Étiquette : Selim Lander

Avignon (7) « Saigon », « Les Assoiffés », « Sujets à vif »

Saigon de Caroline Guiela Nguyen (IN)

— Par Selim Lander —

L’écriture de plateau est un exercice à haut risque mais il arrive que cela fonctionne et tel est le cas ici. Saigon est le fruit de deux années de travail d’enquête, d’abord  à Paris dans le XIIIe arrondissement puis à Saigon, avant l’écriture en commun. Le résultat est à la hauteur de l’investissement et la pièce est appelée à un grand succès comme en témoignent aussi bien le public d’Avignon dont l’intérêt ne s’est pas départi pendant les quatre heures du spectacle dans une salle pourtant inconfortable que le nombre de dates déjà programmées à la suite du festival.

La pièce se situe tantôt en 1956 à Saigon puis à Paris juste avant et juste après l’exil d’un certain nombre de Vietnamiens dans les fourgons des Français, tantôt en 1996 à Paris et à Saigon (Ho Chi Minh-Ville), cette année-là étant celle où les Viet kieu (Vietnamiens émigrés ou enfants d’émigrés) ont pu revenir en touristes au pays. On voit donc deux générations, celle des exilés et celle des enfants.

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Avignon 2017 (6) « Huis Clos », « Sopro »

— Par Selim Lander —

Huis Clos de Jean-Paul Sartre (OFF)

Le théâtre de Sartre résiste mieux que celui de Beckett. C’est en tout cas ce qui résulte de la confrontation de Oh ! les beaux jours (voir notre billet précédent) et de Huis Clos. Depuis Sartre, pourtant, l’enfer a été choisi comme cadre de plusieurs autres pièces et l’on pourrait croire le thème éventé. À voir l’interprétation proposée par les trois comédiens de la compagnie « Les Eclats de lettres » (basée en Bretagne) présents au festival (la compagnie a donné la pièce déjà plus d’un millier de fois et les comédiens se relaient), il n’en est rien. Ils ont le physique de l’emploi – ce qui importe au théâtre – et sont tous les trois parfaitement bien dans leur rôle : celui qui joue Garcin, lequel voudrait bien se faire passer pour un brave type ; celle qui joue Inès, la demoiselle de la poste, aigrie et haineuse ; enfin Estelle, la jolie aristocrate qui commence par faire sa sainte nitouche mais ne cachera pas longtemps son cynisme foncier. 

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Avignon 2017 (5) « Unwanted », « Oh ! les beaux jours »

Par Selim Lander

Unwanted de Dorothée Munyaneza (IN)

Dorothée Munyaneza est rwandaise. Elle a un port de reine, la démarche d’une danseuse, elle n’est que grâce et élégance. Ses créations portent sur son pays, sur le génocide des Tutsis. Dans Unwanted elle fait parler des mères ayant accouché d’un enfant conçu lors d’un viol, un enfant non désiré, unwanted. Les femmes dont elle a recueilli les propos s’expriment en langue vernaculaire ; D. Munyaneza en donne la traduction simultanée. Mais il y a bien plus dans cette pièce que ces témoignages, des moments d’une rare intensité, à commencer par celui où la comédienne mime un tueur ivre de fureur et de violence. Vêtue d’une combinaison unisexe qui nous percevons à ce moment-là comme une tenue militaire, elle se pavane, saute d’un bord à l’autre du plateau, éructe, se fait menaçante avec un pilon de mortier qui lui sert à frapper de grands coups sur le plancher de la scène : tout cela dans une sorte de transe sauvage étonnante de vérité. Et l’on peut en effet supposer que les guerriers qui commettent des atrocités – les islamistes de Daech aujourd’hui, les auteurs du génocide rwandais hier – se trouvent dans un état de transe et/ou sous l’emprise d’une substance altérant le jugement lorsqu’ils accomplissent leurs crimes abominables. 

