Étiquette : Robert Berrouët-Oriol

L’aménagement linguistique en Haïti au regard de la Constitution de 1987 : regard actualisé sur les acquis et les défis

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le 29 mars 2022 a marqué le trente-cinquième anniversaire de la promulgation de la Constitution haïtienne de 1987 et cette date charnière, dans l’actuel contexte politique de démembrement des institutions républicaines au pays, invite à la réflexion. D’une part, le référendum constitutionnel du 29 mars 1987 représente, aux yeux de nombreux juristes et institutions de la société civile, la plus significative manifestation de la souveraineté populaire depuis l’Indépendance de 1804. Par un vote largement majoritaire, il a doté Haïti d’une Charte fondamentale qui consigne les bases juridiques de la sortie d’Haïti de la longue nuit de la dictature duvaliériste et il a fourni au pays le cadre institutionnel du vivre ensemble au sein d’une République solidaire devant être gouvernée selon les règles de l’État de droit. D’autre part, en rupture avec la Constitution de 1918 votée durant l’occupation du pays par les États-Unis d’Amérique, en rupture, surtout, avec la Constitution tontonmakout de 1964 –qui a institué la « présidence à vie » de François Duvalier–, la Constitution de 1987, rédigée et votée en créole et en français, pose pour la première fois dans l’histoire contemporaine d’Haïti le principe fondamental de l’égalité des citoyens devant la loi, vise à garantir les droits fondamentaux des citoyens et à organiser la séparation des pouvoirs en vue d’assurer l’efficience de l’État de droit.

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Le système éducatif haïtien à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le PSUGO (Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire) a été lancé en 2011 par le cartel politico-mafieux du PHTK alors dirigé par Michel Martelly. Il est avéré qu’il a été, à l’échelle nationale, une vaste opération de gabegie administrative, de corruption et de détournement de fonds publics au bénéfice des ayants droits et des supplétifs du PHTK néo-duvaliériste. En novembre 2021, le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, pourtant bien imbu des constantes critiques publiques formulées par les associations d’enseignants et en dehors de tout audit attesté, a reconduit le PSUGO en lien avec la réactivation de ses « 12 mesures » administratives destinées à « moderniser » la gouvernance du système éducatif national.

Quels sont les résultats mesurables du PSUGO et à combien s’élève le coût total de ses activités ? De 2011 à 2022, le ministère de l’Éducation nationale n’a publié aucun bilan qualitatif et quantitatif de l’ensemble des activités du PSUGO. De manière liée, une recherche documentaire multifacettes n’a pas permis d’obtenir des données chiffrées sur les coûts totaux du PSUGO depuis ses débuts : la gestion financière de ce programme demeure totalement opaque et elle n’a fait l’objet d’aucune évaluation au Parlement haïtien.

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Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative

À la mémoire de Pradel Pompilus, pionnier émérite de la lexicographie haïtienne.

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

FRAUDE, subst. fém. − Action de tromper, d’abuser autrui

en contrevenant aux règlements, d’employer la ruse pour le mystifier. 

/ Synonymes : tromperie, escroquerie, truquage, tripotage, falsification, maquignognnage, artifice. (Dictionnaire vivant de la langue française, n.d.)

« (…) il n’est pas de production de connaissance robuste et fiable hors du collectif de scientifiques qui s’intéressent aux mêmes objets, faits et questions. La connaissance scientifique doit être mise à l’épreuve et vérifiée par des collègues ou pairs compétents, à savoir ceux qui sont préoccupés par les mêmes questions ou sont pour le moins familiers de la démarche scientifique concernant la matière spécifique (…). » (« Les sciences et leurs problèmes : la fraude scientifique, un moyen de diversion ? », par Serge Gutwirth et Jenneke Christiaens, Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2015/1 (Volume 74).

