Étiquette : Selim Lander

« Sous ma peau ». De et avec Geneviève de Kermabon

Sous ma peau2

Éloge du petit format

— Par Selim Lander —

On a souvent regretté ici, tout en la comprenant, la multiplication des « seul en scène » au théâtre. On comprend les contraintes économiques. Ce qui n’empêche pas de regretter, autant pour les comédiens qui perdent des occasions de s’employer, que pour le spectacle qui se trouve dépourvu de ce qui a fait de tout temps la caractéristique principale du théâtre : l’interaction entre plusieurs personnages. Il faut néanmoins reconnaitre que, présentée dans un espace réduit qui lui convient, cette forme peut créer une connivence particulière avec le comédien et favoriser la naissance d’une émotion plus facilement que les grandes machines. Encore faut-il a priori que deux conditions soient réunies : un texte de qualité et une interprétation à la hauteur.

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L’Incertain témoigne de la fécondité littéraire des Antilles

L Incertain n1Par Selim Lander – Au temps des tablettes et des liseuses, une jeune maison d’édition martiniquaise lance une « revue de création littéraire et critique », sous la forme de petits livres au format de poche (1). L’avenir seul dira si la présentation adoptée par les copistes du Moyen Âge (une liasse de feuilles de même dimension) et continuée depuis sans autres changements que dans les techniques de fabrication, est condamnée à disparaître au profit d’autres supports. En attendant, les chiffres montrent que le papier résiste, car, même s’il est loin de disposer de la capacité de stockage des instruments modernes, il offre un confort de lecture jusqu’ici inégalé. La question de la capacité, au demeurant, importe peu à la plupart des lecteurs qui se satisfont de lire un livre à la fois et n’ont nul besoin de transporter en permanence une bibliothèque avec eux ! Si elle maintient son exigence de qualité, L’Incertain mérite donc d’échapper au sort de tant d’autres revues littéraires créées dans l’enthousiasme mais n’ayant connu qu’une existence éphémère. 

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Philippe Virapin enflamme la nuit

affiche VirapinPar Selim Lander – Une fois n’est pas coutume, la Fondation Clément expose un photographe, Philippe Virapin, martiniquais d’origine, installé en Guadeloupe après avoir fait ses classes à Paris chez Hachette-Filipacchi. À l’exception d’une seule, les douze photographies exposées dans la Case à Léo de la Fondation ont été prises en Guadeloupe. Elles racontent un univers urbain ancien, souvent décati, des pans de mur aveugles aux couleurs passées, des maisons abandonnées. Contrairement à d’autres œuvres de Ph. Virapin, le décor est le plus souvent vide d’humains, ou ces derniers sont à peine visibles, des ombres indistinctes prises de dos. Le décor est le véritable sujet de ces œuvres qui frappent d’abord par leur lumière, chaude ou froide selon les cas, mais toujours éclatante.

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« Le Rebelle » au Parc… Floral : une nation en proie au lyrisme

Le Rebelle (2)–Par Selim Lander –

En fait, la césairomanie n’ayant aucune borne chez nous, il n’y a plus de Parc Floral mais un Parc Aimé Césaire. Le culte du grand homme a ses côtés ridicules, comme lorsqu’on se croit obligé de donner son nom à tous les lieux publics : aéroport, parc, salles de spectacle (oui, au pluriel et dans la même ville de Fort-de-France)… Il manque encore un lycée (à moins que nous ne soyons mal informé) mais gageons que la future université de Martinique qui naîtra sur les cendres de l’UAG sera baptisée promptement, elle aussi, Aimé Césaire. Le culte du grand homme peut cependant recéler des effets merveilleux lorsque le héros local n’est pas un conquérant belliqueux mais plutôt un littérateur. Car il ne faut pas se leurrer, que Césaire ait dominé sans partage la vie politique martiniquaise pendant un demi-siècle n’aurait pas suffi à en faire un personnage aussi universellement admiré et révéré, s’il n’était pas l’immense poète que l’on sait.

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Tom à la ferme, une certaine image du Québec

Par Selim Lander – Quelques mots en plus de l’article magistral de Roland Sabra, pour un film qui mérite tous les éloges.

