Étiquette : Selim Lander

Maurizio Cattelan s’expose à la Monnaie de Paris

— Par Selim Lander —

maurizio-cattelan1Dans cet immense fatras qu’est l’art contemporain, Maurizio Cattelan, italien né en 1960, apparaît comme l’une de ses figures les plus intéressantes. Dans la lignée de Duane Hanson (1925-1996) et de Ron Mueck[i] (né en 1958), son œuvre se compose de sculptures hyperréalistes. Cependant, tandis que Duane Hanson s’est fait connaître par des moulages grandeur nature et que les œuvres les plus emblématiques de Ron Mueck se caractérisent par leur monumentalité, les sculptures de Maurizio Catelan montrent plutôt des adultes en réduction et plus souvent encore l’artiste lui-même. Autre particularité de Cattelan : il n’a pas d’atelier et fait appel comme un Jeff Koons (né en 1955) à des artisans, pour réaliser les œuvres qu’il a conçues. Artisans ou artistes, la nuance est parfois délicate…

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Captain Fantastic, film anti-système

— Par Selim Lander —

captain-fantastic1Dans l’une des séquences de Captain Fantastic (au titre bien mal choisi), on entend une petite fille de huit ans rappeler que le free speech est un droit constitutionnel aux Etats-Unis. Rien n’illustre mieux le principe que ce film qui dénonce le consumérisme et le laxisme de l’éducation moderne, qui pointe du doigt la laideur des obèses, ridiculise les croyances des adeptes du christianisme et qui va jusqu’à bafouer le tabou du respect dû aux morts en montrant un père et ses enfants dansant, après l’avoir déterré, autour du cadavre de la maman bien-aimée en train de se consumer sur le bûcher qu’ils viennent d’allumer, avant de se conformer aux dernières volontés de la défunte en jetant ses cendres dans la cuvette des toilettes d’un aéroport. A-t-on jamais vu un film qui invoque les fondements juridiques de la démocratie américaine pour s’attaquer aussi directement à des valeurs de la classe moyenne aussi intangibles que la Bible ou le capitalisme ?

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CIAM 2016 : « Les jours [et nuits] du cirque »

—Par Selim Lander —

circo-ripopoloPour la quatrième année consécutive le Centre International des Arts en Mouvement, basé à Aix-en-Provence, organise un festival du « nouveau cirque » qui réunit des circassiens souvent prestigieux. Ci-dessous un bref aperçu de cinq de leurs spectacles.

Circo Ripopolo : A Rovescio

Où est passé Carlito?

Gabriele et Jiancarlo sont deux employés de cirque. Pendant la représentation, ils sont chargés de changer les accessoires, nettoyer la piste, etc. Entre deux numéros, n’ayant rien de particulier à faire,  ils s’affairent à leur manière. Leurs spectateurs sont installés dans l’arène qu’ils ont posée derrière un minuscule chapiteau censé représenter le « vrai cirque ». Spectateurs ou voyeurs ? La réussite de ce spectacle est là tout entière : ces deux clowns d’un nouveau genre ont l’air tellement fatigués, tellement peu présents à ce qui se passe en dehors de leur petit monde, leurs « numéros » sont tellement dérisoires qu’ils parviennent par moment à nous faire oublier leur qualité d’artistes authentiques. Sous l’appellation « nouveau cirque » se cache beaucoup de choses différentes. Ici, on pourrait parler de cirque « contemporain », au sens du « n’importe-quoi et du presque-rien » que l’historien de l’art Jean Clair donne à « l’art contemporain ».

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Rentrée aixoise : danse, théâtre

— Par Selim Lander —

preljocaj-la-fresque-1Danse : La Fresque d’Angelin Preljocaj

Aix-en-Provence peut remercier les édiles qui ont attiré Angelin Preljocaj dans la ville et ont construit pour lui un port d’attache, le Pavillon Noir, où ses pièces sont mises au point avant d’être créées, comme c’est le cas pour La Fresque, au Grand Théâtre où il fait salle pleine à chaque représentation, non par esprit de clocher de la part des Aixois mais parce que le directeur du Ballet Preljocaj s’affirme d’année en année comme un des quelques très grands chorégraphes de ce temps. Après Retour à Berratham, l’année dernière, une pièce dans laquelle la trame narrative était donnée directement par des récitants, Preljocaj revient dans La Fresque à la forme plus traditionnelle de l’histoire sans parole. L’argument est néanmoins tiré d’un conte chinois (La Peinture murale) et la Chine est présente par quelques détails comme le choix d’une asiatique (Yurié Tsugawa) comme première danseuse ou la coiffure en chignon de son soupirant.

