Étiquette : Selim Lander

« Ivanov » ou le loser exténué

— Par Selim Lander —

Ivanov2 (2)La première « vraie » pièce de Tchekhov[i], créée à Moscou en 1887, Ivanov n’est pas la plus célèbre et l’on comprend pourquoi depuis qu’elle est montrée à l’Odéon. Contrairement aux pièces les plus connues de Tchekhov, où la déréliction se trouve agréablement compensée par la poésie et l’humour, Ivanov est littéralement plombée par le personnage éponyme, le type même du looser, désespéré de surcroît, incapable du moindre sursaut, tout au plus capable de se juger avec une lucidité telle qu’elle ne peut que renforcer sa désespérance. Sa première épouse est atteinte de la tuberculose (comme Tchekhov lui-même) et meurt pendant l’entre-acte, ce qui ne contribue pas à nous ragaillardir. Quant à la deuxième épouse (le mariage occupe la deuxième partie de la pièce), elle essaye bien de ranimer un peu le malheureux Ivanov mais sans succès. L’amour éperdu de ces deux femmes pour un individu réduit à l’état de loque humaine n’aide d’ailleurs pas à la vraisemblance de la pièce. Les comparses sont censés apporter un élément comique ; hélas, ils ne parviennent pas à dérider la salle, sinon sporadiquement.

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« Petra von Kant » de Fassbinder : un mauvais béguin chez les L(G)B(T)

— Par Selim Lander —

Petra von KantRainer Werner Fassbinder (1945-1982) a écrit aussi bien pour le théâtre que pour le cinéma, passant de l’un à l’autre comme ce fut le cas pour Les Larmes amères de Petra von Kant, une pièce créée en 1971 par sa troupe (baptisée Anti-Teater), avant de faire l’objet d’un film, l’année suivante, avec Hanna Schygulla dans le rôle-titre. Pas d’intrigue dans cette pièce mais la descente aux enfers d’une bourgeoise arrivée, créatrice de mode en vogue, Petra, qui s’est prise de passion pour une jeune et ravissante prolétaire, Karine. L’argent ne peut pas tout acheter : la morale de la pièce est donc politique, en ce sens, mais le sujet principal est bien celui des ravages de la passion.

Deux personnages qui s’affrontent, deux femmes bisexuelles : Petra sort d’une mauvaise expérience avec un homme ; Karine, mariée, est prête à courir vers son mari dès qu’il se manifestera. Cela ne l’empêche pas de faire le premier pas vers Petra, en venant lui donner un baiser. Et Petra s’embrase immédiatement.

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« Le clou du spectacle » : virtuose !

Par Selim Lander

le clou du spectacleDeux jeunes comédiens brûlent les planches au Guichet Montparnasse dans un spectacle délirant qui met surtout en évidence le talent des deux interprètes, l’aisance avec laquelle ils passent sans transition d’un personnage à l’un des quinze autres qui peuplent tour à tour la scène. Il s’agit en effet de jouer Roméo et Juliette, ce qui n’est pas une mince affaire, on le reconnaîtra aisément. La preuve : au commencement de la pièce, Julien et Denis sont face à saint Pierre qui les interroge sur les circonstances de leur mort, avant de décider de leur sort. La suite nous apprendra pourquoi et comment la représentation du chef d’œuvre de Shakespeare a très mal tourné. La pièce – co-écrite et co-créée par Mathieu Davidson et Alexandre Foulon et désormais interprétée par Mathieu Davidson et Yam Koen – est donc une satire du théâtre. Très drôle de bout en bout, même si la deuxième partie, celle où, après les répétitions et autres préparatifs, on passe à la représentation elle-même, vire un peu trop – à notre goût – à la grosse farce.

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« Lignes de faille ». Du roman au théâtre

— Par Selim Lander —

Lignes de faille1Nancy Huston a obtenu le prix Femina pour Lignes de faille en 2006. Ce gros roman de presque 500 pages, polyphonique, a fait l’objet d’une adaptation par Catherine Marnas (actuelle directrice du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine – TnBA), adaptation actuellement présentée au Rond-Point, à Paris. Le livre est une sorte de saga familiale qui, partant de Sol (Solomon) remonte successivement au père Randall, à la grand-mère Sadie et enfin à l’arrière-grand-mère (« AGM ») Kristina. Passer du roman au théâtre s’avère particulièrement délicat, en l’occurrence, non seulement en raison de l’ampleur du premier mais encore parce qu’il est constitué de quatre monologues successifs qui sont situés dans la tête des personnages alors âgés de six ans !

