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Contrastes : « Rituels vagabonds » et « Rhapsodie nègre »

— Par Selim Lander —

Rhapsodie nègreC’est un programme plutôt hétéroclite qui nous était proposé ce vendredi 28 novembre pour l’un des derniers spectacles de l’Atrium, avant sa fusion avec le CMAC dans une entité nouvelle. Hétéroclite mais sympathique et l’on est sorti avec une impression favorable, le professionnalisme et la qualité de la deuxième partie ayant fait oublier le côté quelque peu amateur de la première. Deux morceaux donc, animés par une quinzaine de danseuses et danseurs chorégraphiés par Josiane Antourel. Aucun rapport possible entre ces Rituels vagabonds qui viennent en premier et se closent sur une évocation de la vie quotidienne aux Antilles antan lontan après avoir présenté sur un mode humoristique les tribulations des voyageurs aériens – et la  Rhapsodie nègre qui suit, illustrant quelques étapes de l’histoire de l’esclavage depuis le rapt en Afrique jusqu’à l’abolition en passant par la traversée de l’Atlantique et l’existence des esclaves aux îles.

On peut passer sans s’arrêter sur les séquences « transport aérien » qui ne laisseront pas un souvenir impérissable. Le spectacle devient plus séduisant dans la séquence intitulée « An lakoua », en particulier la danse des tabourets, tout à fait charmante.

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« Rup_ture » ou l’abstraction corporelle

Par Selim Lander

ruptureAprès la Machine à beauté, la semaine dernière, un spectacle de théâtre programmé par l’Atrium, la salle Frantz Fanon est à nouveau comble pour un spectacle du CMAC, cette fois, la dernière création de la compagnie guadeloupéenne Lénablou (comme sa chorégraphe, Léna Blou). Le plateau est divisés en deux : devant un écran blanc disposé en biais, à jardin, un tapis blanc carré sur lequel évolueront les quatre danseurs ; à cour deux musiciens avec leurs instruments (contrebasse et batterie) qui viendront se surajouter à la bande son. Celle-ci, à vrai dire, se suffit à elle-même – une musique contemporaine signée Marc Jalet avec déjà pas mal de basses, mais sans que cela devienne obsédant comme dans les boites de nuit – si bien que les deux musiciens semblent plutôt là pour la décoration.

Avant que le spectacle commence, on voit apparaître sur l’écran des bandes ou des lignes verticales en mouvement, selon une esthétique très « Supports/Surfaces ». La vidéo, signée Christoph Guillermet, jouera également son rôle par la suite, en particulier dans la séquence qui montre les évolutions du danseur Léo Lérus, silhouette démultipliée à différentes tailles, un moment assez saisissant, qui laisse une curieuse sensation car on ne s’intéresse plus guère, à ce moment-là, aux danseurs en chair et en os qui sont pourtant encore là, sur le bord opposé de leur quadrilatère.

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« Le Songe d’une autre nuit », un théâtre multiculturel

Par Selim Lander

songe_d_une_autre_nuitAdapté du Songe d’une nuit d’été, sans doute la pièce la plus souvent jouée de Shakespeare, ce Songe-là, qui nous vient de Guyane dans une mise en scène de Jacques Martial, a la particularité de confier la partie du peuple de la nuit à des élèves comédiens d’une école de Saint-Laurent-du-Maroni qui s’expriment en saramaka surtitré en français. Les nobles Athéniens et  Bottom (Pyrame) sont joués par des élèves ou anciens élèves de l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT, Lyon). On voit tout de suite l’intérêt qu’aurait pu présenter un tel choix dramaturgique : poser d’emblée l’irréductible étrangeté du peuple de la nuit par rapport aux Athéniens. Malheureusement le message est brouillé dans la mesure où les mêmes Guyanais mobilisés pour jouer les elfes interprètent, avec le renfort de leur camarade de l’ENSATT, le petit peuple d’Athènes qui donnera la tragédie de Pyrame le jour du mariage des deux couples aristocratiques (Hermia et Lysandre, Helena et Demetrius)⋅Certes, ils s’expriment alors en français mais le spectacle ne perd pas moins de sa magie⋅

Un grand tronc posé sur le plateau nu est le seul élément fixe du décor⋅ Quelques accessoires portant la marque de l’artisanat guyanais (le lit de Titania, la reine des elfes, en pandanus tressé, des tabourets, un mur de branchage pour la tragédie) et les fleurs qui recèlent les charmes d’Obéron complètent le dispositif.