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Une exposition Wifredo Lam à la Tate Modern

— Par Selim Lander —

6a00d8341ce44553ef0147e39d34c8970bOn se souvient de l’exposition « Aimé Césaire, Lam, Picasso » organisée à Paris en 2011 au Grand Palais, reprise en 2013 à la Fondation Clément en Martinique à l’occasion du centenaire de la naissance du poète. Il s’agissait alors de mettre en évidence les collaborations fructueuses qui se sont nouées  entre les trois artistes : d’une part les poèmes  de Césaire écrits à partir de L’Annonciation, la série de lithographies de Lam ; d’autre part les dessins de Picasso illustrant le recueil À Corps perdu de Césaire. L’exposition qui se tient en ce moment à Londres (après Paris et Madrid) permet de prendre la mesure de l’ensemble de l’œuvre de Wifredo Lam (1902-1978) : les portraits formellement parfaits de la jeunesse, la naissance du bestiaire surréaliste qui fait aujourd’hui sa marque de fabrique, les lithographies et les toiles abstraites de la période italienne.

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Avignon 2016 (17) : « Quel petit vélo… ? »

 

Perec un extremis

— Par Selim Lander —

Perec Georges était un drôle de Quel petit vélozozo même qu’il aurait eu octante ans cette année, ou huitante, c’est selon, si des fois qu’il avait pas tiré sa révérence bien trop tôt, même qu’il est pas arrivé jusqu’au demi-siècle, lui qu’avait tant le talent pour faire immortel. Paraît qu’il était pas trop joyeux au fond de lui mais ça l’a pas empêché d’écrire pour faire marrer ses lecteurs. Et je suis pas « un psychanalyse », comme qu’il disait, mais je sais bien, moi, qu’il devait bien rigoler, lui aussi, quand il écrivait des choses comme les Choses dont je vous ai causé dans une précédente chronique. Juste en face des Hauts-Plateaux, dans ce théâtre consacré à la belgitude où ce qu’on joue Ils tentèrent de fuir, ce qui ne signifie rien mais comme je vous l’ai eu expliqué dans ladite chronique, c’est d’une modernisation des Choses qu’il s’agissait.

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Avignon 2016 (16) : « L’Illusion comique », « Oncle Vania », « La Main de Leïla »

— Par Selim Lander —

Illusion_comique_couv 1639Trois œuvres écrites pour le théâtre, par des auteurs dont il n’est pas nécessaire de vanter les mérites comme Corneille et Tchekhov, et celle d’une jeune auteure contemporaine, Aïda Asgharzadeh, qui s’est déjà fait remarquer pour sa pièce Les Vibrants.[i]

L’Illusion comique

Corneille écrivit cette pièce en 1635, un an avant le Cid. Il n’écrira plus ensuite que des tragédies (à l’exception du Menteur qui date de 1643). Cette tragi-comédie en cinq actes peut être considérée comme le type même de la pièce « baroque » à la française, avec en particulier un personnage, Matamore, directement inspiré de la Comedia dell’arte.

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Avignon 2016 (15) : « Place des Héros »

— Par Selim Lander —

place_des_heros-1Une pièce de Thomas Bernhard mise en scène par le prestigieux Krystian Lupa, on pouvait imaginer une moins bonne façon de clôturer le IN (qui a fermé ses portes le 24 juillet). Un vieux professeur de mathématiques, juif autrichien, s’est exilé en Angleterre pendant la Deuxième guerre mondiale ; de retour à Vienne après la guerre, il a constaté que rien n’avait changé, que les anciens nazis étaient toujours là sous l’étiquette de catholique ou de nationaliste ; il a, ce qui n’arrange rien, pris un appartement en plein centre, place des Héros, l’endroit même où les Autrichiens ont acclamé Hitler lors de son entrée dans la ville, en 1938. Ecœuré par l’atmosphère délétère qui règne en Autriche, il s’est résolu à regagner Oxford. Les malles sont déjà bouclées lorsqu’il se suicide. La pièce commence le jour de son enterrement.