La version littéraire du roman fonctionne à merveille. Au théâtre, c’est plus compliqué. D’abord, restituer ne serait-ce que l’essentiel d’une histoire aussi longue prend beaucoup de temps et le spectacle s’étire sur quatre heures (entracte non compris). Or, entendre quasiment tout au long de la pièce des comédiens adultes monologuer en s’efforçant de prendre une voix de fausset (par ailleurs amplifiée) peut devenir assez rapidement une épreuve pour le spectateur.

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« The Servant » ou le maître domestiqué

— Par Selim Lander —

The Servant 1  Brigitte EnguerandQu’est-ce qui fait une bonne pièce de théâtre, l’une de ces pièces d’où l’on sort parfaitement content, heureux comme le roi en France ? L’image n’est pas complètement hors de propos ; ces pièces rares communiquent en effet un sentiment de plénitude, proche sans doute de celui qui peut être ressenti par celui qui est en mesure d’obtenir ce qu’il désire simplement par un simple claquement des doigts. Du pouvoir il est beaucoup question, au demeurant, dans The Servant, le pouvoir – évident mais trompeur – du maître et celui – caché et bien plus pernicieux – du serviteur. Le roman de Robin Maugham (neveu de Somerset Maugham), publié en 1948, a connu une postérité éclatante grâce au film de Losey, avec Dirk Bogarde dans le rôle titre. L’auteur en avait lui-même tiré une pièce actuellement présentée au Théâtre de Poche Montparnasse – dont la programmation, en règle générale, ne déçoit pas. C’est encore le cas avec ce Servant qui procure, comme déjà signalé, un vrai « plaisir de théâtre ».

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Hanokh Levin prend la Bastille

—  Par Selim Lander —

schitz-de-hanokh-levinHanokh Levin (1943-1999) est un dramaturge israélien de gauche, communiste, auteur prolifique (52 pièces dont 32 montées de son vivant en Israël). Son théâtre engagé, anti-militariste, anti-matérialiste, a suscité autant de louanges que – on s’en doute – d’opposition virulente dans son pays. Wikipedia cite par exemple ce jugement d’un certain Uri Porat, qui sonne comme une condamnation à mort: « Ce théâtre dépotoir fait de nous des meurtriers abjects, citoyens âpres au gain d’un état militariste ». C’est néanmoins le cancer qui a emporté Levin prématurément, à croire que les saltimbanques ne font peur à personne.

Une troupe flamande joue en ce moment à Paris, en français, l’une de ses pièces, Schitz. C’est l’occasion pour ceux qui ne connaissent pas encore cet auteur hors norme (« hénaurme » serait-on tenté d’écrire) de le découvrir.

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« Les Estivants » ou les frustrés en vacances

— Par Selim Lander —

les estivantsMaxime Gorki a écrit cette satire de la petite bourgeoisie russe dans les premières années du XXe siècle. La pièce, disons-le tout de suite, est loin d’être un chef d’œuvre et l’on est en droit de se demander pourquoi la Comédie Française a éprouvé le besoin de la monter à nouveau, après la version adaptée par Michel Vinaver en 1983. La version présentée aujourd’hui est celle, antérieure, de Peter Stein et de Botho Strauss, qui fut créée à la Schaubühne. Elle transforme quelque peu le texte initial en mettant les quinze protagonistes ensemble sur scène dès le départ, ce qui permet de créer un spectacle un peu plus dynamique, avec des scènes découpées en brèves séquences. Cela ne suffit pourtant pas à sauver les spectateurs de l’ennui, au moins pendant la première partie d’exposition qui se prolonge pendant une heure et vingt minutes, avant l’entracte. Les quelques-uns qui sont partis à ce moment-là n’ont pourtant pas fait le meilleur choix car la suite, pendant laquelle se nouent (et se dénouent) quelques intrigues amoureuses, est nettement plus enlevée et la fin entre (enfin) dans le vif du sujet : la « question sociale ».

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« Love is Strange » : Ne vous mariez pas !

— Par Selim Lander —

Love is strangeEn mettant en scène les (més)aventures d’un couple du même sexe, le réalisateur américain Ira Sachs n’en est pas à son coup d’essai. Lui-même homosexuel, on peut croire qu’il sait de quoi il parle. Après Delta (1996) qui fut son premier film et Keep the Lights (2012), voici donc Love is Strange, passé par le festival de Deauville où il a reçu un réel soutien de la critique.