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« La Machine à beauté » ou la comédie des apparences

— Par Selim Lander—

Machine à beauté2Salle comble à l’Atrium pour la représentation de La Machine à beauté, une pièce de Robert Bellefeuille d’après le roman de Raymond Plante (Québec). Le spectacle a déjà tourné dans des collèges et mériterait de s’exporter tant la forme paraît en adéquation avec le propos. Ce dernier est simple : pour être unanimement désirée la beauté perd de son charme lorsqu’elle devient le lot commun ; si, en outre, il n’existe que deux canons de la beauté, un pour chaque sexe, la parfaite ressemblance entre tous s’avère une gêne insupportable ; et chacun de préférer retrouver son état initial. Au-delà de cette « thèse » dont on dira plus loin ce qu’il faut en penser, on voit  tout de suite les ressorts comiques d’un tel sujet : personnages caricaturaux, quiproquos lorsque tous sont devenus semblables, retournements de situation. Le texte qui est destiné à un public d’enfants et d’adultes développe tout cela avec autant d’efficacité que de simplicité. Mais une pièce comme celle-ci ne serait rien sans l’interprétation qui la porte. Ricardo Miranda (à la mise en scène) et les comédiens de la compagnie L’Autre Bord, qui nous avaient déjà très favorablement impressionné à la fin de la saison dernière dans La Nuit des assassins de José Triana, marquent à nouveau un grand coup avec cette comédie d’une tonalité entièrement différente mais dans laquelle on retrouve une signature commune, le rythme soutenu du début à la fin et un dispositif scénique qui se limitant à des cubes, même si certains sont ici solidement assemblés pour constituer la machine éponyme.

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« Le Sel de la terre » – la terre des désastres

— Par Selim Lander —

Salgado Wim Wenders pratique diverses formes cinématographiques, dont le documentaire. On se souvient de Buenavista Social Club (1999) dans lequel le réalisateur a mis en relief certains protagonistes d’une musique cubaine alors en voie de disparition. Le Sel de la terre présente l’œuvre et la vie de Sebastiao Salgado, photographe mondialement connu pour ses portraits en noir et blanc réalisés dans les coins les plus reculés de la planète. Il y a de l’ethnographe chez Salgado avec néanmoins une préoccupation esthétique toujours présente. Certaines de ses photos qui témoignent avec une extraordinaire acuité du tragique de la condition humaine sont devenues des « icones ». Plutôt qu’un voleur d’images, comme le sont tant de photographes pressés, il préfère s’immerger, souvent pendant des semaines voire des mois, dans une communauté avant de prendre ses clichés, une attitude respectueuse qui contribue sans nul doute à la pertinence de son œuvre. Des livres, des expositions permettent de prendre connaissance avec elle, aussi peut-on se demander si un film était bien nécessaire. En fait, oui : sur le grand écran du cinéma les photos de Salgado prennent encore plus de force.

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Quatre mains sur un piano

Par Selim Lander.

Svetlana Eganian et Yolande KouznetsovLa fête au CMAC pour les amoureux de la musique classique puisqu’ils n’ont pas tant d’occasions, en Martinique, de satisfaire leur passion : un récital non pas d’un (ou une) pianiste mais de deux à la fois ! Le piano, on le sait, se prête à cet exercice, certains morceaux ayant d’ailleurs été composés spécialement à cet effet. Il peut arriver – comme au festival de la Roque d’Anthéron – que deux voire trois pianistes se produisent simultanément sur des instruments différents mais le piano à quatre mains, sur un seul instrument donc, est plus spectaculaire (pour qui a la chance de voir les mains des interprètes) et surtout il conduit naturellement à exploiter au maximum les ressources de l’instrument.

Le récital a commencé par la fantaisie en fa mineur opus 103 de Schubert dans laquelle on goûte particulièrement la reprise du thème lent et doux. Ont suivi quatre danses norvégiennes endiablées de Grieg qui mirent en valeur la virtuosité des interprètes, puis La Moldau de Smetana, heureuse  transcription pour le piano à quatre mains par le compositeur lui-même du « poème symphonique » bien connu.

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« Mommy », un film de Xavier Dolan

Par Selim Lander.