Tom à la ferme1Adapté d’une pièce de théâtre, Tom à la ferme est un film de Xavier Dolan sorti en 2012, juste après Lawrence Anyways que les Martiniquais ont pu voir naguère à l’Atrium. Mais Tom à la ferme est tourné dans un Québec rural, avec des champs à perte de vue, une pâle lumière, et tandis que le premier film était une comédie douce-amère, le second montre une violence qui fait d’autant plus mal qu’elle est celle d’un malade rejeté par tous. Francis est un jeune fermier habité par un sentiment de puissance pathologique qui l’empêche d’exprimer ses désirs autrement que par l’intimidation et les coups. En face, Tom est le citadin branché, homo, qui s’est rendu à la ferme pour l’enterrement de son amant, le frère de Francis, qui avait coupé les ponts avec sa famille   Tom débarque donc en milieu inconnu  Il est d’abord accueilli par la mère, Agathe, un personnage à la normalité fragile, puis par Francis qui se montre tout de suite brutal

Le film se concentre sur ces trois personnages, les autres n’étant là que pour éclairer la personnalité des deux frères  Son amant n’était pas le pur amour que pleure Tom ° Quant à Francis, son machisme dissimule une homosexualité latente qui fascine Tom et l’incite à rester à la ferme plus que de raison.

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Hernani à la Comédie Française

Par Selim Lander – La programmation de la Comédie Française permet d’assister en ce mois de juin à deux pièces de Victor Hugo : une occasion unique de (re)visiter le théâtre du Prince des poètes sous deux formes complètement différentes.

Contrairement à Lucrèce Borgia qui a fait l’objet d’une nouvelle production, Hernani est une reprise de la saison dernière. Les partis pris de la mise en scène sont à l’opposé : autant celle d’Éric Ruf, dans Lucrèce, déploie tous les fastes du théâtre sur la grande scène et dans les ors de la salle Richelieu (1), autant celle de Nicolas Lormeau adopte pour Hernani la carte minimaliste sur la scène aux dimensions réduites du Vieux Colombier. Grande « machine » d’un côté, dispositif scénique réduit à presque rien, de l’autre : qui peut le plus peut le moins, c’est aussi cela la magie du théâtre.

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Le chien et le moineau, héros de cinéma

Par Selim Lander

Adieu au langage

Adieu-Au-Langage2Dans le dernier film de Jean-Luc Godard (1), l’humanité n’a plus de ressort. Nous sommes en Suisse, souvent dans des paysages magnifiques de lac et de forêt, en automne ou en hiver. Les personnages sur l’écran semblent débarrassés des soucis matériels, leurs voitures sont cossues, leurs appartements confortables. Mais c’est le vide surtout qui remplit – si l’on peut dire – leurs journées, l’attente, des conversations décousues, vite interrompues. La prospérité, recherchée comme un graal par ceux qui en sont dépourvus, apparaît finalement dépourvue de sens. Parmi les nombreux aphorismes qui parsèment le film, empruntés à des auteurs célèbres mentionnés dans le générique de fin (les lettrés reconnaîtront ce qui revient à qui), il en est un qui paraît particulièrement significatif à cet égard : « Il n’a pas voulu, ou pas su, faire de nous des humbles ; alors Il a fait de nous des humiliés » (Il, c’est Dieu, évidemment). Philosophie de quatre sous, sans doute – car si l’humiliation des uns n’est, hélas, que trop réelle, elle a pour contrepartie l’immodestie et la gloriole des autres –, néanmoins utile pour comprendre l’état d’esprit de Godard aujourd’hui.

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Pas son genre : Chanter et rire à en pleurer

— Par Selim Lander —

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Lucas Belvaux a porté au cinéma le roman de Philippe Vilain, théoricien de l’autofiction et romancier de l’amour, de ses joies et de ses peines, de ses essais et de ses erreurs. Un professeur de philosophie, Clément, à peine émoulu de l’université, est nommé à Arras pour son premier poste. Il est parisien, issu d’une famille bourgeoise et cultivée, il a déjà publié un livre, alors Arras… ! Trois jours par semaine dans une telle ville, même si l’on éprouve un certain plaisir à (s’écouter) enseigner, c’est « ennuyant ». Donc on se désennuie en allant se faire couper les cheveux, on remarque la jeune personne, Jennifer (!), qui coiffe, on revient la voir, on la séduit.Mais une coiffeuse provinciale et un intellectuel parisien « ça peut pas le faire », a priori. Le film raconte la descente aux enfers de Jennifer : elle n’en est pas bien sûre mais elle croit avoir trouvé l’amour de sa vie. Tandis que lui est totalement incapable de répondre à son amour comme elle le voudrait, non pas tellement à cause de la différence de milieu et de culture, mais à cause d’une incapacité – constitutive ou acquise, peu importe – de s’engager.