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Avignon 2017 (4) « Antigone », « Jaz »

— Par Selim Lansder —

Antigone de Sophocle (IN)

L’Antigone présentée dans la cour d’honneur du Palais des papes par le Japonais Satoshi Miyagi est le spectacle phare de cette édition du festival. Avouons tout de suite que notre jugement reste mitigé. Miyagi a déclaré qu’il voulait réaliser non une tragédie mais « une fête pour apaiser les esprits ». Les spectateurs, de fait, sont apaisés, peut-être trop ! Car la beauté plastique, indéniable, de ce spectacle ne peut pas faire oublier à elle seule la faiblesse du texte de Sophocle, d’autant que la mise en scène joue sur la lenteur, le hiératisme, toutes choses qui peuvent lasser à la longue.

Faible, le texte de Sophocle ? Voilà qui risque de faire hurler, s’agissant d’un des mythes fondateurs de notre imaginaire. Qui ne connaît l’histoire d’Antigone qui se sacrifie au nom de l’idée qu’elle se fait de son devoir ? Mais cette idée est-elle juste ? Antigone n’est-elle pas simplement une jeune personne têtue qui s’obstine à avoir raison contre tout le monde ? On en discute encore (et en particulier dans le texte d’Anouilh).

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Avignon 2017 (3) « Tabula rasa », « Le Sec et l’Humide »

Tabula rasa de Violette Palaro (OFF)

— Par Selim Lander —

Que faut-il pour avoir du bonheur au théâtre ? Nul besoin d’une grosse machine, c’est-à-dire d’une foule de comédiens et de figurants se mouvant dans des décors impressionnants à grand renfort de micros et de vidéos. Non que l’on ne puisse pas avoir du bonheur aussi avec le théâtre qui en met plein la vue et les oreilles mais l’on peut en éprouver un tout aussi grand dans une petite salle face à quelques comédiens (voire un seul) sur un plateau nu avec un minimum de décor et sans le moindre artifice technique. Le festival d’Avignon permet la confrontation des deux genres, le IN produisant régulièrement des « grosses machines », ce que le OFF ne saurait faire : question de moyens ! 

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Avignon 2017 (1) « Adieu Monsieur Haffmann », « Das Leben des Herrn de Moliere »

— Par Selim Lander —

Adieu Monsieur Haffmann de Jean-Philippe Daguerre

On ne saurait rêver de mieux découvrir cette nouvelle édition du festival d’Avignon que par la pièce de Jean-Philippe Daguerre, véritable bijou de théâtre. Et c’est  le cas de le dire puisque Adieu Monsieur Haffmann se déroule dans une bijouterie, plus précisément tantôt dans l’appartement des propriétaires, au-dessus, tantôt à la cave, au-dessous. L’argument peut paraître quelque peu scabreux. Pendant la deuxième guerre mondiale, un bijoutier juif, Joseph Haffmann, échange les rôles avec son employé, Pierre Vigneau. L’entreprise apparaîtra ainsi officiellement aryanisée tandis que son propriétaire se cachera à la cave. L’employé, cependant, pose une condition : comme, atteint de stérilité, il est dans l’incapacité de donner à sa femme l’enfant qu’elle désire, il demande à son ex-patron, déjà père de deux enfants (réfugiés en Suisse avec leur mère) de mettre sa femme enceinte !

On imagine aisément ce que certains amuseurs professionnels feraient d’un sujet pareil. La pièce de J.-Ph. Daguerre est tout le contraire : aucune vulgarité, des sentiments pleins de pudeur et de délicatesse, ce qui n’empêche pas aux douleurs de s’exprimer.

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Lectures : « La Jupe de la rue Git-le-cœur » de J.-D. Desrivières ; « Frantz » de M. Herland 

Vendredi 30 juin, 20 heures – à L’Œuf-Maison d’artistes, rue Garnier Pagès, Fort-de-France

Jean-Durosier Desrivières revisite « l’audience »

Jean-Durosier Desrivières est connu comme poète, avec deux recueils publiés chez Caractères (2). Il est également l’auteur, pour le théâtre, de deux pièces brèves (3). La jupe de la rue Gît-le-Cœur met en scène deux personnages, « l’écrivain » et « l’audienceur », sans qu’il y ait pour autant dialogue, la dérive verbale du premier – qui accompagne sa dérive pédestre au quartier latin, en quête des bureaux de l’éditeur auquel il entend proposer un manuscrit – nourrissant les propos de l’audienceur, une figure de la société haïtienne, pas tout-à-fait un conteur, plutôt un affabulateur qui brode à loisir sur des faits réels.