Le sens et la pertinence des termes « fraude » et « frauder » sont apparus au périmètre de ma « mémoire sémantique » (Balota et Coan 2008 ; Laisney, Eustache et Desgranges 2009) lorsque j’ai lu attentivement l’article du linguiste Michel Degraff publié en Haïti dans Le National du 10 février 2022, « Verite se tankou lwil nan dlo ».

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« Pour promouvoir une lexicographie créole de haute qualité scientifique »

Lettre ouverte au MIT Department of linguitics 

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Chers collègues,

La présente lettre ouverte, adressée(*) en anglais et en français au Département de linguistique de l’une des plus prestigieuses institutions scientifiques américaines, le Massachusetts Institute of Technology (MIT), a pour but d’interpeller cette institution au vu et au su de tous, au grand jour, tout en soumettant au débat public une réflexion citoyenne sur le rôle de cette université dans la production/diffusion, à travers le système éducatif haïtien, d’un lexique anglais-créole pré-scientifique et pré-lexicographique de 848 équivalents « créoles » fantaisistes, erratiques et non conformes au système de la langue créole. Intitulé « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative », ce lexique a été manifestement conçu par des anglophones peu familiers de la langue créole et de la culture haïtienne, dépourvus de compétence avérée en lexicographie professionnelle et il constitue l’unique outil lexicographique utilisé par le MIT – Haiti Initiative Project à l’école Matènwa (Île de La Gonâve). Il est également en usage dans des séminaires de formation d’enseignants en dehors de toute évaluation scientifique connue du ministère de l’Éducation d’Haïti.

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L’Académie du créole haïtien : autopsie d’un échec banalisé (2014 – 2022)

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’accession toute récente à la présidence de l’Académie du créole haïtien (Akademi kreyòl ayisyen, AKA) du pasteur-linguiste Rogeda Dorcé Dorcil ne semble pas annoncer la fin de ce qui est perçu par certains observateurs en Haïti comme étant une relative emprise du facteur magico-religieux au creux de cette microstructure auparavant dirigée par un pasteur protestant, Pauris Jean-Baptiste, puis par un évêque catholique, Monseigneur Pierre André Pierre. Le pasteur-linguiste Rogeda Dorcé Dorcil dirige une église évangélique, l’Église chrétienne de l’unité à Fort-Jacques/Fermathe et, à Pétion-Ville, un Institut de théologie évangélique. Présumé spécialiste en ethnolinguistique, on ne lui connaît toutefois aucune étude majeure sur le créole haïtien ces trente dernières années, aucun article scientifique sur le créole publié dans une revue de linguistique, aucun livre dédié à l’aménagement du créole dans le système éducatif national…

L’arrivée d’un pasteur-linguiste à la présidence de l’Académie du créole haïtien, qui ne compte que quatre linguistes en son sein, est l’occasion d’actualiser le bilan de l’action de cette microstructure prématurément créée par la Loi du 7 avril 2014. L’idée d’actualiser le bilan de l’action de l’AKA procède, à l’aune du principe de la reddition des comptes dans l’Administration publique, du souci de soumettre à l’analyse critique toute entreprise en lien avec l’aménagement des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français.

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Haïti a-t-elle besoin d’un « Observatoire national de l’éducation »  ou d’une politique linguistique éducative ?

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue—

Le système éducatif haïtien, que certains observateurs qualifient de « champ de ruines » ou de « patient abonné aux urgences de l’hôpital », fait régulièrement la « Une » de la presse nationale et des médias sociaux. De tels échos médiatiques nous remettent en mémoire le fait que depuis une quarantaine d’années ce système est ausculté sous toutes les coutures par des experts de différentes disciplines à la demande d’instances nationales et internationales. Sous perfusion de l’« aide » internationale, en quête perpétuelle de solutions miracle pour survivre, le système éducatif haïtien est tour à tour l’objet de « réformes curriculaires », de « programmes » divers, de « Pacte national », de « Plan décennal », de « directives » et autres mesures administratives destinées en théorie à le « réformer », à le « moderniser », voire à le diriger vers les sommets d’une « gouvernance » exemplaire qui lui permettra d’atteindre l’objectif d’une éducation inclusive et de qualité. De l’inaboutie réforme Bernard de 1979 à nos jours, le domaine de l’éducation est sans doute l’espace régalien national où les agences internationales ont le plus investi en Haïti, contrairement à l’État haïtien qui n’y consacre que des budgets très largement insuffisants.