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À la Comédie Française : Lucrèce Borgia, somptueuse et perdue

Lucrèce Borgia3Par Selim Lander – La Comédie Française, comme on sait, a comme première mission de faire vivre les textes du répertoire qui font l’histoire et la grandeur de notre théâtre. Cela ne l’empêche pas, bien sûr, d’excursionner à l’occasion vers des horizons plus modernes, ni de montrer de l’audace dans la manière de montrer les classiques. En montant Lucrèce Borgia (1), Denis Podalydès n’a cherché pourtant qu’à faire de la belle ouvrage et nous lui sommes reconnaissant de nous reposer de tant de tentatives ratées de la part de ceux qui veulent se montrer originaux à tout prix.

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Etat de siège : une re-création

camusPar Selim Lander – Lors de sa création, en 1948, par Jean-Louis Barrault, avec vingt-cinq comédiens, L’Etat de siège (avec l’article défini) ne remporta pas le succès escompté. La version de Charlotte Rondelez (sans l’article défini), raccourcie et condensée sur treize personnages et six comédiens, rencontre pour sa part un durable succès. Si 2013, l’année du centenaire de la naissance d’Albert Camus, n’a pas permis de revisiter son théâtre comme on eût pu l’espérer (1),
il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il est donc encore temps de saisir l’occasion de ce qui sera, pour la plupart des spectateurs, une découverte de Camus auteur de théâtre.

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Les Zamakoeurs dans « La Soupière » de Robert Lamoureux

SoupièrePar Selim Lander – Les Zamakoeurs, des « zamateurs » comme on l’aura compris, se sont plongés dans La Soupière de Robert Lamoureux (1920-2011). On a pu craindre, un moment, qu’ils n’aillent s’y noyer, mais non, à force de nager, ils sont arrivés au port, c’est-à-dire au bout de la pièce et Daniel Namrit a pu jeter la dernière réplique : enfin la soupière est cassée ! La pièce réunit neuf personnages dont six parfaits imbéciles et donc, par soustraction, seulement trois individus doués d’un sens un tant soit peu rassis, à savoir la tante (ou tantine, Brunette Belfan), sa bonne qui répond au doux prénom de Germaine (Myriam Vigilant) et sa petite nièce, Brigitte. Nous sommes dans le vignoble bordelais, la tante est riche à millions, ce qui attire la convoitise du neveu, Paul Dubard (Daniel Namrit), lequel est le propriétaire d’un fabrique de robinets structurellement déficitaire.

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Courtelignes a donné « Potins d’enfer » de Jean-Noël Fenwick : Au-revoir et à bientôt !

Potin d'enferPar Selim Lander – Pour une fois, l’enfer c’est pas les autres. Enfin, quand J.-N. Fenwick dit « l’enfer », il s’agit plutôt d’autre chose, d’un lieu provisoire où séjournent les âmes des défunts avant de partir vers… un autre ailleurs. Dans la pièce, elles sont trois de ces âmes qui habitent un corps sans vie mais néanmoins capable de parler et de se mouvoir : celles d’un politicien qui ne se prend pas pour rien, d’une journaliste qui ne se prend pas pour rien et d’un coiffeur qui ne se prend pas pour rien non plus. On peut ironiser sur le théâtre du boulevard ! Et il est vrai qu’il ne fait pas dans la dentelle. Au moins a-t-il le mérite de porter sur nous autres, pauvres humains, un regard sans complaisance. Qui mieux que lui sait montrer les petites (?) mesquineries dont sont tissées nos existences, toutes ces bassesses, ces trahisons (j’excepte, cela va de soi, les héros et les saints). Et tout ça pourquoi ? Pour un enjeu habituellement si dérisoire qu’on hésite entre en rire ou en pleurer.

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Danse en Martinique – Aperçus sur la Biennale 2014

Mon cœur est un château : holà !

