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Théâtre pour les petits : Délivrans-la ou la naissance de Ti Piman dou

–Par Selim Lander –

IMG_1430On n’a guère l’habitude, dans ces colonnes, de s’intéresser au théâtre pour les enfants et c’est dommage car ce théâtre, quand il est réussi, ravit autant les petits que les grands. Tel fut le cas lors de la représentation de Délivrans-la ou la naissance de Ti Piman dou face à un public d’enfants accompagnés par leurs parents. Ce spectacle du Théâtre du Flamboyant, dirigé par Lucette Salibur, qui l’a mis en scène, s’inscrit dans une trilogie, à côté de Ti Piman dou raconte et de Ti piman dou et ti chabinn’ Kako. Ce volet-ci est une pièce sans parole, balayant en 45 minutes la vie de Ti Piman dou de la naissance à la vieillesse. Daniely Francisque, qui interprète le personnage au cours des principales étapes de la vie, démontre en effet que l’éloquence ne passe pas nécessairement par les mots.

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Un récital de Miguel Ángel Estrella

— Par Selim Lander —

miguel-angel-estrellaEn écoutant le pianiste argentin Miguel Ángel Estrella, l’autre soir, à l’Atrium, je ne pouvais m’empêcher de penser au film de Haeneke, Amour, qui a remporté l’année dernière à Cannes une couronne ô combien méritée, superbe film qui met en scène une pianiste âgée, soudain privée de l’usage de son instrument par la maladie. À un moment, dans le film, alors que son mari lui fait entendre le dernier disque d’un de ses élèves virtuoses, elle lui demande d’arrêter : elle ne supporte plus d’écouter de la musique, y compris des morceaux qu’elle aime et qu’elle a, sans doute, elle-même joués. À la fin d’une vie, les valeurs les plus établies vacillent, quand elles ne s’éclipsent pas complètement.

Je pensais donc à ce film superbement émouvant, servi par deux interprètes éminemment talentueux (Emmanuelle Riva et Maurice Trintignant), en écoutant Miguel Ángel Estrella, l’autre soir, à l’Atrium.

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« Lise dans les flaques ». De et avec Sandrine Delsaux au Guichet Montparnasse

— Par Selim Lander –-

Sandrine  Delsaux 1On a déjà présenté ici le Guichet Montparnasse, petite salle parisienne qui accueille chaque jour, à la manière de celles du Off avignonnais, plusieurs spectacles différents. Sandrine Delsaux y joue en ce moment et pour quelques semaines encore, Lise dans les Flaques, one woman show sur un texte qu’elle a elle-même écrit.

Les auteurs qui s’interprètent eux-mêmes sont inévitablement soumis au risque de se montrer trop complaisants, tant il est difficile de se juger soi-même. De fait, pendant toute la première partie, sorte de long prologue au cours duquel le personnage explique la situation dans laquelle il se trouve (« Un vent violent a soufflé sur moi et a tout fait valdinguer »), le spectateur a du mal à rentrer dans la pièce, d’autant qu’il est sans arrêt pris à partie, ce qui est plus gênant qu’autre chose.

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« Des yeux de verre » de Michel Marc Bouchard au festival amateur de Fort-de-France

—Par Selim Lander –-

Mdes_yeux_de_verreichel Marc Bouchard est un auteur reconnu au Québec. Sa pièce Des yeux de verre a été primée au Québec. Fallait-il pour autant vouloir la monter à Fort-de-France ? Peut-être son thème a-t-il été déterminant puisqu’on nous dit que l’inceste serait un fléau qui accable notre île plus qu’ailleurs. Ce thème, cependant, n’est-il pas un peu trop rebattu, et pas seulement en Martinique, les auteurs semblant l’affectionner particulièrement ? Quoi qu’il en soit, au théâtre, ce n’est pas seulement le sujet qui compte, la manière de le traiter importe tout autant. On ignore comment la pièce a été montée à Montréal mais la prestation des comédiens de Virgul’ ne nous a pas paru porter une  intensité suffisante pour la rendre convaincante.

Non que les comédiens déméritent. Ils démontrent un vrai plaisir de jouer ce qui laisse penser qu’ils seraient sans doute bien plus à l’aise dans le registre de la comédie.