Soit donc deux hommes d’âge mûr, très mûr pour Ben (John Lithgow), moins pour George (Alfred Molina) qui décident de convoler en justes noces, après quatre décennies de vie commune et heureuse – sinon sans nuage. Erreur (presque) fatale parce que George est professeur de musique dans un lycée catholique, une religion qui ne badine pas avec l’amour, avec ce genre d’amour en particulier. Exit donc George de son lycée et ce sans indemnité, car il a commis une faute lourde en enfreignant la charte de moralité de l’enseignement chrétien[1]. Or c’était lui, George, qui faisait bouillir la marmite puisque Ben, lui aussi artiste, n’a pas de revenu bien défini : il peint et passablement mais sa peinture est d’une autre époque et ne fait guère recette.

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Shirley Rufin – Abstractions photographiques sur corps évanescents

— Par Selim Lander —

Shirley RufinQui a dit que la photographie était un art mineur ? Deux expositions récentes à la Fondation Clément, celle de Philippe Virapin[i], l’année dernière, et celle de Shirley Rufin[ii] actuellement en cours démontrent le contraire. Rien de plus dissemblable pourtant entre les approches de ces deux artistes : le premier, plus « photographe », expose des paysages urbains parfaitement reconnaissables, alors que la seconde, plus « plasticienne », retravaille ses clichés dans les bains, sous la presse et dans l’ordinateur jusqu’à faire s’évanouir le sujet initial. Le point commun, c’est, dans les cas les plus réussis, la fête des couleurs chaudes qui jaillissent du fond noir : celui de la nuit chez Virapin, celui de la toile sur laquelle elle photographie ses modèles chez Rufin.

Les œuvres de cette dernière exposées à la Fondation Clément se présentent en effet comme des abstractions pures. Nul moyen, si l’on n’est au préalable averti, de deviner qu’un corps féminin se cache derrière les taches de couleur de ses tableaux photographiques. Et de fait, le processus de transformation, parfois très lent (quand un tirage papier est soumis à l’attaque de poudres chimiques sous la presse), a opéré une véritable transmutation du sujet initial en quelque chose d’entièrement différent que l’on peut interpréter à sa guise, comme par exemple, si l’on est quelque peu mystique, « l’aura » du corps disparu.

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« À la vie » : survivre après Auschwitz

— Par Selim Lander —

A la vieAprès Hope qui nous a laissé avec un coup dans l’estomac, le film de Jean-Jacques Zilbermann se déploie dans une atmosphère plus sereine. Le sujet, pourtant, n’est pas fait a priori pour porter à l’optimisme puisqu’il s’agit de l’histoire de trois jeunes femmes rescapées d’Auschwitz. Mais, justement, elles sont des rescapées et leur histoire prouve que, parfois, la vie peut être plus forte que la mort. Si leur séjour au pays des ombres les plus maléfiques, celles du camp d’extermination nazi, leur a laissé bien des séquelles, tant morales que physiques – comment en aurait-il été autrement ? – elles sont assez fortes pour trouver chacune une sorte d’équilibre, nullement parfait, suffisant néanmoins pour rencontrer parfois le bonheur. Leurs retrouvailles, quinze ans après leur libération et la séparation qui s’ensuivit, les aideront à se reconstruire.

Trois femmes, donc, qui, en 1960, ne sont plus vraiment des jeunes femmes : Hélène, la Française, Lili, la Néerlandaise et Rose, la Néocanadienne. Trois juives, trois victimes de la barbarie. Après un prologue qui reconstitue la fin du camp et la « marche de la mort », le film suit d’abord Hélène à son retour à Paris, sa réadaptation à la vie normale.

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« Hope » : My life is in the hands of God

Prochaine projection  à Madiana : lundi 30 mars 19h30

Hope— Par Selim Lander —

Hope n’est pas le premier film sur les travailleurs africains migrants, un sujet douloureux pour le spectateur européen qui se trouve directement interpellé. Car c’est chez nous qu’ils veulent venir et c’est nous, les Européens, qui dressons les obstacles qui rendent leur parcours si difficile et trop souvent mortel. Il y a des films qui traitent des sujets douloureux et qui nous font pleurer parce que nous nous identifions au personnage souffrant. L’effet produit par Hope est autre : horrifiant, glaçant. Nous sommes confrontés à des humains que nous ne pouvons pas considérer comme des frères. S’ils étaient nos frères nous devrions les accueillir. Mais en dehors des militants d’extrême gauche rendus aveugles à leurs intérêts par l’idéologie, nous savons bien que ce n’est pas possible, que le chômage frappe déjà chez nous plus qu’il n’est supportable et que nous n’aurions pas d’emplois à offrir à tous ceux qui frappent à notre porte, qu’il faudrait pourtant leur offrir des conditions de vie décente et accepter, pour cela, de nous appauvrir.

