelques étapes essentielles (le théâtre classique français du XVIIe siècle, Beckett et bien d’autres du même acabit) sed etiam parce que toutes les pièces mobilisées pour la circonstance sont traitées sur le même mode fantaisiste. Telle est au demeurant la seule critique que nous élèverons contre ce spectacle : le théâtre est si divers – lyrique, tragique, dramatique, burlesque, … – qu’il est affreusement réducteur de le regarder uniquement à travers une grille comique ! À s’en tenir aux extraits des pièces retenues dans la trame de Public or not public (Hamlet, Othello, Cyrano), les occasions de montrer tous les sentiments mis en exergue par le théâtre ne manquaient pourtant pas.

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Courtes Lignes présente : « Le Repas des fauves » de Vahé Katcha

— Par Selim Lander —

Que fait le théâtre de boulevard sinon nous amuser de situations dramatiques, susceptibles a priori de donner plus à pleurer qu’à rire ? Le ressort le plus courant, dans le vaudeville, consiste à se moquer d’un cocu, en usant largement du procédé dit de « l’ironie » : tout le monde est au courant, y compris les spectateurs, de ce que le mari malheureux ignore encore. Cependant, comme le thème est éculé à force d’avoir servi, les auteurs ont dû explorer d’autres voies. Pour ne prendre qu’un exemple, emprunté à Guitry, dans la pièce mystérieusement intitulée Le KWTZ[i], lorsque le mari cocu apparaît, tout à fait à la fin, il n’ignore déjà plus qu’il est trompé par sa femme avec son meilleur ami et la pièce joue sur un autre ressort, principalement un faux suicide des amants et, accessoirement, lorsque le mari paraît enfin, sur l’incertitude quant au comportement qu’il adoptera à leur égard.

Si cette pièce tourne encore autour du cocuage, le thème n’intervient plus guère, ou alors de manière anecdotique, chez les auteurs contemporains. Tel est le cas dans Le Repas des fauves où le mari découvre que sa jeune épouse n’est pas tout à fait l’oisillon de la dernière couvée qu’il croyait.

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« Mi-chaud – Mi-froid » de Catherine Dénécy : emballant !

Plus (in fine) Solitude, Le Collier d’Hélène

Par Selim Lander

Une danseuse comme Catherine Dénécy, ça ne court pas les rues. Cette fille au gentil minois et au teint de sapotille est un joyau ! Elle a la grâce, la force, une endurance qui paraît sans limite, le tout allié à une technique impressionnante. Ce n’est pas tout car elle est également comédienne : son visage constamment expressif passe à volonté de la séduction à l’intimidation, elle plaisante, invective… Qu’on permette à un habitué des créations de Preljocaj et surtout des pièces présentées par ses invités au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence, au format davantage comparable à celle de C. Dénécy, de réitérer que cette danseuse est vraiment exceptionnelle, un pur joyau, du genre diamant, tant sa chorégraphie peut paraître parfois tranchante. En réalité, elle semble capable de tout faire, par exemple danser comme une forcenée dans des escarpins pendant le premier quart d’heure, au point de faire douter le spectateur tout ébaubi de ce qu’il voit. On imagine la somme de travail derrière cette virtuosité mais que serait le travail sans un talent ici éclatant ?

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« Cette guerre que nous n’avons pas faite » de Gaël Octavia

— Par Selim Lander —

Après L’histoire du royaume de Mirpou de Stanislas Sauphanor, une pièce lauréate du concours jeune public d’ETC-Caraïbe présentée récemment à l’Atrium, voici une autre pièce couronnée cette fois par le prix ETC-Caraïbe Beaumarchais. On ne peut que saluer la chance qui est ainsi donnée aux jeunes auteurs antillais qui se sont fait remarquer par la qualité de leurs textes de les voir montés et joués devant leur public, ce qui ne les empêche pas de se produire également sous d’autres cieux.

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