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Le rendez-vous annuel de Courtes Lignes : « Toc Toc » de Laurent Baffie

Toc Toc

Par Selim Lander –  La compagnie Courtes Lignes est de retour et tous les amateurs martiniquais de comédies théâtrales de se réjouir. Chaque année au printemps, on attend en effet désormais comme un dû le nouveau spectacle de cette compagnie guadeloupéenne, invitée dans le cadre du festival de théâtre amateur de Fort-de-France. On peut se demander d’ailleurs si ladite compagnie a bien sa place dans un tel festival, tant ses principaux comédiens s’avèrent au fil des ans de plus en plus professionnels.

Il s’agit de théâtre de boulevard, les arguments sont en général des plus ténus, le spectacle ne vaut donc pas par la profondeur des réflexions qu’il suscite chez le spectateur, tout repose sur la capacité des comédiens à nous faire rire à partir des situations et des bons mots concoctés par l’auteur. Moins que tout autre théâtre, le comique ne supporte la médiocrité. Le succès de Courtes Lignes tient donc avant tout au jeu de ses comédiens.

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« Les Pleurnicheurs » d’Hanokh Levin, mis en scène par Jandira Bauer

—Par Selim Lander –

les_pleurnicheurs-360Les Pleurnicheurs est la dernière des 52 pièces écrites par Hanokh Levin (1899-1992), auteur israélien prolifique qui jouit en France d’une certaine renommée. C’est de son lit de malade que, raconte-t-on, il dirigeait les répétitions de cette ultime pièce, lorsque la mort est venue interrompre son travail. Dans un hôpital de Calcutta (!), trois malades en fin de vie « pleurnichent », couchés dans le même lit (d’où Calcutta, sans doute). Dans l’espoir de les distraire de leurs idées moroses, quelques membres du personnel de l’hôpital entreprennent de jouer pour eux Agamemnon – la première des trois Oresties, ici quelque peu transformée, comme on peut s’en douter. Cette pièce d’Eschylle raconte comment Agamemnon, le roi de Mycène, se fit assassiner par son épouse Clytemnestre, alors qu’il retournait en vainqueur de la guerre de Troie, un argument loin d’être roboratif, mais l’on voit bien que, à défaut d’apporter un soulagement significatif aux malades, l’introduction de quelques morceaux d’éloquence à l’ancienne dans une pièce éminemment moderne, doit pouvoir dérider au moins le spectateur.

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Le Système Mako : un vaudeville à la sauce antillaise

syteme_makoIl faut de tout pour faire un monde ; c’est également vrai au théâtre. Tragédie, drame ou comédie – Racine, Shakespeare ou Molière (pour s’en tenir aux vieux maîtres) – ne nous procurent pas les mêmes plaisirs. Le spectateur, cependant, n’est pas pris au dépourvu : sachant ce à quoi il doit s’attendre, il choisit les pièces qu’il ira voir. En d’autres termes, l’amateur « branché » d’aujourd’hui n’aura pas l’idée de se fourvoyer dans un théâtre des Grands Boulevards : il s’en tiendra aux salles subventionnées et, l’été, au « In » d’Avignon. L’amateur martiniquais n’a pas, quant à lui, la possibilité de faire autant le difficile : avec une programmation tournant autour d’une dizaine de pièces par an, jouées chacune deux ou trois soirs, il a intérêt à faire flèche de tout bois, plus précisément à se précipiter sur tout ce qui se présente, s’il veut satisfaire son appétit pour le théâtre.
Cet éclectisme forcé a au moins ce bon côté qu’il permet de vérifier combien les comédiens sont essentiels dans la réussite d’un spectacle. Un texte sublime peut devenir insupportable s’il est mal joué et, inversement, un texte sans grand intérêt peut se révéler plaisant s’il est porté par des comédiens talentueux ayant envie de faire partager leur plaisir de jouer.

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Musique et danse à l’Atrium.

— Par Selim Lander —

Avec le Requiem de Verdi dans la grande salle, la compagnie de Christiane Emmanuel dans la salle Fanon, la fin de semaine dernière a été particulièrement riche en événements culturels. Le Requiem de Verdi est une œuvre exceptionnelle qui réclame des moyens exceptionnels. On en jugera à l’aune de ceux qui étaient déployés chez nous : cent vingt choristes, un orchestre en formation symphonique de cinquante-huit musiciens, les quatre chanteurs solistes requis pour les parties de basse, ténor, mezzo et soprano ! Ce n’est pas tous les jours que les Martiniquais ont l’occasion d’assister à un tel événement qui sera à nul doute le clou de l’année Césaire ! Le lien entre Verdi et Césaire peut apparaître ténu mais, ainsi que le père Élie – à l’origine de l’événement – l’a remarqué en préambule, le hasard du calendrier (grégorien) fait bien les choses, puisque l’année 2013 est tout autant celle du centenaire de la naissance de Césaire que celle du bicentenaire de la naissance de Verdi. Par ailleurs le Requiem est dédié à Alessandro Manzoni, un ami de Verdi qui fut aussi un écrivain engagé politiquement, tout comme Césaire donc.