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Lisa Simone, attachante chanteuse

Lisa Simone1— Par Selim Lander —

Vie privée et vie publique sont deux choses distinctes. On ignore comment se comporte Lisa Simone avec ses proches mais elle a un don pour établir le contact avec les spectateurs. Toujours souriante, n’affichant aucune prétention de diva mais au contraire une simplicité qui paraît totalement naturelle, il ne lui faut pas beaucoup de temps pour nous persuader que nous sommes des amis. Tantôt assise au bord de la scène, tantôt parcourant la salle pour serrer les mains des spectateurs sans cesser pour autant de chanter dans son micro baladeur, elle se met, littéralement, de plain-pied avec les spectateurs. L’ambiance dans la grande salle de l’Atrium bien remplie était chaleureuse – comment aurait-elle pu ne pas ? – mais les Martiniquais restent toujours un peu sur un quant-à-soi que la présence (rare) du président de la région a peut-être encore renforcé, ce soir-là. Il serait dommage que la chanteuse ait ressenti que nous ne lui rendions pas autant que ce qu’elle nous donnait.

Ou bien le public n’était-il pas absolument convaincu par la prestation purement vocale de Lisa Simone ?

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Yeung Faï ou la poésie du désespoir

— Par Selim Lander —

Hand stories1Avec sa puissance économique écrasante, ses mégapoles hérissées de gratte-ciels, son incroyable arrogance sur la scène internationale, les brimades infligées aux minorités tibétaine et ouïgoure, la Chine fait peur. Ce pays dont la marche vers l’hégémonie paraît irrésistible effraye d’autant plus qu’il est le symbole de la barbarie moderne. Course effrénée à la consommation, élimination impitoyable des plus faibles, fortunes gigantesques assises sur une corruption omniprésente, opposition muselée : si tel est le modèle auquel toute la planète devra bientôt se plier, il y effectivement de quoi frémir. Heureusement, la Chine ne se résume pas – ou pas encore – uniquement à cette caricature du capitalisme sans foi ni loi. Terre de très ancienne culture, berceau du confucianisme et du taoïsme, elle est riche d’un patrimoine exceptionnel qu’il est peut-être temps encore de préserver.

Yung Faï, né en 1964, a préféré s’exiler, pour faire vivre ailleurs la culture de cour chinoise mise à mal dans son pays d’origine par de nouveaux barbares qui préfèrent le karaoké à l’opéra. Cinquième représentant d’une lignée de marionnettistes, il en raconte l’histoire sans parole à l’aide des poupées qu’il a lui-même confectionnées.

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20 ans de « Recherches en Esthétique »

— Par Selim Lander —

ESTHETIQUE_20_pages_couv_BD1« Loin de la vitre du train, je pense à la parole électrique des flamboyants,
que les pilotes de loin croient encore des  nappes de sang
/ demeurées sur les touches du crime » (Edouard Glissant)[i].

La revue Recherches en Esthétique, créée et animée par Dominique Berthet, professeur à l’Université des Antilles en Martinique, fête son vingtième anniversaire. Cette revue de très bon aloi, qui paraît suivant un rythme annuel, s’organise autour de thèmes successifs. Par exemple « La critique » (n° 3), « L’audace » (n° 8), « Utopies » (n° 11), « Le trouble » (n° 17), « Art et engagement » (n° 19). Si la place principale revient aux arts plastiques, la littérature est également bien représentée. Tel est en particulier le cas dans le dernier numéro consacré aux « Créations insulaires » : les articles passant en revue les formes de l’art contemporain dans les îles de l’outremer français (les fameux « confettis de l’empire ») ainsi que dans les Grandes Antilles (Cuba, Haïti, Saint-Domingue) sont précédés par un dossier qui explore le concept d’insularité en faisant largement appel aux romanciers, aux philosophes et à Edouard Glissant, lequel se révèle une référence incontournable pour la plupart des contributeurs de ce numéro.