Mommy Diane (Anne Dorval) Steve (Antoine Olivier Pilon)X. Dolan est un jeune cinéaste québécois à la scénographie déjà imposante, parmi laquelle on a déjà pu, grâce à S. Zebina, voir ici – et admirer – Laurence Anyway (2011) et Tom à la ferme (2013). Par exception, X. Dolan ne joue pas dans ce nouveau film : malgré son jeune âge (25 ans), il n’eût pas été crédible, en effet, dans le rôle de Steve (interprété par Antoine Olivier Pilon), un adolescent incapable de se contrôler à la moindre contrariété. Renvoyé de l’institution où il était pensionnaire, il est rendu à sa mère, Diane (Anne Dorval) qui entreprend de l’éduquer elle-même. Tâche impossible comme on l’en a prévenue, mais quand l’alternative se situe entre ça et l’abandon définitif de l’enfant, une mère peut-elle hésiter ? Une lueur d’espoir apparaît d’ailleurs en la personne d’une voisine, Kyla (Suzanne Clément), bien mal en point pourtant (elle est à peu près aphasique), mais qui s’intéresse au sort de Steve. Professeure en disponibilité, elle peut aider à le faire avancer dans sa scolarité qui se déroule désormais à domicile.

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Retour aux sources avec « Un Roman de Renart »

Par Selim Lander.

roman_de_renartLe Roman de Renart date du tournant du XIIIe siècle. C’est donc l’un des premiers textes comiques écrits en (vieux) français. Maurice Baud a décidé de le monter au théâtre dans une version abrégée et modernisée sans excès par Bruno Cosson. Ils rendent tous deux un service éminent aux lettres françaises en rendant accessible ce texte des origines de notre littérature. Et le public l’a bien compris qui se presse nombreux aux représentations (le Théâtre municipal fait salle comble tous les soirs). Autant dire que ce retour en arrière est plus que rafraîchissant. Nos ancêtres y apparaissent comme des êtres primesautiers, irrévérencieux, s’amusant de choses simples et ne négligeant pas la gaudriole. Le roi Lion ne sait pas ce qu’il veut, le curé est en puissance de femme et d’enfant et les femelles de tout poil se font allègrement sauter par un messire Renart lequel possède plus d’un tour dans son sac.

Le comédien est accompagné sur la scène par une violoncelliste, Marie-Claude Douvrain. Elle lui apporte un contrepoint musical qui n’a rien de superflu. On notera que le violoncelle possède une « voix » grave et chaude qui explique qu’on le trouve souvent présent sur les scènes de théâtre, l’accordéon demeurant son seul concurrent sérieux.

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Une autre forme de terreur cinématographique : « The Tribe » et « Chemin de croix »

Par Selim Lander.

chemin_de_croixLes vrais films d’horreur ne sont pas ceux qui mettent en scène des monstres imaginaires mais bien plutôt ceux qui montrent la réalité dans son implacable cruauté. Il y a certes une gradation dans le mal. On peut même se demander si le mal « radical » (Kant) existe. Un individu qui aurait choisi l’immoralité en toute liberté, qui se réjouirait d’infliger des souffrances abominables, incarnerait sans doute le mal absolu. Il est douteux cependant que l’on puisse trouver un tel individu. Si le héros négatif sadien correspond à ce schéma, il n’est en effet qu’un être de fiction, sorti de l’imagination quelque peu dérangée du « divin (?) marquis ». Tout porte à croire que les « sadiques » qui se rencontrent dans la réalité sont avant tout des malades : telle est sans nul doute la mère dans le film Chemin de croix de Dietrich Brüggemann. Quant à ceux qui ont penché du côté du mal du fait des circonstances, comme dans The Tribe de Myroslav Slaboshpytskiy, ils n’avaient en général pas d’autre choix : comment survivre en effet dans la jungle sans devenir une bête sauvage ?

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« Aladin » : du théâtre pour le jeune public

— Par Selim Lander —

AladinLe théâtre du Jeu de Paume, à Aix-en-Provence, a produit en 2013 ce spectacle repris cette année, qui illustre un épisode bien connu des Mille et une nuits. Après le désistement de Charles Tordjman, metteur en scène, Matej Forman, co-directeur avec son frère jumeau d’un théâtre qui allie les marionnettes à des animaux stylisés, le tout dans des décors naïfs, est resté le seul maître à bord. L’univers des frères Forman collant particulièrement bien avec celui de l’enfance, on était curieux de découvrir cette adaptation d’Aladin.