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Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique

— Par Robert-Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

De la nécessité de promouvoir un lexicographie créole de haute qulité scientifique et de soumettre à l’analyse critique ainsi qu’au débat public tout pseudo «  modèle lexicographique » créole fantaisiste, rachitique et amateur contraire à la méthodologie de la lexicographique professionnelle.

À la suite de la parution en Haïti, dans Le National du 11 novembre 2021, de mon article titré « De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ? , j’ai enregistré divers commentaires confirmant qu’il y a communauté de vue entre nombre d’enseignants oeuvrant en Haïti et moi. Cette communauté de vue se rapporte aux différents problèmes que soulève l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire et à la nécessité d’une véritable qualification didactique pour l’enseignement en langue maternelle créole. L’un de mes interlocuteurs me demande toutefois de préciser ma pensée sur la situation linguistique d’Haïti, notamment au regard de la production de matériel didactique en créole. La réponse à cette demande emprunte la voie d’un plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique, et ce plaidoyer s’adresse aux enseignants, aux linguistes, aux didacticiens, aux directeurs d’écoles, aux rédacteurs et éditeurs de manuels scolaires ainsi qu’aux cadres du ministère de l’Éducation nationale.

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L’aménagement du créole dans l’École haïtienne : entre surdité, mal-voyance et déni de réalité

Le ministre de facto de l’Éducation Nesmy Manigat et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne : entre surdité, mal-voyance et déni de réalité

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Au défilé des drames quotidiens qui endeuillent aujourd’hui la société haïtienne (insécurité généralisée, enlèvements contre rançon, impunité, etc.), l’installation surréaliste d’un « nouveau » gouvernement par le premier Ministre de facto Ariel Henry, le 24 novembre 2021, a vu le retour de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation nationale. Auparavant, de 2014 à 2016, Nesmy Manigat avait occupé le même poste dans le gouvernement des « bandits légaux » de Michel Martelly (2011 – 2016), président-clown misogyne qui proclame ouvertement son affiliation au duvaliérisme au sein du PHTK, le « Parti haïtien tèt kale », sorte de cartel politico-mafieux au pouvoir depuis dix ans en Haïti. Michel Martelly avait été « téléporté » à la présidence d’Haïti, de manière frauduleuse, par les soins empressés de la Fondation Clinton (voir le dossier du « Center for Economic and Policy Research » de Washington : « Clinton E-Mails Point to US Intervention in 2010 Haïti Elections » / « Ce que révèlent les emails de Clinton sur l’élection de Martelly en 2010 », 7 septembre 2016).

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Controverse autour de l’apparition du pronom « iel » dans la version en ligne du dictionnaire Le Robert

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Depuis quelques jours, l’apparition du pronom « iel » dans la version en ligne du dictionnaire Le Robert suscite la controverse dans plusieurs pays francophones. La presse parlée et écrite s’en est fait l’écho en Belgique (La libre Belgique, RTBF), en Suisse (la Tribune de Genève, RTS), en France (le Nouvel Obs, Le Figaro, Le Monde, France culture, France inter, RFI) et au Québec/Canada (Le Devoir, Radio Canada, La Presse, Le Droit). En effet, Le Robert en ligne consigne le terme « iel » comme suit : « iel ​, iels ​​​pronom personnel / Rare – Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. L’usage du pronom iel dans la communication inclusive. – Rem. On écrit aussi ielle ​, ielles ». Dans la presse écrite et parlée, des lecteurs/auditeurs, des linguistes et de lexicologues s’opposent à la « consécration » du pronom « iel » / « iels » dans Le Robert, dictionnaire généraliste de la langue française, tandis qu’un nombre indéterminé de locuteurs se dit en faveur sinon attentif à l’arrivée de ce nouveau-né… Le pronom « iel » visant à désigner, selon la définition du Robert, « une personne quel que soit son genre », les arguments avancés de part et d’autre sont de nature linguistique et lexicographique, ou relèvent d’une lecture « militante », principalement idéologique, de cette « évolution naturelle » de la langue dans la société.