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Syngué sabour, un drame bourgeois dans l’Afghanistan en guerre

 

Par Selim Lander –

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Grâce à Steve Szebina et au partenariat avec le CMAC, les cinémas Madiana de Fort-de-France offrent de temps en temps au public martiniquais des films de cinéphiles. Rien qu’à voir le taux de remplissage, ces derniers sont plus nombreux qu’on n’aurait pu le croire. Peut-on alors espérer que de telles concessions au cinéma d’auteur deviennent de plus en plus nombreuses, au lieu de se limiter à une séance par jour pendant quelques jours ? Pourquoi en effet ne pas consacrer une salle au cinéma d’art et essai, sachant qu’il resterait encore huit salles à Madiana pour ces films commerciaux, blockbusters ou série b, dans lesquels des automobiles font des cabrioles spectaculaires tandis que les coups de feu éclatent de toute part, sans que jamais le sort du héros soit compromis, évidemment !

Syngué sabour (« Pierre de patience ») fut d’abord un roman d’Atiq Rahimi, couronné par le prix Goncourt en 2008.

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Un bilan de la création contemporaine en Guyane

— Par Selim Lander —

Une exposition consacrée à l’art contemporain guyanais est installée jusqu’au 12 mai sur les cimaises de la Fondation Clément en Martinique. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, le lieu vaut à lui seul la visite. L’habitation Clément est sans doute le plus bel exemple de l’architecture coloniale martiniquaise. La maison des maîtres, parfaitement entretenue, est montrée dans son jus, avec les salles de réception au rez-de-chaussée et les chambres à l’étage. Des dîners sont encore parfois servis dans la salle-à-manger. Ce fut en particulier le cas lorsque le président Mitterrand et le président Bush (père) décidèrent de se retrouver en Martinique. Les communs (cuisine, …) situés conformément à la tradition dans des bâtiments à part, sont également ouvert à la visite.

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Gimme the Loot : Les Pieds Nickelés à New York

Par Selim Lander. Deux jeunes taggers New-Yorkais, aussi naïfs que sympathiques, veulent relever un défi a priori impossible : tagguer la pomme géante du stade de baseball des « Mets », qui sort de son chapeau chaque fois que l’équipe marque un point. Le genre du film, signé Adam Leon, est donc clairement défini. Nous en avons déjà vu en Martinique quelques-uns de ce genre récemment : foutraques, mettant en scène des adolescents pour le moins indisciplinés, qui passent plus de temps dans la rue qu’à l’école ou à la maison, et s’expriment dans le langage le plus cru, pour ne pas dire le plus grossier, possible. 

gimme-the-lootCeci dit, chacun de ces « films de rue » est différent. Gimme the Loot se distingue d’abord en mettant en scène deux jeunes voyous – Sofia (Tashiana Washington) et Malcom (Ty Hickson) – qui ne ressemblent en rien à des voyous. À les voir – moins à les entendre ! – on leur donnerait le bon dieu sans confession. Ils sont, pour autant qu’on le sache, encore vierges, s’aiment sans oser se le dire et libèrent plutôt leur énergie en tagguant allègrement les murs de leur ville.

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Abstractions jazziques au CMAC

Par Selim Lander.

mario-canonge-et-michel-zenino-duo-jazzLe programme du premier trimestre 2013 s’est clôturé jeudi 21 mars au CMAC de Fort-de-France par une session autour du pianiste Mario Canonge. Ce dernier, qui vit le jour en Martinique en 1960, est un musicien éclectique qui connaît une brillante carrière internationale.