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Avignon 2016 (14) : Het Land Nod, Rumeurs et petits jours

Par Selim Lander

Het Land NodHet Land Nod

Ce spectacle du collectif FC Bergman qui nous vient de Flandre n’est pas sans parenté avec celui d’Aurélien Bory puisque le décor joue un rôle important, avec des acteurs qui, pour certains, ont des dispositions pour la danse ou pour l’acrobatie. Et il s’agit à nouveau d’un spectacle captivant bien que sans parole. Il y a néanmoins des différences importantes. Le décor, d’abord, n’est pas mobile ; par contre il subira plusieurs dégradations au cours de la représentation. Ce décor reconstitue la grande salle d’exposition des tableaux de Rubens au musée d’Anvers. Musée en réfection, ce qui impose de décrocher les œuvres. Problème : le tableau Le Coup de lance est trop grand pour passer par la porte, comment le sortir de cette salle ? Plusieurs réponses possibles seront envisagées et expérimentées par l’un des employés du musée…

C’est le point de départ du spectacle mais il se passe bien d’autres choses dans cette salle ; bien que quasiment vide de tableaux, elle attire des visiteurs plus ou moins farfelus, sans compter le personnel du musée lui-même atypique.

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Avignon 2016 (13) : « Artaud-Mômo », « Jaz », « Hearing »

— Par Selim Lander —

artaud momoArtaud-Mômo

Ce spectacle proprement extraordinaire ne cesse de tourner et de revenir au théâtre du Chêne Noir où il a été créé en 2000 dans une mise en scène de Gérard Gelas avec Damien Rémy. Doublement extraordinaire à vrai dire et d’abord en raison du texte, celui de la fameuse Conférence du Vieux Colombier, là-même où Artaud s’était illustré comme comédien, sa dernière apparition publique. Une conférence que, à vrai dire, trop atteint par sa folie, il fut incapable de donner véritablement, tentant d’improviser quelque temps, accusant l’aliéniste de Rodez d’être responsable de son état à cause des électrochocs, avant de s’interrompre prématurément, non sans avoir plongé dans le malaise l’assistance nombreuse et choisie venue l’écouter.

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Avignon 2016 (12) : « ESPÆCE », « Looking for Alceste », « Sous la  glace »

Par Selim Lander

EspaeceESPÆCE

Le décor fait son théâtre

Le IN est un lieu d’expériences, ce qui ménage de bonnes comme de moins bonnes surprises. ESPÆCE d’Aurélien Bory fait partie des très bonnes. Son titre combine les deux termes du texte de Perec, Espèce d’Espace, dont A. Bory dit s’être inspiré, particulièrement de sa dernière phrase :

« Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes au vide qui se creuse, laisser quelque part un sillon, une trace, une marque ou quelques signes »

La proposition est très générale et l’on pourrait l’illustrer de multiples façons. Dans ESPÆCE les traces sont non-verbales et quand des chants se font entendre on n’en comprend pas les paroles. Si ce spectacle est à classer dans le théâtre d’objets, l’expression n’est pas à prendre au pied de la lettre, de la lettre « S » précisément, puisqu’il n’y a ici – en dehors du prologue, un ballet de trois barres de fer suspendues horizontalement, aussi longues que la scène de l’Opéra d’Avignon est large – qu’un seul objet, mais géant : le décor, soit au départ  un simple mur gris qui ferme toute la scène (on imagine donc son ampleur).

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Avignon 2016 (11) : « Les Créanciers », « Après la pluie », « 24 heures de la vie d’une femme », « Fight Night »

— Par Selim Lander —

affiche OFFEh non, le théâtre n’est pas encore complètement mort en Avignon ! Il existe encore des metteurs en scène et des comédiens qui bravent la mode de l’adaptation d’un roman ou autre « écriture de plateau » pour se saisir d’un bon vieux texte de théâtre, i.e. écrit pour être joué sur une scène, et essayer de le traduire fidèlement (ce qui n’interdit évidemment pas de faire preuve de modernité : la matière théâtrale n’est pas figée, le même texte peut donner lieu à bien des interprétations, et chaque époque a sa propre lecture du passé).

Même dans le IN, il peut arriver de tomber sur une (vraie) pièce de théâtre (voir notre billet n° 10 consacré au Radeau de la Méduse). C’est plus fréquent dans le OFF, sans que l’on puisse dire pour autant que ces pièces y soient les plus nombreuses, car il laisse de plus en plus de place aux adaptations d’œuvres littéraires, aux seuls en scène (comiques ou non), à la danse, au (nouveau) cirque, etc.

