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Nouvelle crise de la vie chère en Martinique : faut-il que tout change pour que rien ne change ?

— Par Jean-Michel Salmon, Maître de conférences en économie, Faculté de Droit et d’Economie de la Martinique, expert des petites économies insulaires.—

La vie est chère à la Martinique ; très chère, trop chère. Savez-vous pourquoi ?

C’est parce que nous sommes obligés, je dis bien obligés de n’acheter que les marchandises européennes qui sont déjà chères, par elles-mêmes et qui deviennent encore plus chères du fait que, pour arriver jusqu’à nous, elles sont obligées de franchir 7000 km de mer en payant le frêt le plus cher du monde.
Ne croyez-vous donc pas que ce serait une bonne chose que les martiniquais aient le droit de commercer librement avec leurs voisins immédiats. L’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, les Antilles-Guyane. Est-ce qu’ils ne devraient pas par exemple, avoir le droit d’acheter à côté pour 9 F ce qu’à l’heure actuelle ils sont obligés d’acheter en Franc 18 F ou 20 F ? Et bien ça, ça s’appelle LA LIBERTE COMMERCIALE.

Aimé Césaire, 24 février 1978, Discours des Trois Voies ou des Cinq Libertés

La nouvelle crise de la vie chère en Martinique a atteint un paroxysme de violence.

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« Amitiés créoles »

— Par Patrick Singaïny, essayiste —

La dernière fois que j’ai échangé avec mon ami Roger de Jaham, c’était en février dernier, à La Réunion, où je suis retourné vivre en 2009, après 10 années passées en Martinique. Il n’était plus chef d’entreprises, je n’étais plus journaliste pour l’hebdomadaire Antilla. Il se rendait régulièrement dans l’Océan Indien, et nous trouvions toujours un moment pour savourer un repas au cours duquel nous confrontions nos points de vue et analyses, à travers différents sujets.

Le ton était toujours très amical et enjoué. Habituellement, il commençait par me raconter longuement et avec plaisir ce que j’étais supposé avoir raté des dernières nouvelles martiniquaises. Puis il se mettait dans la peau du président de l’association « Tous Créoles » auquel j’avais consacré un article dès sa création, dont les propos de l’époque étaient partagés entre vifs enthousiasme et petits doutes. Février dernier à la fin d’un long petit-déjeuner pendant lequel nous nous étions réjouis des changements profonds dans le cours de nos vies respectives, l’ami a voulu s’adresser davantage à l’essayiste. Roger de Jaham disait préférer une bonne conversation avec un spécialiste plutôt que la lecture de son livre.

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60 ans d’Europe : nou ront sa ?

— Par Roger de Jaham —

Le Traité de Rome signé le 25 mars 1957 par six pays (l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas) a jeté les bases de l’Union Européenne (UE), qui aujourd’hui regroupe 28 nations* et compte pas moins de 510 millions d’habitants, constituant ainsi le premier marché économique mondial.

Au-delà des chiffres, ce projet -unique dans l’histoire de l’humanité- a surtout garanti la paix à des millions de femmes et d’hommes pendant plus de 60 ans, une première dans l’histoire européenne. Il a aussi apporté la liberté à des millions d’Européens des pays de l’est, qui ont durement souffert sous les dictatures communistes. C’étaient là les objectifs premiers du Traité de Rome, qui évoquait uniquement « les sauvegardes de la paix et de la liberté » par une coopération économique élargie.

C’est dans l’Acte unique (1986) que les États-membres se sont déclarés « décidés à promouvoir ensemble la démocratie en se fondant sur les droits fondamentaux ».

Enfin le traité de Lisbonne (2007) a précisé les valeurs de l’Union européenne, à savoir « le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ».

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Syriens, nou kontan wè zot !

— Par Roger de Jaham —
syriens_refugiesDevant l’afflux massif de réfugiés en Europe, la plupart des pays se sentent étouffés, pris au dépourvu, piégés, sans réponses adéquates, en position instinctive de rejet. La République fédérale d’Allemagne (RFA), au contraire, a été prompte à saisir tout le profit à long terme qu’elle pouvait espérer de cette immigration.
Sans nier la dimension humanitaire de sa vision (Angela MERKEL est issue de l’Allemagne de l’est et donc sensibilisée aux souffrances humaines imposées par la dictature du communisme), la chancelière s’est en effet rapidement aperçue que d’accueillir ces malheureux réfugiés par centaines de milliers constituerait une chance unique pour son pays. Car si rien n’est fait, après avoir culminé à 82,5 millions d’habitants en 2003, la population allemande chutera à 79,8 millions en 2017, puis à 70,8 millions en 2040 (c’est seulement dans 25 ans). La faute à un indice de fécondité particulièrement faible et à une immigration insuffisante pour le compenser. À quoi s’ajoute le vieillissement de la population, puisque de 27% en 2013, les plus de 60 ans représenteront 37% en 2040.
Cette décroissance de la population, couplée au vieillissement démographique, aggravent évidemment le poids des retraites.

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Péyi nou sé pa an pak cochons !

— Par Roger de Jaham —

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Jeu des erreurs : quelle différence y aurait-il entre ces deux photos ? Aucune ! À part le fait qu’elles ont été prises à près de trois mois d’intervalle.