 Le prologue est prometteur : deux boules lumineuses volent lentement au-dessus des spectateurs jusqu’à la scène, coupée par plusieurs rangs de rideaux transparents, où les attendent d’autres boules en mouvement.

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« Un Diptyque » par Malte Schwind et des élèves du master théâtre de l’université d’Aix-Marseille

— Par Selim Lander —

Un dyptique-©-Michèle-Souheban2Malte Schwind, qui a commencé à travailler sur Un Diptyque alors qu’il était encore étudiant du master théâtre de l’AMU (Aix-Marseille Université, la nouvelle entité qui regroupe les trois universités d’antan), démontre déjà une maîtrise étonnante de l’outil théâtral alliée à une profonde originalité. Car si tout n’est pas neuf dans sa manière, sa pièce finit par produire sur les spectateurs un effet de sidération qui n’a, lui, rien de commun Pour comprendre ce qui est visé, rien de mieux que de lui laisser la parole :

« Nous voulons chasser le naturalisme et le naturel⋅⋅ Nous n’aurions pas peur du trop, d’une recherche de la plus grande expressivité de chaque élément théâtral, de l’exagéré, du grotesque, du sale et du bruyant, d’un trop plein, d’un excès, d’un excès de trop de textes, trop de musiques, trop d’images…

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« Empty Moves (Parts I, II & III) » d’Angelin Preljocaj : un passionnant exercice de style

— Par Selim Lander —

Empty Moves I II et III.3Formidable travail d’Angelin Preljocaj et de ses danseurs que ce ballet désormais complet, avec ses trois parties (1) enchaînées sans transition, qui circule dans le monde entier (2). L’idée de construire une pièce à partir de l’enregistrement d’une performance purement verbale de John Cage (intitulée par lui Empty Words) pouvait paraître osée au départ. Aucune musique mais seulement des mots tirés de la Désobéissance civile de Thoreau, rares, hachés, souvent indistincts, entrecoupés de silences et d’onomatopées diverses. Autant dire que le public du Teatro Lirico de Milan auquel il fut donné de découvrir cette création pour le moins provocatrice, en 1977, manifesta son indignation, le premier moment de stupeur passé, d’abord par des applaudissements censés indiquer à l’artiste qu’il était temps pour lui de conclure, puis par des apostrophes variées, dont de longues tirades en italien, et quelques invectives plus brèves en anglais (« you are very stupid ! »).

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Musique – Beethoven par François-Frédéric Guy

—Par Selim Lander –

Récital exceptionnel, le 4 octobre dernier, dans le cadre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence, ce théâtre à l’Italienne datant du milieu du XVIIIe siècle et fraîchement rénové, longtemps voué également à l’opéra et dont l’acoustique exceptionnelle fait un lieu particulièrement propice pour entendre de la belle musique. Et cette dernière était au rendez-vous avec un François-Frédéric Guy au mieux de sa forme pour interpréter Beethoven dont il est aujourd’hui le meilleur spécialiste. Rappelons qu’il a enregistré l’intégrale des concertos pour piano et l’intégrale des sonates pour piano du musicien viennois.

Beethoven, quant à lui, fut d’abord un pianiste virtuose avant de devenir un compositeur mondialement connu, d’une puissance et d’une originalité sans égales. On connaît les souffrances physiques et morales de ce musicien génial, devenu totalement sourd à l’âge de quarante-cinq ans et qui continua à composer des chefs d’œuvre jusqu’à la fin de sa vie, qui surviendra quelques dix ans plus tard, en 1827.

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Danse – « Le Manteau » : une pièce d’Irène Tassembédo

— Par Selim Lander —

Le-Manteau2-c-Francis-Gaches--gde« Tant de chemin parcouru, Mama Africa,
et ta robe est toujours plus rouge-sang,
plus rouge de rage et de colère… »

Une voix se fait entendre parfois dans Le Manteau, délivrant une parole poétique ou rappelant, grâce à quelques statistiques, les malheurs de l’Afrique. Car la chorégraphe Irène Tassembédo n’est pas mue uniquement par une intention artistique. Elle s’engage, elle dénonce… tout en s’interrogeant sur l’utilité pratique de sa démarche : « Le geste et la musique peuvent-ils panser les blessures ? Cette interrogation ontologique de la chorégraphie africaine contemporaine, je la reprends à mon compte », a-t-elle déclaré. I. Tassembédo, après une carrière menée principalement en France, est retournée dans son pays natal, le Burkina Faso, en 2007. Elle y a fondé une école et plus récemment lancé le Festival international de danse de Ougadougou. À l’entendre, elle voudrait assigner à la danse une fonction cathartique. Si l’on aimerait qu’il en soit ainsi, l’on voit bien que les choses ne sont pas aussi simples et l’on comprend qu’elle-même soit amenée à douter.