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Le jeu littéraire – dernier indice

styloAmis des lettres,

Nous n’avons toujours pas reçu trois bonnes réponses à la question posée. La revoici avec un troisième et dernier indice :

Quel est l’auteur du texte ci-dessous, où et quand a-t-il été publié ?

L’éducation coloniale produit des jeunes femmes sans âge qui, bien qu’elles connaissent à fond les règles de la bienséance, sont des proies faciles pour les hommes élevés, eux, en dehors de tout principe. Les mères qui ont connu, pour avoir vécu quotidiennement les compromissions de la vie coloniale, qu’argent fait loi, au lit comme à la ville, lancent avec acharnement leurs pouliches aux bourses. Les leçons nocturnes des vieilles négresses à recettes rendent les femmes à leur condition. L’Eglise enfin n’arrange rien puisqu’elle prêche la soumission et la fatalité des choses acquises.

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« Résister c’est exister ». Exceptionnel !

Résister c'est exister— Par Selim Lander —

François Bourcier, passé par la Rue Blanche et le Conservatoire, est un comédien talentueux. Très talentueux. Il en faut, en effet, du talent pour endosser à un rythme effréné vingt-quatre personnages différents (si nous avons bien compté) et une dizaine de costumes, pendant presque deux heures d’horloge, sans jamais une hésitation, encore moins une erreur. La pièce approche des cinq cents représentations : autant dire qu’elle est rodée. On n’en admire pas moins le réglage au millimètre jamais pris en défaut. Car il faut changer d’allure, de ton, d’accent en fonction de chaque nouveau personnage tout en manipulant sans se tromper les costumes et les accessoires.

Les costumes à la mode des années quarante pendent des cintres. Si bien que la scène est remplie, sinon peuplée, au moment où le spectacle commence. Il faudra les enfiler, ces costumes, et par un mouvement des épaules  les décrocher de leurs chaines puis se mettre aussitôt à jouer, et chaque fois sur un registre différent. Il s’agit de résistance, de risque, donc de mort pour beaucoup. Les héros le plus souvent anonymes qui se présentent à nous connaissent tous, ou presque, le même sort : une balle et c’est terminé.

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« Concerning violence » de Göran Hugo Olsson, d’après Frantz Fanon : un codicille

— Par Selim Lander —
concerning_violence-2Curieux film que ce documentaire politique consacré à la décolonisation en Afrique subsaharienne, des images d’époque éclairées par des extraits des Damnés de la terre de Frantz Fanon. Curieux parce que ce film monté a posteriori et distribué aujourd’hui s’en tient à la geste héroïque de la décolonisation et ne pipe mot de ses suites tragiques.

Le tableau de l’Afrique avant qu’elle ne bascule vers les indépendances est révoltant, comme il se doit. Le cynisme des colons – ceux qui nous sont montrés, en tout cas – est proprement monstrueux⋅ Voilà des gens qui considèrent leur privilège comme allant de soi, qui ne sont prêts à aucune concession, ne veulent rien partager et qui s’apprêtent à décamper si leur pays accorde des droits élémentaires aux noirs.

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« Un dimanche au cachot » : les avis divergent

Un-dimanche-au-cachot— Par Selim Lander —

Disons tout de suite, ou plutôt rappelons qu’il n’y a pas de critique objective, au théâtre comme ailleurs. Le critique arrive plein d’entrain ou fatigué, l’estomac vide ou rempli, de bonne ou de méchante humeur, et tout cela, bien sûr, ne peut qu’influer sur sa manière d’accueillir le spectacle à propos duquel il devra, quoi qu’il arrive, donner son avis. S’il est un « vrai » critique, il a en outre le souvenir des centaines de pièces déjà vues, avec lesquelles il ne pourra s’empêcher de comparer celle de ce soir. La place où il est assis importe également pour beaucoup. S’il est un critique reconnu, et si les places sont numérotées, on lui aura réservé une très bonne place ; si ce n’est pas le cas, il risque de se retrouver trop loin ou trop sur le côté, en tout cas pas là où il pourrait avoir le meilleur point de vue sur la scène et les comédiens⋅ Dans la salle Frantz Fanon de l’Atrium, pardon, de l’EPCC Martinique, les places ne sont pas numérotées ; la prudence étant bonne conseillère, nous sommes arrivé suffisamment à l’avance pour être assis au troisième rang, presque de face, un emplacement à peu près idéal⋅ Par ailleurs nous n’étions pas plus fatigué que d’habitude, ne sortions pas d’une scène… de ménage, notre estomac n’était ni trop rempli ni criant famine, bref tout était réuni a priori pour que nous goûtions sereinement le spectacle.