Dans la première partie du concert, Mario Canonge s’était associé seulement un second musicien, le contrebassiste virtuose Michel Zénino. Un duo atypique au cours duquel la contrebasse s’affranchissait constamment du rôle d’accompagnement rythmique dans lequel elle est habituellement cantonnée, pour briguer une place équivalente à celle du piano. Malgré sa taille imposante il n’est pas aisé pour une contrebasse de rivaliser avec le piano, surtout quand il s’agit du grand Steinway du CMAC, qui sonnait encore une fois à merveille. Pour une fois on ne regrettait pas que les instruments fussent amplifiés, d’autant que l’ingénieur du son avait si bien réglé tout son appareillage que l’on pouvait presque douter qu’il fût là. Michel Zénino « pelote la grand-mère » comme peu de ses collègues (ce qu’on a pu constater immédiatement dans la seconde partie où il était remplacé par un autre instrumentiste, dans une formation plus classique) : il a très souvent les deux mains tout à fait en bas de la touche, à moins que sa main droite n’adopte un doigté de harpiste.

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Victor Hugo, mon amour

Par Selim Lander. Il est à peine nécessaire de parler ici de Victor Hugo, mon amour, le spectacle d’Anthéa Sogno, qui en est à plus de cinq cents représentations et qui a reçu un accueil enthousiaste de la critique. Néanmoins, au cas où certains amateurs martiniquais du théâtre n’auraient pas encore pris leurs places, ce billet pourra peut-être les convaincre de se précipiter. Car il serait dommage qu’ils ratent un grand moment de bonheur.

Victor Hugo mon amourLe Théâtre de Fort-de-France a organisé sa saison 2012-2013 autour de Victor Hugo. Entre Marie Tudor en janvier et une adaptation des Misérables en avril, voici donc Victor Hugo, mon amour, un spectacle centré autour de la figure de Juliette Drouet, comme le titre le laisse présager. On ne connaît pas suffisamment Juliette Drouet, née Julienne Gauvain, comédienne qui n’eut guère de succès sur les planches, mais qui trouvera le rôle de sa vie comme compagne de la main gauche du grand homme, pendant un demi-siècle. Une compagne souvent délaissée, comme en témoignent les dix-huit mille lettres qu’elle a écrites à son amant. Le choix des lettres qui constituent la trame du spectacle est-il orienté ?

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Le cœur des enfants léopards

Par Selim Lander. Le constat n’est pas nouveau : Les créations au théâtre de textes écrits spécialement pour le théâtre se font rares. Ce n’est pas que ces textes, pourtant, fassent défaut. Au contraire, le stock ne cesse d’augmenter, et sur un rythme accéléré, les gens qui écrivent pour le théâtre étant de plus en plus nombreux. Il y a donc un paradoxe : d’un côté une inflation de textes, de l’autre côté une surabondance de spectacles bâtis à partir d’autres objets littéraires : correspondance, roman, poésie, quand il ne s’agit pas purement et simplement d’improvisation. Les auteurs contemporains de théâtre ont beaucoup de mal à se faire jouer tandis que les spectateurs se voient confrontés à des spectacles (qu’on ne saurait appeler des pièces) qui ne comblent pas nécessairement leur amour du théâtre.

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 On a connu cette sorte de déception, mardi dernier, avec Le Cœur des enfants léopards. Bien que nous ne l’ayons pas lu, le texte de départ, un roman du congolais Wilfried N’Sondé, ne devrait pas être en cause, à se fier aux récompenses qu’il a reçues : le Prix de la Francophonie et le Prix Senghor.

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Théâtre : Trois hommes dans une cage

Par Selim Lander. Ceux-là aussi furent d’abord dans un bateau ; un naufrage les jeta sur une île ; emprisonnés dans la même cellule avant leur expulsion, ils tuent le temps comme ils peuvent ; ils se souviennent, ils se racontent. Ils sont haïtiens, émigrés économiques en quête d’un monde meilleur, plus accueillant aux pauvres. Echouer comme ils l’ont fait, de manière imprévue, sur cette île, avant d’atteindre la terre promise n’est qu’un échec de plus dans une vie marquée par les ambitions avortées, les occasions perdues, les rêves inaccomplis. Il y a des femmes dans leur vie ; elles sont restées au pays, vives ou mortes. Deux d’entre elles sont vivantes, l’une porte le fruit de ses amours avec l’homme. Elles attendent des nouvelles qui n’arrivent pas – et pour cause ; elles sont encore dans l’espérance, veulent croire au succès de cette nouvelle tentative de l’homme pour les sortir de la misère. Telle est l’histoire  racontée par la Jamaïcaine Ava-Gail Gardiner dans La Cage.