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Théâtre – Aperçu des « Francophonies en Limousin »

— Par Selim Lander —

festival_limousin-2014Cela fait trente ans qu’au début de l’automne, à Limoges et dans sa région, se déroule un festival entièrement consacré à des œuvres, le plus souvent théâtrales, d’auteurs appartenant à la Francophonie (exceptionnellement français de l’hexagone). Cette année, sur dix-sept pièces inscrites au programme, cinq venaient du Québec, quatre de Belgique, trois du Congo-Brazzaville, trois autres d’Afghanistan, de Madagascar et de la Réunion. A quoi s’ajoutaient un En attendant Godot ainsi qu’un oratorio d’après Laurent Gaudé (l’auteur du Soleil des Scorta). Le festival prévoit également diverses rencontres, des prix, des lectures. C’est le cas par exemple pour deux pièces récompensées en 2013 par Etc Caraïbes (1) et l’association Beaumarchais : Cette guerre que nous n’avons pas faite de Gaël Octavia et La Jupe de la rue Gît-le-Cœur de Jean-Durosier Desrivières⋅

À Limoges même, les spectacles se déroulent au Théâtre de l’Union (qui abrite un CDN), dans trois CCM (centres culturels municipaux), en tout dans une dizaine de lieu.

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« L’oublié(e) » : cérémonie endiablée

— Par Selim Lander —

Raphaëlle Boitel est passée par l’Ecole nationale du cirque, elle a participé à de nombreux spectacles s’inscrivant peu ou prou dans ce qu’il convient d’appeler le « nouveau cirque », qui se produit sur des scènes de théâtre plutôt que sous la tente, d’où sont d’ailleurs bannis les animaux et les clowns, qui conjugue la dextérité et la force physique des circassiens dans une mise en scène au service de la poésie et du merveilleux. Le plus souvent, dans ces spectacles, on ne mélange pas les métiers du cirque. La spécialité de R. Boitel est l’acrobatie suspendue à un harnais : telle est la technique de base de L’Oublié(e) dont R. Boitel tient la vedette à côté de Maya Masse qui pratique la même discipline.

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Le ravissement de Michel T. Houellebecq

« L’Enlèvement de Michel Houellebecq », un film de Guillaume Nicloux

L'enlèvement de M HouellebecqPar Selim Lander – On ne dira jamais assez ce que la littérature française du XXème siècle finissant a dû à Michel Thomas, dit Michel Houellebecq. Ses premiers romans, Extension du domaine de la lutte (1994) et Les Particules élémentaires (1998) sont apparus comme des OVNIs dans un ciel plutôt morne dominé par une autofiction plus ou moins avouée, un ciel que la présence remarquable de quelques stylistes talentueux ne suffisait pas à rendre éclatant, faute pour ces derniers d’avoir des choses vraiment passionnantes à raconter. Si le style n’est pas le premier souci de Houellebecq, il excelle, en particulier dans les premiers romans cités mais les suivants se sont encore laissés lire avec plaisir, dans deux genres qu’on n’attend pas à voir se conjuguer : la peinture désabusée de personnages – le narrateur au premier chef, pris dans un malaise existentiel et un pessimisme profonds – qui n’est néanmoins jamais pesante pour le lecteur ; une analyse sociologique percutante de la France et de ses habitants. Grâce à Houellebecq les lecteurs francophones ont ainsi accédé à une sorte de littérature décapante qu’ils devaient aller chercher, jusque-là, chez quelques romanciers nord-américains (on pense par exemple à Tom Wolfe).