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Avignon 2016 (10) : « Le Radeau de la Méduse », « Wanamat Show »

— Par Selim Lander —

Le Radeau de la MéduseLe Radeau de la Méduse

Thomas Jolly intervient auprès des élèves de troisième année de l’école du Théâtre National de Strasbourg. Ils sont douze, six filles et six garçons, exactement le nombre de personnages de la pièce de Georg Kaiser, Le Radeau de la Méduse (douze auxquels il convient d’ajouter un figurant muet). Cette pièce écrite en 1942 est complètement d’actualité aujourd’hui, puisqu’elle traite des préjugés à l’encontre des étrangers, ou simplement des gens différents, du rejet de l’autre.

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Avignon 2016 (9) : « La Dictatura de lo Cool »

— Par Selim Lander —

La Dictatura de lo CoolUne troupe chilienne, La Re-Sentida, dirigée par Marco Layera, s’attaque en l’actualisant à un sujet déjà traité par Molière (la référence est explicite chez M. Layera) : comment ridiculiser les petits maîtres d’aujourd’hui, ces personnes tellement persuadées de leur supériorité qu’elles sont incapables de voir leurs ridicules. Le misanthrope, ici, est un jeune plasticien chilien qui vient d’être nommé ministre de la culture. Il invite ses amis pour fêter ça. Croient-ils, car, en réalité, le nouveau ministre veut donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Choqué par le caractère élitiste de la culture officielle (seulement dans son pays ?), il a décidé de nommer aux postes de responsabilité du ministère non pas ses propres amis – qui n’attendaient que ça – mais d’authentiques représentants de la culture populaire. Il le fait savoir sans prendre de gants au cours de la fête. L’esprit de la pièce de Molière est bien là : dénoncer des maux réels mais d’une manière tellement excessive qu’elle en devient elle-même ridicule.

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Avignon 2016 (8) : « Inconcevable silhouette du nouveau futur qui tue »

— Par Selim Lander —

Rascar CapacElie Salleron est un jeune auteur, animateur de la compagnie « Rascar Capac » (les tintinophiles apprécieront). Il a écrit au pied levé, pour occuper un créneau qui venait de se libérer dans une petite salle du OFF, un spectacle pour deux comédiens et une comédienne qui ne manque ni d’impertinence ni de pertinence. Il est en effet sinon outrecuidant du moins réellement impertinent de brocarder tout du long l’éditorial d’Olivier Py, le directeur du IN comme chacun sait, plus précisément son introduction au programme du « festival » (le festival tout court, i. e. le IN).

Verbatim : « Quand la révolution est impossible il reste le théâtre. Les utopies y attendent des jours propices, les forces novatrices y inventent encore un demain, les vœux de paix et d’équité n’y sont pas prononcés en vain. Quand Hamlet voit l’impossibilité de la révolution, il convoque le théâtre pour y faire une révolution de théâtre qui dit que tout est encore possible, qu’il faut réanimer le désir de jours enivrés de devenirs.

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Avignon 2016 (7) : « Alors que j’attendais »

— Par Selim Lander —

Alors que j'attendaisSi le IN d’Avignon est avant tout la vitrine du théâtre « contemporain », au sens formel du terme, comme on parle d’« art contemporain » en matière d’arts plastiques, il peut faire preuve également d’ouverture vers des productions de pays sans grande tradition théâtrale. Alors que j’attendais porte justement témoignage sur les drames vécus quotidiennement par les Syriens depuis cinq ans. L’auteur, Mohammad Al Attar, a construit autour du cas d’un jeune homme, Taim, plongé dans le coma à la suite d’un accident, une histoire qui fait intervenir la mère, la sœur, la petite amie, un ami. Parallèlement, un autre jeune homme, rescapé des prisons du régime raconte les sévices et autres atrocités qui y sont commises.

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Avignon 2016 (6) : « Les Damnés »

— Par Selim Lander —

Les Damnés1Cette adaptation théâtrale du scénario des Damnés de Visconti par le metteur en scène hollandais Ivo Van Hove (déjà en Avignon en 2014 avec The Foutainhead, d’après Ayn Rand) avec les comédiens de la Comédie Française est le clou de cette saison avignonnaise aussi bien selon les festivaliers que selon les critiques. Nous ne rabattrons rien de cet enthousiasme, bien au contraire.