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« Pride » de Matthew Warchus

Pride— Par Selim Lander —

Pride, la fierté. Celle des gays qui défilent le jour de la Gay Pride et plus généralement celle de tous ceux qui se montrent capables de se mettre debout et de crier contre les injustices. Le film raconte l’histoire aussi véridique qu’exemplaire d’un petit groupe de gays londoniens qui ont pris fait et cause pour les mineurs du Pays de Galle lors de la grande grève de 1984-1985. Margaret Thatcher, on s’en souvient peut-être, avait décidé de fermer de nombreuses mines de charbon jugées insuffisamment rentables et s’était heurtée à une très ferme opposition de la part des mineurs. D’où la longueur de ce conflit qui n’a pas tourné, hélas, dans le sens espéré par les grévistes. Les gays emmenés par le charismatique Mark (Ben Snetzer) décident de collecter des fonds pour les grévistes. Ils nouent des relations avec les mineurs et leurs femmes, finissent par les rencontrer, sont plus ou moins bien reçus au début et finissent par se faire adopter par cette petite communauté forcée de rendre les armes (de renoncer à ses préjugés) devant la gentillesse de ces jeunes (pour la plupart) qui ne veulent que rendre service.

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« Queen and Country » de John Boorman

Par Selim Lander

Queen and countryLes soldats de l’empire britannique se battent pour leur reine et pour leur pays. Tel fut le cas pour John Boorman, cinéaste toujours talentueux, à 81 ans, comme il le prouve dans ce film autobiographique qui prend son personnage au moment du service militaire, en 1952, l’année du couronnement de la reine Elizabeth II. Ce film prend la suite  de Hope and Glory (1987) où le cinéaste racontait son enfance pendant la guerre.

Le héros, donc, double cinématographique de J. Boorman, qui s’appelle Bill Rohan dans le film, est interprété par Callum Turner ; son copain de régiment, nommé Percy (Caleb Landry Jones), est pas mal « allumé » et ils sont tous les deux les souffre-douleurs du sergent major Bradley (David Thewlis) contre lequel, fatalement, ils cherchent à se venger. Il y a du comique troupier dans ce film qui restera de bout en bout une comédie avec sa part de blagues, mais encore de marivaudage et d’initiation amoureuse. Après l’apprentissage de la vie militaire avec son cortège de brimades, celui de la vie en dehors de la caserne n’est pas plus aisé.

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L’« œuvre » peinte de Jean-Marc Hunt

— Par Selim Lander —

Aff_saison2014.inddEn attendant de voir ce que nous réserve le prochain « Pool Art Fair », du 11 au 8 janvier prochain à Fort-de-France, c’est encore à la Fondation Clément, au François, qu’il faut se rendre pour découvrir une « œuvre » au sens fort du terme, celle de Jean-Marc Hunt. L’exposition est intitulée Negropolis, une référence directe à la personne du plasticien, « négropolitain » né en 1975 à Strasbourg. Des peintures en trois formats, trois ambiances différentes, à quoi s’ajoutent des Vanités, sculptures métalliques en forme de crane, couturées, qui pourraient être aussi bien les casques d’un gang de motards psychédéliques.

Le mot psychédélique est encore celui qui vient à l’esprit pour caractériser l’ensemble d’une exposition où l’on chercherait en vain dans les œuvres peintes sur papier – représentant toutes des figures humaines – le moindre réalisme. Avec leurs membres difformes, leurs faces grotesques, leurs silhouettes désarticulées, ces personnages pourraient tous sortir d’un cauchemar provoqué par l’acide, avec malgré tout toujours une pointe d’humour. Autres points communs aux peintures de J.-M. Hunt, la fulgurance du geste et – réinvention, réminiscence ou hommage – le trait noir qui souligne, parfois incomplètement, les contours.

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Un jeu littéraire pour la fin de l’année

Hardcover booksAmis des lettres à vos armes.

Quel est l’auteur du texte ci-dessous, où et quand a-t-il été publié ?