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Avignon 2014 : Enfant soldat en Afrique

enfant soldat2Par Selim Lander – Serge Amisi  (au centre sur la première photo), né en 1986, a publié un extraordinaire témoignage (1) de sa vie d’enfant soldat entre 1997 et 2001, d’abord dans les troupes rwandaises du rebelle Kabila, puis, après la victoire de ce dernier contre Mobutu, dans l’armée régulière (!) de la République Démocratique du Congo, soit pendant les deux guerres dites du Congo (1996-1997 et 1998-2002). Il n’était donc encore qu’un adolescent quand il a été démobilisé. Accueilli au sein du centre d’art et d’artisanat de Kinshasa, il s’est mis à sculpter du métal de récupération, puis il est entré dans une troupe de marionnettes à gaine qui a tourné en RDC et en Europe.  Au début de L’Enfant de demain, auquel il participe en personne, il apparaît d’ailleurs dissimulé derrière une marionnette plus grande que nature, dont la tête et la main sont faites à partir de plaques de métal, du cuivre apparemment⋅ L’effet est saisissant⋅  La marionnette représente l’oncle qu’on l’obligera à tuer, suivant le rite barbare destiné à couper les enfants soldats de leur communauté d’origine.

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Avignon 2014 : Gianina Cărbunariu, Claude Cohen

— Par Selim Lander —

Solitaritate

Mise en scène de Gianina Cărbunariu

Festival d’Avignon in, juillet 2014, Gymnase du lycée Mistral

solitaritate_(c)_paul_bailaLa dernière œuvre de la metteuse en scène roumaine Gianina Cărbunariu, s’inscrit dans le programme « Villes en scène » et bénéficie à ce titre de subventions européennes. Outre Avignon et Sibiu (Roumanie), elle doit être montrée à Bruxelles, à Paris, à Göteborg, à Naples et à Madrid. Cela fait beaucoup d’honneur pour une pièce qui déçoit en dépit de ses bonnes intentions. Le point de départ, pourtant, ne manquait pas d’intérêt : présenter en quelques tableaux certains aspects de la société roumaine contemporaine. Défilent ainsi successivement la décision d’édifier dans la ville de Baia Mare un mur pour isoler le quartier des Roms (avec la complicité du chef de leur communauté !.)

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Avignon 2014 : « La Imaginación del Futuro »

Imaginacion del futuro1Par Selim Lander – Neuf comédiens : sept garçons et deux filles. Parmi les garçons, deux n’ouvriront pas la bouche : celui qui interprète l’adolescent (cf. infra) et celui qui, dissimulé sous un masque de gorille, fait le machiniste sur le plateau. Au centre, un bureau imposant et le fauteuil qui va avec. Sur les côtés, des tables, un divan, quelques chaises, une caméra, des micros. Au départ, le rideau de fond de scène représente la façade endommagée du palais de La Moneda, siège de la présidence chilienne, là où Salvador Allende s’est suicidé le 11 septembre 1973. L’action de la pièce, qui se passe ce jour-là, n’est nullement respectueuse des faits. Nous assisterons à plusieurs tentatives parodiques du président pour enregistrer son discours (authentique) d’adieu au peuple chilien, entouré par quelques-uns de ses ministres qui le houspillent et donnent de lui l’image d’un pantin sans consistance : une satire du monde de la télévision et de ses animateurs (ici les ministres) et de leur comportement  de diva⋅ Marco Layera, le directeur de la troupe chilienne La Re-Sentida, vise à un théâtre insolent et provocateur, et il y parvient incontestablement⋅ Il faut, en effet, un certain culot pour déboulonner l’idole de la gauche chilienne, ce qui explique que La Imaginación del Futuro ne soit pas toujours bien accueillie par les Latino-Américains.

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Avignon 2014 : « I Am » de Lemi Ponifasio

i_amPar Selim Lander – Lemi Ponifasio est l’un de ces metteurs en scène internationaux en vogue invités dans le monde entier. L’engouement des programmateurs des festivals les plus prestigieux pour certains hommes de théâtre sortis de nulle part et qui deviennent des vedettes que l’on s’arrache, est semblable à celui qui favorise certains plasticiens contemporains, chouchous de toutes les biennales, sans que leur supériorité apparaisse toujours évidente par rapport à leurs concurrents sur le marché de l’art. En l’occurrence, Lemi Ponifasio nous vient de Samoa, dans le Pacifique, accompagné d’une troupe de Maoris. Son travail, qui se situe « à la lisière du poétique et du mystique » selon le tract distribué aux spectateurs, est censé créer « les conditions d’un abandon, d’un état d’éveil ». Dans un entretien reproduit dans le dossier de presse, Ponifasio déclare que « le théâtre est l’endroit où écouter [notre] âme ». Participer à son spectacle, ce serait, selon lui, « une prière, un cri, une cérémonie pour célébrer une nouvelle vie… C’est être le silence, avec la vérité ». « La vérité » : rien de moins !