CageLe dispositif scénique (de Florence Plaçais) se résume à une cage cubique dans laquelle les trois prisonniers sont enfermés, plus deux « couis » contenant de l’eau et une balle en chiffon.

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Rebelle : Paul et Virginie chez les enfants soldats

Par Selim Lander. Les films sur les guerres civiles ou tribales ou ethniques en Afrique constituent aujourd’hui un genre à part entière. Ils ont leurs scènes obligées : les pick-up chargés d’hommes en armes, les campements précaires, les tirs d’armes automatiques, les gros plans sur une kalachnikov, les villageois apeurés, les paysages de jungle ou de savane… et les enfants soldats. La mise en scène de massacres exécutés par des enfants d’abord réticents et effrayés mais vite dressés et transformés en machines à tuer inconscientes ne manque pas de faire son effet sur les spectateurs. Rebelle est donc l’un de ces films, à quelques détails près qui font toute la différence : il focalise sur deux de ces enfants, « Sorcière » et « Magicien » ; il nous épargne les scènes de massacre qui sont simplement suggérées ; et surtout il réussit l’exploit de transformer un sujet sordide en une merveilleuse histoire humaine.

Rebelle

Comme dans nombre de films mettant en scène les enfants, le spectateur est invité à découvrir l’action à travers les yeux de l’un d’entre eux, ici ceux de l’héroïne, Komona, jeune fille à peine nubile, enrôlée dans une troupe de rebelles après avoir franchi l’épreuve initiatique hélas coutumière qui l’a obligée à massacrer – sous la contrainte – ses propres parents.

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Max Diakok et le gwoka

— Par Selim Lander —

Max DiakokUn danseur venu de Guadeloupe avec ses deux tambourinaires présentait ses créations samedi 23 février au CMAC. Le prologue a déçu : une gestuelle trop souvent visitée de l’homme (l’esclave ?) qui se libère peu à peu de ses chaînes, sur une musique de supermarché, les deux tambours restant dissimulés sous un voile noir. Le danseur est habillé d’un pantalon blanc et d’une chemise en filet qui lui confère une allure androgyne, sans qu’on sache très bien dans quel but. Par contraste, peut-être, la deuxième séquence nous a paru la plus convaincante : les gwoka enfin entrés dans la danse, Max Diakok se lance dans une série de marches, variées, avec des roulades d’yeux particulièrement expressives, l’humour des mimiques renforçant le dynamisme des déplacements. Il a troqué à ce moment-là son haut en filet pour une veste d’homme de meilleur aloi. Dans les deux séquences suivantes, il sera torse nu, exhibant une musculature parfaite sur un corps fin de danseur : plastique parfaite qui n’est pas pour rien dans l’admiration que suscite sa performance. Dans la troisième séquence – les gros ka sont de nouveau au repos –, on entend la mer, des chants d’oiseaux, puis une mélodie douce au piano.

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« Félicité » d’Olivier Choinière : le Québec se montre à Paris

Par Selim Lander. Les lecteurs de Madinin-art connaissent-ils l’existence du Tarmac, ce théâtre de l’Est parisien voué à la francophonie ? Il s’y donne en ce moment L’Humanité tout ça tout ça, un monologue de Mustapha Kharmoudi (que nous n’avons malheureusement pas pu voir), en parallèle avec une pièce d’Olivier Choinière, jeune auteur québécois déjà prolifique. Félicité, montée pour la première fois à Montréal en 2007, est déjà passée par plusieurs pays avant cette nouvelle création parisienne. La mise en scène est assurée par Frédéric Maragnani, directeur de « la Manufacture atlantique », lieu bordelais voué aux écritures nouvelles. Maragnani, qui se déclare avant tout partisan du « théâtre qui parle », explique ce qu’il entend par là : « inviter le spectateur au plaisir direct du rapport au jeu, à l’écoute, au regard et au rythme des voix… en sollicitant fortement son imaginaire ». On comprend bien, dès lors, pourquoi il a eu envie de monter Félicité, une pièce sans action ni dialogues véritables, les comédiens se renvoyant simplement la parole pour construire un récit. Il y a néanmoins un argument : l’histoire vraie – hélas presque banale, pour incroyable qu’elle puisse paraître – d’une jeune québécoise séquestrée et abusée par sa famille.