Le monologue de l’écrivain s’alimente à plusieurs sources, parmi lesquelles la topographie du quartier latin, bien sûr, mais encore les passants et surtout les passantes dont il remarque qu’elles sont toutes, ou presque, en ce printemps, vêtues des mêmes pantalons blancs (« Trop de pantalons blancs, me suis-je dit. Et trop de mauvaise fesses dans ces pantalons blancs.

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Sympathique hommage de la Martinique à Josy Michalon

Par Selim Lander

Josy Michalon est présentée à juste titre comme une figure historique de la danse martiniquaise. Elle a enseigné en effet pendant plusieurs décennies la danse traditionnelle au SERMAC. Elle est surtout celle qui l’a affranchie « du carré et du cercle », l’a adaptée au plateau rectangulaire des salles de spectacle avec les entrées et sorties sur les côtés, l’utilisation de la diagonale et des plans successifs depuis l’avant-scène jusqu’au fond de scène.  Tout cela sans trahir la gestuelle traditionnelle, même si elle ne s’interdit pas à l’occasion – et cette soirée en était une – d’introduire des éléments de modernité dans ses chorégraphies.

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« Public or not public » : une histoire loufoque et participative du théâtre

— Par Selim Lander —

Quatre garçons dans le vent, quatre comédiens plein de verves interprètent un texte-montage de Carlo Boso, un panorama diachronique des pratiques théâtrales depuis les Grecs jusques à aujourd’hui avec prologue et final préhistorique. Loufoque, dans un style très comedia del arte – au-delà du tableau à icelle consacrée – avec masques et balais (pas ballet, balais !) et aussi bien épées (ou poignards) et perruques aussi souvent que nécessaire. Ceci dit, Public or not public n’est pas un cours sur le théâtre, non solum parce qu’il y manque quelques étapes essentielles (le théâtre classique français du XVIIe siècle, Beckett et bien d’autres du même acabit) sed etiam parce que toutes les pièces mobilisées pour la circonstance sont traitées sur le même mode fantaisiste. Telle est au demeurant la seule critique que nous élèverons contre ce spectacle : le théâtre est si divers – lyrique, tragique, dramatique, burlesque, … – qu’il est affreusement réducteur de le regarder uniquement à travers une grille comique ! À s’en tenir aux extraits des pièces retenues dans la trame de Public or not public (Hamlet, Othello, Cyrano), les occasions de montrer tous les sentiments mis en exergue par le théâtre ne manquaient pourtant pas.

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Courtes Lignes présente : « Le Repas des fauves » de Vahé Katcha

— Par Selim Lander —

Que fait le théâtre de boulevard sinon nous amuser de situations dramatiques, susceptibles a priori de donner plus à pleurer qu’à rire ? Le ressort le plus courant, dans le vaudeville, consiste à se moquer d’un cocu, en usant largement du procédé dit de « l’ironie » : tout le monde est au courant, y compris les spectateurs, de ce que le mari malheureux ignore encore. Cependant, comme le thème est éculé à force d’avoir servi, les auteurs ont dû explorer d’autres voies. Pour ne prendre qu’un exemple, emprunté à Guitry, dans la pièce mystérieusement intitulée Le KWTZ[i], lorsque le mari cocu apparaît, tout à fait à la fin, il n’ignore déjà plus qu’il est trompé par sa femme avec son meilleur ami et la pièce joue sur un autre ressort, principalement un faux suicide des amants et, accessoirement, lorsque le mari paraît enfin, sur l’incertitude quant au comportement qu’il adoptera à leur égard.

Si cette pièce tourne encore autour du cocuage, le thème n’intervient plus guère, ou alors de manière anecdotique, chez les auteurs contemporains. Tel est le cas dans Le Repas des fauves où le mari découvre que sa jeune épouse n’est pas tout à fait l’oisillon de la dernière couvée qu’il croyait.

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« Mi-chaud – Mi-froid » de Catherine Dénécy : emballant !