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Jean Pruvost et la fabrique des dictionnaires, un modèle pour la lexicographie haïtienne

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

En Haïti comme ailleurs, le recours aux dictionnaires de la langue usuelle (Le Robert, Le Larousse, Le Littré, etc.) passionne tant les élèves, les étudiants que les enseignants. On prend plaisir à découvrir le sens des mots, on les suit dans leurs trajectoires migratoires et historiques, on voyage avec eux pour appréhender la signification des nouveaux mots, etc. Toutefois, très peu d’usagers des dictionnaires savent comment sont fabriqués ces imposants et indispensables livres de référence, selon quelle méthodologie et procédés ils sont élaborés, et en fonction de quelles qualifications des rédacteurs ils ont vu le jour. Selon nos besoins et nos ressources, nous faisons appel à l’objet-livre, au format papier, ou à l’objet-livre dématérialisé, au format électronique et accessible sur Internet, mais nous ignorons presque tout au chapitre de son élaboration. Règle générale, l’usager ne sait pas qu’il y a en amont du processus de fabrication des dictionnaires des linguites-lexicographes et leurs équipes, tous arrimés à la théorie de la lexicographie et à la modélisation de leur travail lexicographique : Jean Pruvost en est un fort instructif exemple.

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Rebecca Jean, la haute voix de la musique contemporaine haïtienne au Québec

Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

La voix singulière et attachante de Rebecca Jean, musicienne, auteure, compositrice et interprète, née à Montréal, flamboie et déploie sa haute voilure depuis un certain temps sur les terres enneigées du Québec. Artiste polyvalente au talent raffiné, Rebecca Jean compte cinq albums à son actif, un catalogue de plus de 200 compositions et plusieurs projets signés en tant que réalisatrice /directrice musicale, auteure, compositrice, interprète et arrangeuse. À travers les différents registres de sa démarche musicale, elle ne cesse de nous surprendre en nous entraînant dans son univers tantôt délicat, tantôt féroce. Sur des textes évocateurs et mûris au creux des battements du langage, elle chante les failles comme les profondeurs de l’âme avec une poésie franche et un créneau unique ; elle sait se raconter et nous raconter avec finesse et subtilité. Artiste attachée à ses racines haïtiennes qui nourrissent une québécitude revendiquée et ouverte, comme en témoigne son morceau « Lang lakay », elle s’en fait l’écho à travers un cheminement créatif salué par la critique musicale montréalaise et par sa participation à des émissions radio-télé et à des spectacles divers sur plusieurs scènes, notamment l’Olympia, le Cabaret du Mile-End, le Pub du Quartier latin, le Lion d’or, le Pharaon lounge, le Balatou, le Petit cabaret, le Théâtre de verdure, etc.

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L’aménagement du créole à Sainte-Lucie à l’épreuve de son ancrage institutionnel

Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

Le site Web officiel du gouvernement de Sainte-Lucie a fait paraître en anglais, le 31 août 2021, un communiqué titré « Saint Lucia works to institutionalize kwéyòl language » (« Sainte-Lucie travaille à l’institutionnalisation de la langue kreyòl »). Ce communiqué annonçait la tenue, le même jour, d’une « conférence virtuelle de planification de la mise en œuvre de la politique linguistique nationale ». Voici en quels termes a été consignée cette annonce qui, dans la formulation même de l’énoncé, présuppose qu’il y aurait une politique linguistique d’État à Sainte-Lucie :

« Le ministère de l’Éducation, de l’innovation, des sciences, des technologies et de la formation professionnelle, par l’intermédiaire de l’Unité de développement des programmes et des matériels (CAMDU), tiendra sa conférence virtuelle de planification de la mise en œuvre de la politique linguistique nationale le mardi 31 août 2021, de 10 heures à 13 heures.