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Cinéma au CMAC – « Almanya » et « Starbuck » : deux comédies

Par Selim Lander. Almanya de Yasemin Sandereli

AlmanyaUn nouveau film sur l’immigration turque après Une seconde femme présenté en janvier. Il s’agit à nouveau d’une famille rassemblée autour de son patriarche, jusqu’à ce que la mort de ce dernier entraîne un certain nombre de bouleversements dans les relations entre les membres restants de la famille. Le cadre cependant n’est plus tout à fait le même, puisque nous ne sommes plus à Vienne mais quelque part en Allemagne. Le genre surtout est différent : Une seconde femme était une tragédie dont on ne sortait pas tout à fait indemne ; Almanya (Allemagne en turc) est une comédie où tout finit par s’arranger. Comme dans Les Bêtes du Sud sauvage, également projeté en janvier, les protagonistes d’Almanya sont vus le plus souvent à travers les yeux d’un enfant de six ans, ici un petit garçon prénommé Cenk, le benjamin de la famille, ce qui contribue évidemment à notre empathie.

Il n’y a rien de remarquable dans ce film en dehors de son point de vue résolument optimiste quant à la situation des immigrés turcs en Allemagne.

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L’Etranger au Guichet Montparnasse ou Meursault dans sa médiocrité

L'étrangerPar Selim Lander. L’année Camus (2013 est le centenaire de sa naissance) n’a pas donné lieu jusqu’ici aux célébrations attendues (1). On a surtout parlé du scandale autour d’une exposition aixoise, scandale auquel s’est trouvé mêlé un Michel Onfray auteur par ailleurs d’un ouvrage dans lequel il défend la thèse d’un Camus libertaire. Au point de vue du spectacle vivant, l’événement le plus marquant de cette année devrait être la tournée « inspirée par Camus » du chanteur-rappeur Abd al Malik. On s’est donc rendu avec plus que de la curiosité au Guichet Montparnasse, ce petit théâtre de la rue du Maine dans lequel on peut retrouver toute l’année l’ambiance du « Off » avignonnais (2).

L’Étranger est mis en scène et interprété par Nordine Marouf, un comédien basé à Angers. Il présente une version abrégée du texte de Camus. Son interprétation est attachante qui traduit bien la fragilité du personnage tout en ménageant, grâce aux parties dialoguées, des moments où l’on découvre un Camus soudain devenu comique. La scénographie est réduite à presque rien, deux chaises et un lit pliant, en fond de scène, sur lequel s’étend le comédien quand il veut ménager une rupture entre deux séquences du récit.

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Ce que le jour doit à la nuit : Hervé Koubi transcende la danse de rue

Par Selim Lander. Ce que le jour doit à la nuit est d’abord le titre d’un roman de Yasmina Khadra, cet ancien militaire reconverti dans la littérature qui se trouve actuellement diriger le Centre culturel algérien de Paris. Hervé Koubi est pour sa part un Français issu de l’immigration algérienne (suivant l’expression consacrée). Le titre de sa nouvelle création – qui met en scène douze danseurs hommes, algériens à l’exception d’un seul, burkinabé – traduit son propos plus clairement peut-être qu’il ne le laisse entendre dans ses notes d’intention : qu’est-ce qu’un jeune Français comme lui, éduqué complètement en dehors de la culture maghrébine (études de pharmacie et de danse) doit au pays des origines ?

 Hervé Koubi1

Pour le découvrir, il est parti à la rencontre du peuple d’Algérie et plus particulièrement des jeunes hommes adeptes du hip hop, peut-être la seule danse authentiquement populaire d’aujourd’hui. Sa compagnie est née de ces rencontres. Un premier ballet, El Din, en 2010, a précédé Ce que le jour doit à la nuit dont la première a eu lieu à Aix, le 31 janvier, dans ce lieu magique qu’est le Pavillon Noir d’Angelin Preljocaj.

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Marie Tudor, une pièce de Victor Hugo

— Par Selim Lander —

–A quoi tient la magie du théâtre ? Qu’est-ce qui peut bien nous faire croire qu’une reine d’Angleterre est présente devant nous en chair et en os, que les quelques mètres carrés du plateau peuvent devenir successivement un carrefour dans la ville, la salle du trône ou les souterrains de la Tour de Londres avec ses ignobles cachots ? Pour que cela soit possible, on voit bien qu’il faut à la fois un texte digne de susciter l’intérêt, des comédiens sûrs de leur technique et par ailleurs convenablement dirigés, des spectateurs complaisants enfin, c’est-à-dire prêts à accepter les conventions du théâtre. Les humains ont naturellement cette disposition ; il suffit d’observer des enfants aux marionnettes, de voir comment ils réagissent au quart de tour pour défendre le gentil Guignol ou pour accabler le vilain gendarme ! Il n’est donc pas nécessaire que le théâtre se rapproche de la réalité autant qu’il lui est possible, par exemple en habillant les comédiens en costumes d’époque et en les plaçant dans un décor au plus près du cadre supposé de l’action.