Fred-BendonguePar Selim Lander. On n’est pas toujours maître de son emploi du temps. Nous prenons cette biennale en marche, presque à la fin, avec une création de la compagnie Fred Bendongué, du chorégraphe et danseur du même nom. Nous ne le connaissions pas : ce fut une très agréable surprise. Il danse avec un autre garçon, Farid Azzout et une danseuse, Sandra de Jesus : un noir, un « arabe » et une blanche. Ce choix n’est pas innocent puisque la banlieue est au centre de l’histoire, ou plutôt des histoires qui nous sont contées : Venissieux, Les Minguettes… C’est de la danse, n’est-ce pas, et malgré les paroles d’Abd Al Malik qui résonnent de temps à autre, chacun est libre de laisser vagabonder son esprit. De toute façon, l’essentiel n’est pas là. De la triade « sensation- sentiment-connaissance », chère à Pierre Leroux (1797-1871) – que les Français tiennent pour l’inventeur du mot « socialisme » -, Bendongué nous balade du côté des sensations et des sentiments.

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La Nuit des assassins : des paumés magnifiques

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Par Selim Lander – En compagnie de Yoshvani Medina, puis de Ludwin Lopez et maintenant en solo, Ricardo Miranda a permis au public martiniquais de découvrir un théâtre latino-américain riche d’invention, de fantaisie, de mystère, où le sacré n’est jamais bien loin. Avec La Nuit des assassins Miranda puise une nouvelle fois dans le répertoire cubain. José Triana a écrit là un vrai texte de théâtre moderne, qui captive moins par les ressorts de l’intrigue que par l’étrangeté de la situation dans laquelle les personnages se trouvent plongés. Pourquoi sont-ils réunis, qui sont-ils, que veulent-ils, à quoi jouent-ils ? Telles sont les questions auxquelles chacun est invité à apporter ses propres réponses. À cet égard, on peut se demander s’il est pertinent de donner au futur spectateur, comme fait le programme du Théâtre municipal, autant de clés pour « comprendre » la pièce. N’est-il pas préférable de le laisser se faire sa propre opinion en toute autonomie ? Certes, il faut bien un « pitch » pour le convaincre d’assister au spectacle, mais il ne faut pas moins se garder d’imposer une interprétation a priori.

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Her : Ça s’est passé demain

HerUn codicille à l’analyse plus psychologique de Roland Sabra

Par Selim Lander – Un film hollywoodien situé dans le centre ville de Los Angeles qui constitue à lui seul un décor passablement futuriste : tours de bureaux, tours d’habitation, parvis piétonniers, métro impeccablement propre. Un futur très proche, néanmoins, où les innovations ne sont pas légion : les photocopieurs sont plus performants, les jeux en trois D sont sortis des écrans et entrés véritablement dans les salons. À part ça, tout est semblables à aujourd’hui, sauf les taxis qui ont rétréci.

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Les Bruits de Recife : tranches de vie en pays émergent

bruitsderecife1Par Selim Lander – Les Bruits de Recife : un premier long métrage de Kleber Mendonça Filho tourné dans une ville du  Brésil en plein boum économique, avec les gratte-ciels qui poussent partout ; plusieurs lignes narratives très lâches qui se développent simultanément, se croisent parfois ; un film patchwork, des personnages ordinaires, « sans qualité », vivant une existence banale, à l’exception de l’un d’entre eux qui veut assouvir une vengeance (mais cela nous ne le découvrirons qu’à la fin).

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Hong Sang Soe : un Rohmer coréen

Haewon et les hommes

Haewon et les hommesPar Selim Lander – Un cinéaste prolifique qui raconte des histoires où il ne se passe rien, rien de plus que des conversations entre des hommes et des femmes, où la grande question est celle de savoir si l’on aime ou pas, si l’on aime bien ou mal, si l’on va tomber amoureux ou si l’on n’aime plus. Le rythme est lent, on élève rarement la voix, la photo est belle, la musique aussi. En dehors de ces inquiétudes sentimentales, la vie est facile dans ce monde-là. L’argent n’est pas un souci, ni le travail. On a le temps pour autre chose, pour ce qui importe vraiment, ces conversations interminables, les lentes déambulations dans quelques lieux familiers que l’on revisite inlassablement. C’est l’univers de Rohmer, version Corée du Sud. Et puisque les deux personnages principaux d’Haewon et les hommes sont une étudiante (Haewon, grande et distinguée) et son professeur, Seongjun, on pense plus précisément à Conte d’automne (1998).