L’éducation coloniale produit des jeunes femmes sans âge qui, bien qu’elles connaissent à fond les règles de la bienséance, sont des proies faciles pour les hommes élevés, eux, en dehors de tout principe. Les mères qui ont connu, pour avoir vécu quotidiennement les compromissions de la vie coloniale, qu’argent fait loi, au lit comme à la ville, lancent avec acharnement leurs pouliches aux bourses. Les leçons nocturnes des vieilles négresses à recettes rendent les femmes à leur condition. L’Eglise enfin n’arrange rien puisqu’elle prêche la soumission et la fatalité des choses acquises.

Votre réponse à l’adresse suivante : jeux@madinin-art.net

Les noms des trois premières personnes ayant donné la bonne réponse seront publiés dans Madinin-art (sauf indication contraire de leur part).

Bonne cogitation et bonnes fêtes. SL/

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« Le Nègre des Lumières » – Belle musique, ravissantes images

Par Selim Lander

Le Nègre des LumièresLe chevalier de Saint-George (1739-1799) fut l’un de ces hommes que leurs multiples talents entraînent au-dessus de leur état ; il parvint à s’affranchir de sa condition méprisée de mulâtre, gagner ses entrées à la Cour et devenir l’une des personnalités les plus en vues de l’Ancien Régime finissant. On connaît la phrase de Sartre : « Nous sommes ce que nous faisons de ce que les autres veulent que nous fassions ». Ce qui signifie que nous ne sommes rien si nous nous contentons de suivre le chemin qui nous est indiqué par l’habitude, le conformisme, la paresse ; et que nous ne commençons à exister et à devenir quelqu’un (puisque « l’existence précède l’essence », autre moto sartrien) qui si nous nous montrons capables de forger nous-mêmes notre propre destin. Saint-Georges fut l’un de ces êtres d’exception, comme, plus près de nous, Jean Genet et quelques autres parias qui ont refusé les cartes pipées trouvées dans leur berceau et inventé un jeu à leur manière.

Non que cela se passât pour Saint-George sans difficulté ni retour en arrière, au contraire.

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Martinique Jazz Festival – 20ème édition

— Par Selim Lander —

martinique-jazz-festival-2014-6kvrProgrammation éclectique du festival de jazz de la Martinique pour sa 20ème édition, avec un partage équilibré entre formations martiniquaises et importées. Le décor planté sur la scène de la grande salle de l’Atrium était particulièrement réussi : de grandes voiles rectangulaires ; un écran sur lequel grossissaient des notes dessinées en relief – croches ou doubles croches – ainsi que des clefs de sol, donnant l’illusion qu’elles se rapprochaient des spectateurs ; un éclairage vif sans être agressif avec des jeux de couleurs qui variaient selon les groupes. Enfin et surtout un public nombreux et même, événement rarissime, une salle comble le 6 décembre au soir (pour une jauge de 939 places).

Faute d’avoir pu assister aux six soirées (plus un « brunch » dans les jardins du Conseil Régional le dimanche 7), nous dirons quelques mots seulement des formations qui se sont produites le jeudi 5 et le vendredi 6. Commençons par le pianiste Bob James et son quartet qui a clôturé en beauté les concerts de l’Atrium, en deuxième partie le 6.

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« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée »

 Au T.A.C. de F-de-F les 11, 12 & 13 décembre 2014

— Par Selim Lander —

musset-1Un « Proverbe » : une comédie à deux personnages, trop brève pour faire à elle seule l’objet d’un spectacle. Isabelle Andréani a eu l’idée de lui adjoindre un prologue « pédagogique », non pour expliquer la pièce – qui ne le réclame pas – mais pour présenter Musset aux spectateurs. Il plaira même à ceux qui n’en apprendront rien, tant il est habilement construit et joué. Nous sommes dans le grenier du domicile de Musset, sa bonne et son cocher nouvellement engagé cherchent les harnais pour atteler la voiture du maître. Un maître dont ils sont tous les deux entichés au point de connaître par cœur certains de ses poèmes. Dans une cassette se trouvent de vieilles lettres parmi lesquelles l’échange de lettres codées (apocryphes) entre George Sand et Musset au contenu nettement pornographique. Le-dit échange se clôt sur deux vers de G. Sand (« Cette insigne faveur que votre cœur réclame / Nuit à ma renommée et répugne à mon âme ») dont il faut seulement retenir les deux premiers mots, « Cette nuit » : c’est dès cette nuit-là que Sand est prête à se donner à Musset…

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