Le 6 juillet 2015, j’avais adressé un message à la direction de l’Environnement et du Cadre de vie de la Communauté d’agglomération de l’Espace-sud Martinique, avec la première photo, pour dénoncer le fait que la déchèterie de la pointe Courchet au François ne disposait plus de panneau de signalisation, celui-ci ayant été « enlevé à Pâques par des pêcheurs de crabes pour faire des ratières », m’a-t-on avoué sur les lieux…

L’Espace-sud m’a chaleureusement remercié pour ce signalement, puis a transféré mon message « à la personne en charge de la gestion des déchèteries ». La seconde photo permet de penser que depuis juillet 2015 cette personne est en congé administratif, ou encore en congé de maladie, ou de maternité, ou encore en grève, puisque près de trois mois après, la signalisation de cette déchèterie n’a toujours pas été remplacée !

Nous nous plaignons souvent du manque de civisme de certains, qui jettent leurs déchets n’importe où, détériorant ainsi gravement notre environnement.

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Les puffins de l’îlet Hardy

Aventures scientifiques en compagnie du Père Pinchon

ilet_hardy-1— Par Roger de Jaham —

Vers le milieu des années 1960, nous étions un groupe d’adolescents plus ou moins cousins, en tout cas bons amis, qui avons eu la chance de croiser la route du Père Robert PINCHON. Non pas au Séminaire collège, où celui-ci enseignait les sciences naturelles, car nous étions tous scolarisés au Lycée Schœlcher ; mais l’un d’entre nous, Hugues, était le fils d’un chef d’entreprise martiniquais absolument passionné par la nature et l’histoire de notre île, matières auxquelles il consacrait alors, outre tout son temps libre, une bonne partie de ses ressources financières.

Émile HAYOT, car il s’agit de lui, le fondateur de la Société d’Histoire de la Martinique, contribuait en effet, avec d’autres « sponsors » dont le docteur MORANGE, tout aussi enthousiaste que lui, au financement des travaux et des « expéditions » du Père PINCHON. Ces trois amis nous avaient recrutés avec autorité pour être les tâcherons taillables et corvéables à merci de leurs diverses recherches. C’est ainsi que Jean-Paul MARRY, Jean-Marc GOUYER, Hugues PETITJEAN-ROGET, Jean-Marc MATHIEU, Hugues HAYOT et moi-même avons par exemple retourné des tonnes de sable au Diamant lors de fouilles archéologiques sur des sites précolombiens ; nettoyé et assemblé des milliers de tessons de poteries caraïbes ; recherché les dents d’un cachalot échoué à l’Anse Couleuvre pour calculer son âge…

C’est dans ce contexte de travaux forcés au demeurant bien amicaux, que le Père PINCHON se donne une nouvelle énigme scientifique à résoudre : il s’agit de la migration des puffins de l’îlet Hardy, près de la baie des Anglais à Sainte-Anne.

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Qui est ce Victor Schœlcher ?

— Par Roger de Jaham—

victor_schoelcher_ki_sSous prétexte de lever « l’épais voile colonial d’un oubli organisé », certains n’hésitent pas à revisiter notre histoire, en particulier la période de l’esclavage et de son émancipation, sans crainte de sombrer dans le révisionnisme.

L’abolitionniste Victor Schœlcher, ou plutôt sa statue, vient d’en faire les frais par la main de vandales obscurantistes. Il semble opportun de citer ici un extrait de l’ouvrage de l’historien Édouard de LÉPINE, « Dix semaines qui ébranlèrent la Martinique », dans lequel Aimé CÉSAIRE évoquait la haute conscience morale de Victor Schœlcher.

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« Qui est ce Victor Schœlcher ?

Bien entendu, il ne saurait être question d’examiner ici, même très succinctement, l’œuvre colossale de Victor Schœlcher. Il existe aujourd’hui à côté des ouvrages hagiographiques et plus ou moins récupérateurs du premier schœlchérisme, des études plus sereines de la vie et de la pensée du grand abolitionniste. Nous n’évoquerons ici que deux des aspects essentiels de l’œuvre de Schœlcher : sa dimension éthique, son audace politique.

Sur la dimension éthique de cette œuvre, Aimé Césaire est probablement le premier à avoir mis en évidence ce qui en fait l’originalité profonde.

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« Mon interlocuteur »

— par Térèz Léotin —

Marguerite Donnadieu, Aurore Dupin, Françoise Gourdji, François Marie Arouet, Henri Beyle, Louis-Ferdinand Destouches, Isidore Ducasse, André Pétricien, André Pierre-Louis, Jean-Baptiste Poquelin, Frédéric Louis Sauser, sont les noms d’état civil d’auteurs français connus. Cependant pour leurs activités d’écriture, ces noms ne figurent que dans leur biographie, et beaucoup parmi nous les ignorent parce que Marguerite Duras, George Sand, Françoise Giroud, Voltaire, Stendhal, Céline, Lautréamont, Tony Delsham, Monchoachi, Molière, Blaise Cendrars, sont respectivement leur nom de plume.
Vous viendrait-il à l’idée de débaptiser Françoise Giroud en la renvoyant à son nom d’état civil Gourdji ? En feriez-vous de même pour Marguerite Duras (Marguerite Donnadieu), George Sand (Aurore Dupin), Stendhal (Henri Beyle), Voltaire (François Marie Arouet), Tony Delsham (André Pétricien), Monchoachi (André Pierre-Louis), Molière (Jean-Baptiste Poquelin), Céline (Louis-Ferdinand Destouches), Lautréamont (Isidore Ducasse), Blaise Cendrars (Frédéric Louis Sauser) ? Ou même Johnny Hallyday l’appelleriez-vous Jean-Philippe Smet ? Refuseriez-vous à Jacques Delmas son nom de résistant Chaban, comme vous vous êtes entêtez à le faire pour Boukman ?
Le droit français admet l’usage d’un pseudonyme. Il est même possible que celui-ci figure sur la carte d’identité à côté du vrai nom.

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