On ne sait quoi louer en premier. Alors pourquoi pas la performance des acteurs ? Il faut dire que depuis Jean Vilar, la manière de faire du théâtre a beaucoup évolué. La nudité, par exemple, n’est pas seulement une manie d’Angélica Liddell ; elle est devenue banale, comme nous le soulignions dans nos chroniques de l’année dernière. Foin des préjugés, mais songeons ce que cela peut vouloir dire pour un acteur prestigieux et vieillissant comme Denis Podalydès de se balader complètement « à poil » sur l’immense plateau de la Cour d’honneur du Palais des papes, puis de se lancer dans une glissade à plat ventre dans une marre de bière, de se bagarrer amicalement avec un partenaire dans la même tenue (l’absence de tenue) que lui, et, pour finir, d’entrer, toujours dans le plus simple appareil mais couvert de sang, dans un cercueil.

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Avignon 2016 (5) : « Lenz », « Les Dits du bout de l’île », « La Petite Molière »

— Par Selim Lander —

LenzLenz d’après Jakob Michael Reinhold Lenz, Georg Büchner et Johann Friedrich Oberlin

Au début du spectacle d’Angélica Liddell, Qué Haré Yo, une remarque de Cioran s’inscrit sur un bandeau lumineux : les Français, selon lui, sont inaptes au romantisme, le vrai, celui des Allemands. Est-ce pour guérir cette tare que le IN d’Avignon programme si souvent des pièces inspirées par les romantiques allemands, à commencer par Hölderlin dont on a parlé ici à plusieurs reprises. Mais les pré et post-romantiques ont aussi la cote. Tel est le cas respectivement de Jakob Lenz (1751-1792) et de Georg Büchner (1813-1837). Lenz fut l’ami de Goethe, avant de se brouiller avec lui. Il eut une vie aventureuse, traversée par un inguérissable chagrin d’amour et des crises d’excitation nerveuse qu’il soignait par des bains d’eau glacée. Il fut recueilli pendant un temps par le pasteur Oberlin, lequel laissa un récit de ce séjour, récit dont Büchner tira une nouvelle (inachevée).

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Avignon 2016 (4) : « On a fort mal dormi » ; « Démons »

— Par Selim Lander —

On a fort mal dormiOn a fort mal dormi 

Pourquoi avoir changé le titre du livre de Patrick Declerck (Les Naufragés, collection « Terres humaines ») dans lequel il raconte la vie des clochards parisiens, sur la base des consultations de psychiatrie qu’il a données quinze années durant au centre d’accueil des sans abris à Nanterre ? Cet ouvrage remarquablement écrit et pourvu d’une postface valant tous les livres de philo devrait être lu par tous ceux qui s’interrogent sur notre société, sur la place qu’elle laisse aux pauvres hères qui échouent dans la rue.

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Avignon 2016 (3) : « Qué Haré Yo » d’Angélica Liddell

— Par Selim Lander —

Qué Haré Yo1Qué Haré Yo con esta Espada ?

Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Angélica Liddell ne laisse personne indifférent. Au début de Qué Haré Yo con esta Espada ? (Approximación a la ley y al problema de la belleza), histoire de nous mettre dans l’ambiance, un homme vêtu d’une toge traverse la scène, laisse tomber son vêtement et apparaît entièrement nu. Puis A. Liddell apparaît, vêtue d’un robe en lamé dorée. Elle se juche sur une sorte de comptoir de cuisine, relève sa robe et les jambes bien écartées comme une parturiente, exhibe devant le public son sexe complètement épilé. Par la suite, on la verra, rhabillée et le plus souvent seule sur la scène, déclamer ou plutôt crier son texte en espagnol (sur-titré) dans un micro sur un rythme accéléré.

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Avignon 2016 (2) : « Un Tramway nommé désir », « Ils tentèrent de fuir », « 6 a.m. »

— Par Selim Lander —

TramwayUn Tramway nommé désir 

En attendant d’assister au spectacle grec curieusement nommé 6 a.m. – How to disappear Completely et qui se tient en fait à 6 p.m. (18 h), nous nous sommes laissé tenter par le Tramway… de Tennesse Williams, attiré en particulier par la tête d’affiche, Francis Lalanne, dans le rôle de Kowalski, le mari de Stella, la sœur de Blanche. Stella est la figure centrale de la pièce, celle autour de qui se noue la rivalité entre les deux autres protagonistes. Mais Stella n’intéresse pas le spectateur : elle est trop sage, trop lisse, trop naïve. Il en va autrement des deux autres, les faux durs, Kowalski, dit « le Polak » par Blanche, un être frustre mais dont les colères sont dévastatrices, et Blanche, dite « dame Blanche » par Kowalski, élégante, hautaine avec l’humour qu’il faut et un physique à damner un saint. Ils ne sont pourtant que de faux durs comme la pièce le fait découvrir progressivement.