« À ce jour, dans le cadre du programme Early Learners (ELP) de l’OECS USAID, un projet de politique a été élaboré, sur la base des réactions d’un échantillon représentatif de la société saint-lucienne.

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«Entendre battre le cœur»

Le grand vent sahélien

Le réputé critique littéraire du journal montréalais Le Devoir, Hugues Corriveau, publie ce 14 août 2021 un remarquable compte-rendu de lecture de «Simoun», huitième livre de poésie de Robert Berrouët-Oriol (Éditions Triptyque, Montréal, mai 2021). Ce compte rendu porte le titre évocateur de «Le grand vent sahélien» et fait partie d’un grand ensemble dont le titre général est «Entendre battre le cœur». En voici le texte intégral, que j’ai grand plaisir à partager avec vous:

Le grand vent sahélien

«Dans un tout autre champ d’écriture, Robert Berrouët-Oriol nous propose encore sa haute parole, son langage ultrachâtié qui obombre une simplicité parfois plus souhaitable. Ainsi, dès le premier poème, nous faut-il saisir cette parole « fleurant fastes festivités / et ritournelle d’apnée.» Convenons que ce n’est pas peu. Tournons la page de Simoun­ et nous serons immédiatement confrontés « au surjet primipare des alvéoles / liant d’anabase pour l’hommage persien ». Vraiment, on se sent immédiatement un peu décalé, renvoyé à quelque obscur complexe devant un tel étalage de ce savantissime vocabulaire. Mais qu’y a-t-il donc qui nous sollicite tant chez ce poète, que recèle donc cette parole poétique méticuleuse, pleine d’embûches et d’entourloupes ?

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Le « français régional » d’Haïti sous la loupe du linguiste Renauld Govain

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le linguiste haïtien Renauld Govain a publié l’an dernier un article de haute voilure, rigoureux et fort bien documenté, « Le français haïtien et le « français commun » : normes, regards, représentations ». Paru en mai 2020 dans le numéro 23 de la revue Altre Modernità (Università degli Studi di Milano, Italie), cet article semble peu connu parmi les linguistes, les enseignants et les didacticiens alors même qu’il s’appuie sur un appareillage conceptuel cohérent et pertinent et sur une recherche originale menée sur le terrain. Docteur en linguistique, enseignant-chercheur et doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti, coordonnateur du Laboratoire langue, société, éducation (LangSÉ), Renauld Govain est également membre du Comité international des études créoles et coauteur du livre de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Berrouët-Oriol et al, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, mai 2021). Il est l’auteur de nombreux articles scientifiques en dialectologie, en créolistique et en phonologie, parmi lesquels « Normes endogènes et enseignement-apprentissage du français en Haïti », Études créoles, no 1 et 2, 2008, et « Le français haïtien et l’expansion du français en Amérique », dans Le(s) français dans la mondialisation, Véronique Castellotti (dir.),

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« Simoun », poésie par Robert Berrouët-Oriol.