Plus (in fine) Solitude, Le Collier d’Hélène

Par Selim Lander

Une danseuse comme Catherine Dénécy, ça ne court pas les rues. Cette fille au gentil minois et au teint de sapotille est un joyau ! Elle a la grâce, la force, une endurance qui paraît sans limite, le tout allié à une technique impressionnante. Ce n’est pas tout car elle est également comédienne : son visage constamment expressif passe à volonté de la séduction à l’intimidation, elle plaisante, invective… Qu’on permette à un habitué des créations de Preljocaj et surtout des pièces présentées par ses invités au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence, au format davantage comparable à celle de C. Dénécy, de réitérer que cette danseuse est vraiment exceptionnelle, un pur joyau, du genre diamant, tant sa chorégraphie peut paraître parfois tranchante. En réalité, elle semble capable de tout faire, par exemple danser comme une forcenée dans des escarpins pendant le premier quart d’heure, au point de faire douter le spectateur tout ébaubi de ce qu’il voit. On imagine la somme de travail derrière cette virtuosité mais que serait le travail sans un talent ici éclatant ?

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« Cette guerre que nous n’avons pas faite » de Gaël Octavia

— Par Selim Lander —

Après L’histoire du royaume de Mirpou de Stanislas Sauphanor, une pièce lauréate du concours jeune public d’ETC-Caraïbe présentée récemment à l’Atrium, voici une autre pièce couronnée cette fois par le prix ETC-Caraïbe Beaumarchais. On ne peut que saluer la chance qui est ainsi donnée aux jeunes auteurs antillais qui se sont fait remarquer par la qualité de leurs textes de les voir montés et joués devant leur public, ce qui ne les empêche pas de se produire également sous d’autres cieux.

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« L’Autre Rive » de Ulises Cala

11, 12, & 13 mai 2017 à 19h30 au T.A.C.

— Par Selim Lander —

« Jusqu’où faut-il aimer ? Il faudrait un manuel pour expliquer cela. »

Cette phrase prononcée par un homme qui va émigrer en abandonnant sa fille n’est qu’un aspect d’un texte qui brasse toutes sortes de sentiments, de sensations, depuis les jeux amoureux pleins de malice jusqu’à la désespérance profonde en passant par les moments d’attente indécise hantés par la crainte des « persécuteurs ». Nous sommes sur une île, Cuba sans nul doute, entourée d’une « mer interdite ». La télévision qu’on entend parfois s’exprime en espagnol (« la télévision est une chose répugnante » répètera l’homme à plusieurs reprises).

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Mirpou au royaume des enfants

Précédé de quelques considérations sur la politique culturelle

— Par Selim Lander—

Du théâtre jeune public à l’Atrium, c’est non seulement rare mais précieux à voir l’affluence à la représentation programmée à 17 h un samedi après-midi, jour et heure bien choisis au demeurant pour attirer les petites têtes brunes ou blondes et leurs parents. Il n’est jamais trop tôt pour donner le goût du théâtre, aussi ne peut-on que souhaiter que de telles séances deviennent plus fréquentes.

En cette période d’élection présidentielle, les institutions culturelles sont sur la sellette. Aucun des deux candidats restant en lice ne semble décidé à pérenniser sans examen un système où les institutions culturelles à caractère plus ou moins officiel captent la quasi-totalité (85%) du budget du ministère de la Culture. La question récurrente est celle du public qui fréquente ces institutions, un public que l’on sait culturellement favorisé. Car si des solutions existent pour faire accéder le public « populaire » à la culture « noble », elles n’ont jamais été mises en œuvre avec la vigueur nécessaire. Le slogan – magnifique – de « la culture élitaire pour tous » est malheureusement resté un slogan.