Nous sommes donc, avec Haewon et les hommes, dans un film maniériste à l’extrême. Nous ne dirons pas à l’excès.

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Bethléem : la guerre sans fin

BethléemPar Selim Lander – « L’occupation (de la Palestine) ou la sécurité, vous n’aurez pas les deux à la fois ». Tel est le message envoyé aux Israéliens, via Al Jazeera, par le terroriste palestinien Ibrahim. Ce dernier a un jeune frère, Sanfur, qui a été retourné par un agent secret israélien, Razi. Entre ces deux-là se sont nouées des relations affectives – réciproques – très fortes (à en croire le cinéma, le film Omar par exemple, les services secrets israéliens seraient très doués pour ce jeu-là). On voit toute la richesse d’une situation dans laquelle les deux principaux protagonistes (Sanfur et Razi) se trouvent pris entre des fidélités contradictoires, chacun devant à la fois protéger son ami et demeurer loyal envers son camp. De tels dilemmes ne se tranchent jamais de manière satisfaisante (ou il y faut beaucoup d’artifice comme dans le Cid de Corneille).

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Pull : deux truands sur le retour

pullPar Selim Lander – « Pull » : pull the trigger, appuie sur la détente. De fait, les deux personnages qui occupent la scène ont la gâchette facile. Les sens en alerte, ils dégainent plus vite que leur ombre. Avec Pull, comme on le comprend tout de suite, Hervé Deluge (auteur et metteur en scène)nous projette dans un univers de films noirs aux truands sympathiques. Pas mauvais bougres, tuer pour eux n’est qu’un métier, avec ses bons et ses mauvais côtés. Il n’empêche : ces deux-là sont rendus à un stade de leur (médiocre) existence où l’on commence à se poser des questions existentielles.  Leur philosophie ne va pas bien loin mais elle est dépourvue de prétention et l’on se laisse facilement charmer par des discours où l’humour côtoie la déraison. Il ne se passe rien : les tueurs (le mot « assassin » ne conviendrait pas ici) attendent qu’on leur désigne une cible, et comme la distribution est réduite à deux comédiens, on se doute bien qu’il ne se passera pas grand-chose d’autre. Pourtant, on a envie de savoir la suite.  

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Claude Gueux, adapté de Victor Hugo

claude-gueuxPar Selim Lander – Le spectacle présenté mardi dernier dans la salle Frantz Fanon du CMAC (une salle bien remplie de spectateurs qui se montrèrent satisfaits – qu’on se rassure tout de suite) cumulait d’entrée les  deux principaux désavantages si souvent présents dans le « théâtre » d’aujourd’hui : un texte non théâtral et un seul comédien. Le « seul en scène » présente pour la production l’avantage évident de réduire le coût au minimum (tout en augmentant néanmoins le nombre des comédiens au chômage et en privant les spectateurs des interactions entre les comédiens, qui font normalement une grande partie du charme du théâtre). Quant à l’adaptation d’un texte non théâtral, elle ne s’explique pas seulement par le fait que les monologues et soliloques – écrits ou non au départ pour le théâtre – ne sont pas en nombre illimité : il s’agit d’une véritable mode chez les metteurs en scène contemporains qui prennent ainsi assez aisément la posture d’un auteur.

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Au cinéma !

"Lulu, femme nue", "Des Étoiles". "Salvo". "Cristo Rey"

LULU+FEMME+NUE Par Selim Lander – Toujours dans la série le CMAC à Madiana, Steve Szebina présente en ce mois d’avril quatre films inédits en Martinique, plus la reprise de The Lunchbox, projeté naguère mais qui mérite effectivement d’être proposé à nouveau aux cinéphiles qui l’auraient raté la première fois. Surprise : un film français à l’affiche : Lulu femme nue de Solveig Anspach, une fable tirée de la bande dessinée d’Etienne Davodeau. Lulu, une jeune dame (Karin Viard), néanmoins mère de trois enfants, décide qu’elle a besoin d’une coupure avec le train-train qu’on devine étouffant de la vie familiale. Habitant un petit village près d’Angers, elle se retrouve un peu par hasard à Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