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Avignon 2014 : « Mai, juin, juillet » de Denis Guénoun

Mai juin juilletPar Selim Lander – Le festival d’Avignon a été bien plus perturbé en 1968 par les « révolutionnaires » de mai qu’il ne l’est aujourd’hui par les intermittents. Aussi cela donnait-il un curieux sentiment d’irréalité que d’entendre, en préambule à Mai, juin, juillet, la voix enregistrée qui délivre désormais un message de solidarité avec le mouvement des intermittents, avant chaque représentation, dans la plupart des théâtres, IN ou OFF. De quelle solidarité s’agit-il en effet ? Celle des comédiens, intermittents pour certains, dont la participation à la pièce affaiblit incontestablement le mouvement ? Celle des spectateurs qui applaudissent complaisamment le message mais ne voudraient surtout pas être privés de leur spectacle⌉

Quoi qu’il en soit, la pièce écrite par Denis Guénoun et mise en scène par Christian Schiaretti, le directeur du TNP (Villeurbanne), est une réussite (1). Il n’était pourtant pas si aisé de faire d’un tel sujet un spectacle, même si « les événements de 68 » sont vus ici principalement à travers leurs répercussions dans le domaine théâtral.

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Avignon 2014 : Ivo Van Hove (d’après Ayn Rand)

FountainheadThe Fountainhead (La Source vive)

Par Selim Lander – La romancière Ayn Rand est davantage connue pour son roman Atlas Shrugged (La Grève, 1957) qui est devenue un ouvrage de référence pour les ultra-libéraux, que pour The Fountainhead (1943). Celui-ci fut pourtant porté au cinéma par King Vidor, avec Gary Cooper (sous le titre Le Rebelle). Il traite principalement de l’opposition entre deux architectes, Peter Keating et Howard Roark, qui défendent deux conception opposées de leur métier. Le premier, parce qu’il vise la réussite à tout prix, est décidé à aller dans le sens de l’opinion – en l’occurrence du goût – majoritaire (être ce que les autres souhaitent qu’il soit). Le second, parce qu’il fait passer la réussite après sa conception de ce que doit être une architecture moderne, refuse de transiger sur ses principes.

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Avignon : Emma Dante et Olivier Py

— Par Selim Lander —

sorel-b-400Le Sorelle Macaluso

Emma Dante est installée avec sa compagnie à Palerme. Le spectacle qu’elle présente dans le IN d’Avignon, Le Sorelle Macaluso (Les Sœurs Macaluso) montre une Sicile populaire, pauvre mais rayonnante d’un humour et d’un appétit de vivre qui demeurent à travers l’adversité. Dix comédiennes et comédiens incarnent les sept sœurs, le père, la mère et le jeune fils de l’une des sœurs⋅ Les mouvements sont réglés au millimètre (ou s’ils laissent place à une certaine improvisation, celle-ci ne paraît pas)⋅Les séquences s’enchaînent et construisent peu à peu l’histoire de la famille, ses moments de joie ou de chagrin : une excursion à la mer (préparation et voyage en car compris) qui se terminera tragiquement par la noyade de l’une des sœurs ; le papa qui s’escrime pour élever seul ses sept filles ; le fils de l’une des sœurs, footballeur surdoué mais malade du cœur ; la maman qui revient d’outre-tombe pour donner un ultime conseil à ses filles (et retrouver son mari pour une dernière danse).

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Avignon : Maryse Condé, Athol Fugard, Gérard Lefort

La vie sans fards— Par Selim Lander —

La Vie sans fards

Adaptation de l’autobiographie de Maryse Condé, par Eva Doumbia, du 9 au 16 juillet, au Festival d’Avignon, à la Chapelle du Verbe incarné,

Maryse Condé a récemment publié un livre autobiographique qui raconte ses amours (et ses maternités) successives, le début de sa carrière de coopérante en Afrique et la naissance de sa vocation d’écrivaine (1). La pièce montée par Eva Doumbia sous le même titre (La Vie sans fards) demeure très fidèle au livre, en restant centrée sur une interprète (Astrid Bahia, remarquable) qui est chargée de l’essentiel de la narration et des adresses à la première personne. Elle est secondée par deux comédiennes, une chanteuse et trois musiciens. Ils ajoutent à la pièce la couleur et le rythme  qui en font un spectacle à part entière.

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