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D’ de Kabal rhétoricien

Variations sur « l’intégrisme masculin »

Par Selim Lander

Les Martiniquais connaissent bien D’ de Kabal qui s’est produit plusieurs fois chez nous… ou croyaient bien le connaître. Il se présente cette fois dans un seul en scène qui révèle d’autres facettes de son talent. Dans ce nouveau spectacle intitulé L’Homme-femme – les mécanismes de l’invisible, dont il a écrit le texte et assuré la M.E.S., il joue en effet moins que d’habitude avec un micro et exploite moins la tessiture étonnamment grave et métallique qu’il est capable d’atteindre. Il parle d’abondance, le plus souvent à voix nue, et cultive un registre intime. Il se présente tout d’abord vêtu seulement d’une jupe blanche qui crée un contraste pour le moins déroutant avec la barbe fournie et le corps massif. Malaise… lequel se trouve renforcé quand il entame son discours en dénonçant le mauvais procès qui est fait aux musulmans lorsqu’on leur demande de se désolidariser publiquement des djihadistes. À ce compte, en effet, on pourrait tout autant dénoncer le mauvais procès qui est fait aux Français dits « de souche » dont on exige repentance pour les crimes commis par leurs ancêtres colonialistes et esclavagistes…

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Albert Cohen black-blanc-beur

— Par Selim Lander —

Un texte contre le racisme, un récit, pas une pièce de théâtre. Un vieil homme se remémore un incident de son enfance au cours duquel il s’est découvert brutalement autre que celui qu’il croyait, un être susceptible de provoquer la haine et le mépris ; dans sa logique enfantine, il a conclu qu’il était sans doute méchant pour être maltraité ainsi, sinon lui du moins sa race. Cela se passait à Marseille, tout-à-fait au début du XXe siècle. Sa famille s’est installée depuis peu dans le midi de la France, un pays qu’il idéalise, qu’il idolâtre même s’il faut en croire son récit, au point d’installer sur une étagère de l’armoire de sa chambre une sorte d’autel couvert de reliques des gloires de la France telles qu’il peut les percevoir, à neuf ans, jusqu’à un sachet de terre des colonies acquis auprès d’un de ses camarades d’école, graine d’escroc ! Au retour de l’école, le petit Albert s’est arrêté pour écouter un camelot dont il admirait la faconde, l’art de manier cette langue française tant aimée. Las, le bonimenteur a repéré bien vite en lui un « youpin », le lui a fait savoir et lui a enjoint de déguerpir.

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L’atelier d’écriture théâtrale de Paul Emond

— Par Selim Lander —

L’association ETC-Caraïbe (« ETC » pour Ecriture Théâtrale Contemporaine), basée en Guadeloupe et en Martinique, organise chaque année un concours d’écriture destiné alternativement aux adultes et aux lycéens, systématiquement préparé par un atelier d’écriture sous la houlette d’un auteur confirmé. Cette année vient le tour des adultes (voir les modalités du concours sur le site d’ETC-Caraïbe). Après une première session en Guadeloupe lors de la semaine du 3 avril, ce fut le tour de la Martinique du 10 au 14 avril, à raison de 6 heures par jour. Le but de ces ateliers est double : développer la créativité des participants tout en leur fournissant des outils indispensables pour réussir une pièce de théâtre (chacun comprendra, en effet, qu’on n’écrit pas une pièce comme un poème ou un roman). De surcroît, le fait de rassembler plusieurs auteurs dans un même lieu pendant une durée conséquente permet de découvrir d’autres imaginaires et d’autres langues, éventuellement de s’en nourrir – ce qui n’empêche pas que chacun garde sa personnalité propre.

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Les contes merveilleux d’Alexis Michalik

— Par Selim Lander—

Le Porteur d’histoire

Alexis Michalik a reçu deux Molières en 2014 en tant qu’auteur et metteur en scène de cette pièce. Autant dire qu’on n’allait pas rater Le Porteur d’histoire de passage pour une seule soirée en Martinique. Et l’on n’a pas été déçu. La pièce est en effet très bien construite avec une histoire prenante bien que (ou parce que) passablement fantaisiste et des comédiens à la hauteur (pas tous la même, cependant…)

Les amateurs de théâtre connaissent sans doute la pièce d’Aristophane qui met en scène une certaine Lysistrata, initiatrice de la grève du sexe… C’est sans doute le point de départ de l’invention par Michalik des « Lysistrates », cette lignée des femmes qui aurait accumulé richesse et pouvoir tout au long des siècles. Un mauvais garçon de notre XXIe siècle commençant a eu vent de l’existence de leur trésor et se lance à sa recherche.