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Avignon 2016 (1) : Bonjour « Tristesses »

— Par Selim Lander —

TistessesPremier contact avec Avignon après l’introduction aixoise (notre précédent billet) et la demi-finale de la coupe d’Europe de football gagnée par la France avec une étonnante facilité malgré des débuts plutôt laborieux. Débuts laborieux, c’est ce que l’on a envie de dire également à propos de Tristesses, la pièce écrite et mise en scène par Anne-Cécile Vandalem, à la tête de la compagnie « das Fraulein » (laquelle, comme le nom ne l’indique pas, est belge). L’argument relève du théâtre politique : soit « Tristesses », une île danoise anciennement vouée à l’élevage, ruinée à la suite de la faillite de l’abattoir et presqu’entièrement vidée de ses habitants.

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Prélude à Avignon : Warilkowski à Aix

— Par Selim Lander —

Haendel Warilkovski1En Provence, la saison des festivals vient de commencer. Aix qui a ouvert le ban programme du 30 juin au 20 juillet sept opéras ou oratorios ; Arles propose 40 expositions de photos du 4 juillet au 25 septembre ; quant à Avignon, auquel nous consacrerons les billets suivants, c’est du 6 au 24 juillet la débauche habituelle avec plus de 1400 pièces de théâtre ou « seuls en scène » dans le OFF (record battu) et quelques dizaines de spectacles dans le IN. Et c’est sans compter avec les a-côtés : projections, rencontres entre professionnels et avec le public, débats, et, spécifiquement à Aix, les concerts, récitals et autres « master classes ».

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Ouverture du Festival de FDF 2016 – « Etat de siège » : une re-création

— Par Selim Lander —

Etat-de-siège-Le festival de Fort-de-France s’est ouvert hier vendredi 1er juillet par la représentation de L’Etat de siège d’Albert Camus dans la version courte de Charlotte Rondelez. La soirée inaugurale s’est poursuivie après le spectacle, en plein air, face au Théâtre municipal, par de la musique, de la danse et du théâtre burlesque. Voici ce que nous écrivions après avoir découvert la pièce à Paris au printemps 2014 :

Lors de sa création, en 1948, par Jean-Louis Barrault, avec vingt-cinq comédiens, L’Etat de siège (avec l’article défini) ne remporta pas le succès escompté. La version de Charlotte Rondelez (sans l’article défini), raccourcie et condensée sur treize personnages et six comédiens, rencontre pour sa part un durable succès. Si 2013, l’année du centenaire de la naissance d’Albert Camus, n’a pas permis de revisiter son théâtre comme on eût pu l’espérer (1), il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il est donc encore temps de saisir l’occasion de ce qui sera, pour la plupart des spectateurs, une découverte de Camus auteur de théâtre.

Etat de siège traite avec drôlerie un sujet infiniment grave.

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RCM – Trois films de la sélection officielle, Cannes 2016 : « Ma Loute », « Elle » et « The Neon Demon »

— Par Selim Lander —

Ma LouteLes RCM sont l’occasion de découvrir quelques films présentés à Cannes. On a dit ici tout le bien qu’on pensait de Paulina, couronné par la Semaine de la critique. Les cinéphiles trouveront moins leur compte avec la sélection officielle (ce qui est souvent le cas mais particulièrement ici).

Ma Loute, de Bruno Dumont a divisé la critique. Il est vrai que B. Dumont est un cinéaste atypique (les anciens spectateurs du cinéma d’art et essai se souviennent de La Vie de Jésus, 1997) qui ne laisse pas indifférent. Ma Loute est dans la même veine que sa série télévisée, Petit Quinquin – qu’on a pu voir ici sur la TNT en clair. S’il s’agit à nouveau d’un portrait sans aucune concession, le sujet a changé : des paysans du nord aujourd’hui, on est passé à la Belle Époque et à la bourgeoisie en villégiature au bord de la mer. Portrait sans concession ou plutôt caricature non seulement des bourgeois mais tout autant des autres personnages qui tournent autour : une famille de pêcheurs et quelques policiers.

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