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L’Ange noir : Chants d’exil d’après Bertold Brecht

— Par Selim Lander ––

Chants d'exilSerge Barbuscia, le directeur du théâtre du Balcon en Avignon, revient en Martinique avec une nouvelle production. L’aurait-on invité si son spectacle, évocation des années d’exil de Brecht, ne s’inscrivait pas dans la thématique de la saison du théâtre de Fort-de-France consacrée à ce dramaturge ? Peut-être pas car le projet d’imaginer un « cabaret chanté » autour de Brecht n’était pas nécessairement très attractif. De fait, au début, on s’interroge sur la finalité de tout cela. On sait la propension des metteurs en scène contemporains à se muer en auteurs ou à défaut en adaptateurs. C’est le cas ici. S. Barbuscia ne met pas en scène une pièce de Brecht : il construit un spectacle à partir / autour de divers textes du dramaturge allemand. Inutile donc de chercher une intrigue, des sous-entendus, des mystères, enfin tout ce qui fait le plaisir ordinaire du théâtre. Mais alors, n’y a-t-il rien de mieux à faire, aujourd’hui, que de convoquer l’auteur de l’Opéra de 4 sous ? Pour nous dire quoi que nous ne sachions déjà sur la grande crise, le nazisme, l’exploitation capitaliste ?

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Le centenaire d’Albert Camus (1913-1960) – Camus et le théâtre

Albert Camus

Par Selim Lander – Hasard, bien sûr : deux auteurs français célèbres dont le nom débute par la lettre « C »  sont nés en 1913 (Camus, Césaire), un troisième (Cocteau) est mort en 1963. Un tel télescopage n’a pas aidé à ce que ces anniversaires fussent commémorés avec toute la ferveur souhaitable. Sans compter que 1913 fut également l’année de la publication du premier volume de la Recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, événement considérable qui n’a pas manqué de faire beaucoup d’ombre aux trois précédents. Dans le cas d’Albert Camus, le brouillage a été encore accentué par la polémique autour de l’organisation de la grande exposition commémorative, à la médiathèque d’Aix-en-Provence qui abrite le Fonds Camus.

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Maryse Condé se livre et se délivre

Maryse Condé : La vie sans fards, Paris, J.C. Lattès, 2012, 334 p., 19 €.

maryse-conde-Par Michel Herland – En plaçant d’entrée ce livre de mémoires sous l’invocation de Jean-Jacques Rousseau et de ses Confessions, Maryse Condé (née en 1937) annonce la couleur. Loin de vouloir dresser pour la postérité une statue à sa gloire, elle livrera aux lecteurs le récit « sans fards » de ses années de jeunesse. Ce livre devrait passionner, au-delà des admirateurs de l’auteure de Ségou (publié en 1984), les Africains, sans parler de tous les Européens ou Antillais qui, comme elle, ont laissé une part d’eux-mêmes sur « le continent ». C’est pourtant en Haïti que ces nouvelles confessions ont fait le plus de bruit (1) quand il est apparu que le père de Denis, le fils aîné de M. Condé, né en 1956, n’était autre que Jean Dominique (1930-2000), une figure de la résistance contre les Duvalier, coupable d’avoir abandonné Paris et sa jeune maîtresse passionnée lorsqu’il apprit qu’elle était enceinte de ses œuvres.

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Fruitvale Station : horror movie

Fruitvale StationPar Selim Lander – Ça commence par des images floues tournées sur le quai d’un métro, des images réelles, des images tremblées, celles de flics qui tabassent quatre jeunes noirs assis contre un mur du métro, le BART (Bay Area Rapid Transit). Nous sommes à San Francisco, ou plutôt à Alameda, près d’Oakland, à la station Fruitvale. Un crime atroce va être commis, le spectateur non averti ne le sait pas encore et il vaut mieux en effet ne pas être averti pour apprécier le film. Soudain un bruit sec : est-ce une détonation, un coup de feu ? Changement d’ambiance : un jeune noir se dispute gentiment avec sa petite amie ; leur petite fille vient les rejoindre ; scène de tendresse familiale. Déjà, pourtant, quelque chose de lourd plombe l’atmosphère du film. Nous, spectateurs, sommes mal à l’aise sans véritable raison.

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