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Piano classique à l’Atrium

— Par Selim Lander —

Dans toutes les époques les vieux réactionnaires ont été inaudibles et même ridiculisés. Qu’on permette quand même à l’un d’entre eux d’exprimer son bonheur (nul n’est obligé à le lire). Oui, ce fut un bonheur d’écouter enfin, pour la première fois en Martinique lors de cette saison 2016-2017, un instrument, le piano en l’occurrence, dans toute sa pureté ou sa simplicité, comme on voudra. Car si nous avons déjà entendu cet instrument pendant le festival de jazz, il était systématiquement amplifié, à l’instar des autres instruments, comme si désormais, pour les musiciens d’aujourd’hui, l’important avant toute chose était d’en mettre plein les oreilles des auditeurs. Il y eut certes des moments de grâce : parfois, dans ces concerts, le batteur a accepté de se calmer, les guitares et basses électriques se sont tues, et l’on a pu avoir une idée de ce que furent les petites formations de jazz d’antan lors d’un bref solo du piano ou un duo piano-contrebasse avec ou non accompagnement discret de la batterie. Si ces instruments restaient amplifiés, au moins le bruit avait-il cessé.

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RCM 2017 – Suite (3)

Moonlight, Neruda

— Par Selim Lander —

Moonlight de Barry Jenkins

Oscar du meilleur film cette année, il n’est pas surprenant que la projection en VO dans le cadre des RCM ait fait le plein des spectateurs. On a tellement parlé de ce film dans les médias, avant même qu’il ait reçu l’oscar, que l’on pouvait avoir l’impression de l’avoir déjà vu. Il n’en est rien, évidemment, et, de toute façon, un bon film se laisse voir et revoir. Or Moonlight est incontestablement un bon film.

Une réserve préalable, cependant, concerne la manière dont des esprits fragiles risquent d’interpréter le film. Que montre-t-il en effet ?
– Le petit Chiron (c’est le nom du héros), un enfant noir du ghetto de Miami, maltraité par la vie ne trouve de réconfort qu’auprès de Juan, un dealer (prospère chef de réseau) au grand cœur et de la compagne d’y-celui.

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RCM 2017 – Suite (2)

Les Malheurs de Sophie, Swagger, The Fits

— Par Selim Lander —

Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré

Mercredi oblige, des films pour enfants sont programmés. Dommage que les parents des petits Martiniquais n’aient pas le réflexe de vérifier s’il n’y a pas une projection pour eux tel ou tel mercredi à l’Atrium. C’était le cas ce 22 mars dans le cadre des RCM, avec un dessin animé suivi des Malheurs de Sophie joués quant à eux par des comédiens en chair et en os dans les décors (réels) et les costumes de l’époque. Seuls les animaux sauvages (écureuil, hérissons et grenouille) sont des personnages de dessin animé incrustés dans les images du film. Du beau travail, un peu froid cependant, les bêtises de Sophie s’enchaînent les uns après les autres comme une série de sketchs sans lien entre eux (ainsi que dans le roman de la comtesse de Ségur). Les malheurs véritables (les deux parents de  Sophie sont morts en Amérique) sont rapidement relatés par la maman de Camille et Madeleine. Puis c’est le retour de Sophie avec son horrible belle-mère, qui est, lui, filmé jusqu’au dénouement.

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RCM 2017 – Suite (1)

Jazmin et Toussaint, La Danseuse

— Par Selim Lander —

Jazmin et Toussaint de Claudia Sainte-Luce

Un film d’auteur autobiographique dans lequel la réalisatrice s’est d’autant plus investie qu’elle interprète elle-même son propre rôle. Claudia Sainte-Luce est mexicaine mais de père haïtien. Elle a avec ce dernier des rapports compliqués. Lorsqu’il tombe malade, elle s’en occupe plus par devoir que par amour filial véritable. Il faut dire que le père, autoritaire, et qui s’enferme de plus en plus dans son monde à partir du moment où son esprit commence à partir à la dérive, ne laisse guère entrevoir de tendresse.