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Ouverture de l’année Césaire

—Par Selim Lander. —

L’année Césaire a commencé. Après la reprise par Hervé Deluge de son Gueuleur (voir l’article de Roland Sabra), voici Paroles et Silences conçu et mis en scène par José Alpha. Jean-Claude Duverger interprète des textes des « classiques » de la Martinique (Ménil, Lucrèce et bien sûr, et surtout Césaire lui-même) et au-delà (Amadou Hampaté Bâ et Khalil Gilbran).  Après un prologue en voix off, J.-Cl. Duverger ne quittera plus la scène, ni la parole – à l’exception de deux intermèdes assurés par cinq jeunes danseurs et danseuses du groupe Mouv’men Danc’z (sic). L’accompagnement musical, très efficace, est assuré par le percussionniste Christian Charles, bien connu du public martiniquais, accompagné cette fois par Michel Beudard qui a su tirer de son saxophone des accents mélancoliques bien en rapport avec la situation du personnage joué par J.-Cl. Duverger. Lequel personnage, armé d’un balai et d’une poubelle, est en effet chargé du nettoyage d’une gare parisienne. En fond de scène, une vidéo de Raphaël Thine donne à voir les mouvements des trains et des passagers.

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Une tragédie turque : Kuma – Une seconde femme, d’Umut Dag.

Une seconde femme 2Par Selim Lander. Un cinéaste autrichien d’origine kurde a filmé à Vienne un huis-clos dont on ne sort pas tout-à-fait indemne. Son héroïne, la jeune Ayse, a tout en effet de l’héroïne tragique. Courageuse, vertueuse, belle, elle semble avoir tout pour réussir sa vie mais le destin qui l’entraîne est le plus fort, qui la conduira de Charybde en Scylla, même si la fin de son histoire demeure incertaine. Mariée pour la forme, en Turquie, à un beau jeune homme, Hasan, elle sait qu’en réalité elle est appelée à devenir la seconde épouse de Mustafa, le père d’Hasan (un moyen de détourner la prohibition de la polygamie). Derrière ces manigances, la mère, Fatma, première femme donc de Mustafa, laquelle, atteinte d’un cancer, a voulu une épouse de substitution pour son mari et, pour ses enfants, une mère.  Il ne faut surtout pas dévoiler les détails de l’histoire mais l’on peut néanmoins révéler que Ayse verra deux fois l’espoir se lever, après la mort du père, puis quand elle commencera à travailler à l’extérieur, échappant ainsi à l’atmosphère étouffante de l’appartement où est filmée la plus grande partie de l’histoire.

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Les Bêtes du Sud sauvage : résilience

— Par Selim Lander —

Les bêtes du sud sauvage. Un film primé à Sundance et à Deauville, récompensé à Cannes par une caméra d’or et encensé par la presque totalité de la critique ne pouvait que donner envie de le voir. Il n’était pourtant pas évident qu’il serait montré en Martinique. Grâce au ciel (et à Steve Zebina) il est programmé à Madiana pendant quatre soirs de suite, dans le cadre d’un accord avec le CMAC qui a déjà permis de présenter aux Martiniquais plusieurs films récents de qualité.

Ce film mérite-t-il tous les éloges dont on l’a couvert ? Il est centré du début à la fin sur une petite fille métisse (Quvenzhane Wallis), surnommée Hushpuppy, âgée de 6 ans, positivement adorable et qui joue merveilleusement. La caméra la quitte rarement et nous voyons dans ses yeux, dans ses expressions les sentiments, souvent confus, qui l’agitent. Si besoin est, ses pensées sont là aussi, en voix off, régurgitation, le plus souvent, du discours écologique qu’elle entend de la part des adultes.

Car nous ne sommes pas, comme tant de films américains, dans une banlieue prospère avec ses maisons impeccablement rangées sur leur pelouse, mais dans un lieu improbable de Louisiane, au bord d’un « bassin » inondé lors des ouragans.

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