La volonté de Cl. Ste-Luce de coller à la réalité l’empêche de développer un scénario débouchant sur autre chose que la situation posée au départ. Il y a bien quelques échappées sur la vie privée de la jeune femme, son (ses) boulot(s), ses amis et sur la vie passée du père (qui a passé sa jeunesse en Haïti, a vécu à New-York, au Venezuela avant le Mexique) mais le film prend très souvent la forme d’un huis-clos entre père et fille.

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RCM 2017 – premiers aperçus

Le Christ aveugle, Relève, histoire d’une création, Your Name

— Par Selim Lander —

L’abondante programmation des RCM 2017 est telle qu’elles ne cèdent rien à bien des festivals de cinéma : 36 longs métrages, dont 6 documentaires auxquels s’ajoutent 10 courts-métrages de la dernière Semaine de la critique ou de la sélection ADAMI (Cannes 2016), plus 8 courts métrages caribéens, des courts-métrages d’animation des élèves de l’École des Gobelins, 16 vidéo-clips, etc. et enfin, last bust not least, deux films pour les chères petites têtes noires (ou blondes). On espère que les Martiniquais mesurent bien la chance qui est la leur. En attendant, soulignons qu’un modeste chroniqueur ne saurait y suffire et pas davantage la tout aussi modeste équipe des critiques de madinin-art, d’autant plus qu’elle se trouve, en cette période cruciale, privée de son chef, le valeureux et talentueux Roland Sabra. Nous ferons donc ce que nous pourrons. Voici, en attendant la suite, une première moisson de films.

Le Christ aveugle de Christopher Murray

Commençons par le dernier visionné, celui qui est le plus frais dans notre tête, et certainement pas le moins intéressant.

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« Le Journal d’une femme de chambre », version minimale

Par Selim Lander

Le roman d’Octave Mirbeau est l’un de ceux qui ont « fait époque » au double sens où ils ont marqué les contemporains et où ils sont un reflet si fidèle de leur temps (aussi fidèle que peut l’être un roman) qu’ils prennent aux yeux des générations futures valeur de témoignage. Ceci explique que Le Journal d’une femme de chambre ait fait l’objet de plusieurs adaptations successives. Au cinéma, Jeanne Moreau et plus récemment Léa Seydoux ont rencontré un grand succès dans le rôle titre.

Le cinéma est incontestablement avantagé par rapport au théâtre car il peut reconstituer l’environnement des personnages avec une précision quasi parfaite. C’est en particulier le cas avec le film de Benoît Jacquot (avec Léa Seydoux – voir la photo) qui nous transporte dans l’univers de la Belle Époque comme si nous y étions. Or les objets pèsent lourd dans cette histoire : cirer les bottes, faire les lits, plier le linge, astiquer l’argenterie, servir à table, c’est le quotidien d’une femme de chambre. Comment faire spectacle (et non littérature) de ce quotidien sans montrer tous ces objets ?  

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Vénus et Adam

Par Selim Lander

Tous les grands prix Beaumarchais/ETC-Caraïbe ne se ressemblent pas : telle était la réflexion que l’on pouvait se faire en assistant pendant deux longues heures à la pièce d’Alain Foix (lauréat du prix 2004) qui mêle l’enquête policière et journalistique, la romance interraciale, les rites sanguinaires, la Tamise, Scotland Yard, le panthéon yoruba, la mythologie grecque, The Times, Libération et les dissections d’une médecin légiste à l’esclavage, à la vénus hottentote et aux saumons qui remontent les rivières. Non qu’on soit contre les mélanges de genres, au contraire, mais ici tout cela nous a paru plaqué et artificiel. On cherche – pardon, nous avons cherché – en effet vainement dans la pièce « l’alliance d’une esthétique brillante profondément humaniste [qui] fait merveille dans le roman [tiré de la pièce] » d’après le site Evène. (1)

Loin de briller, en effet, les dialogues ont semblé surtout plats et les bons mots désolants. On s’excuse ici auprès du lecteur, il faudrait en citer au moins un de ces bons mots mais, trop accablé par ce que nous étions en train de voir et d’entendre, nous n’en retînmes aucun.

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