Le grand retour à la poésie du poète Robert Berrouet-Oriol

— Par Hugues Saint-Fort —

Le nom et l’œuvre littéraire de Robert Berrouet-Oriol sont entrés dans la littérature québécoise en 1986 par le truchement d’un article célèbre titré « Effet d’exil » paru dans la revue culturelle Vice Versa et consacré à l’émergence des « écritures migrantes » (Robert Berrouet-Oriol : L’effet d’exil, in Vice Versa, # 17, décembre 1986-janvier 1987). Depuis, l’expression « écritures migrantes » est devenue un des concepts clé de la littérature québécoise, un texte fondateur que Berrouet-Oriol a utilisé pour distinguer « entre deux notions voisines pour définir la double originalité de ces écritures : « voix migrantes » pour signifier qu’elles sont venues d’ailleurs, et « voix métisses », pour préciser qu’elles s’hybrident au contact des voix d’ici » (Beniamino et Gauvin 2005).

Berrouet-Oriol a poursuivi ensuite une activité strictement littéraire en publiant en 1986 Lettres urbaines ; en 2009 En haute rumeur des siècles ; en 2010 Poème du décours qui a gagné le grand Prix du livre insulaire en France, en 2013 Découdre le désastre, suivi de L’ile anaphore qui a reçu la Mention d’excellence de la Société des écrivains francophones d’Amérique. 

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Le droit à la langue maternelle créole en Haïti et l’acquisition précoce de la langue seconde à l’École de la République : pistes de réflexion

— Par Robert Berrouët-Oriol,linguiste-terminologue —

La complexe question du droit à la langue maternelle créole dans l’École haïtienne et de ses rapports avec l’acquisition précoce de la langue seconde, le français, préoccupe depuis plusieurs années nombre d’enseignants, de didacticiens, de linguistes et de spécialistes de l’élaboration du curriculum. Deux séquences historiques doivent être prises en compte dans la poursuite d’une réflexion sur cette problématique : d’une part la réforme Bernard de 1979 qui a introduit le créole, dans le système éducatif national, comme langue d’enseignement et langue enseignée ; d’autre part, la Constitution haïtienne de 1987 qui a consacré, en son article 5, la co-officialité du créole et du français, les deux langues de notre patrimoine linguistique historique. Il est attesté que la réforme Bernard de 1979, promue par les agences internationales de coopération et boycottée par les grands caïds de la dictature de Jean-Claude Duvalier, a posé les bases programmatiques et institué une vision de l’enseignement en langue maternelle créole juste en son principe. Issue de la loi du 18 septembre 1979, cette réforme est incontestablement la première conquête institutionnelle du créole dans le système éducatif national, mais peu ou mal implantée tant dans la capitale qu’en province, elle n’a pas su atteindre véritablement ses objectifs.

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« Coup d’État constitutionnel » en Haïti 

Le double jeu de l’OEA et de l’ONU en appui au PHTK néoduvaliériste

— Par Robert Berrouët-Oriol Linguiste-terminologue —

La société civile haïtienne, à travers ses voix diverses et ses manifestations publiques, est unanime dans son diagnostic du drame haïtien contemporain. Pour l’essentiel, ce drame se caractérise par la dégradation accélérée des conditions de vie de la population, la déliquescence de la situation sécuritaire au pays et l’amplification des enlèvements contre rançon perpétrés par les gangs armés réputés proches et/ou instrumentalisés par l’Exécutif néoduvaliériste issu du Parti haïtien tèt kale, le PHTK d’extrême droite de Martelly/Lamothe/Moïse/KPlim/Jouthe/Joseph. La peur et l’anxiété se réinstallent dans les familles haïtiennes comme au temps de Papa Doc Duvalier à l’aune des assassinats ciblés, des disparitions et des pogroms exécutés en toute impunité dans les quartiers populaires. Ce drame se caractérise aussi par l’étiolement des institutions de l’État, la décapitation et l’affaiblissement du système judiciaire, la dilapidation des ressources financières de l’État, la gangstérisation de la gouvernance de l’État instituée par le dictateur François Duvalier et qui s’est exacerbée depuis la mainmise népotique des caïds du PHTK sur l’Exécutif suite aux élections frauduleuses des dix dernières années, ainsi que par le double jeu de l’ONU et de l’OEA en appui au PHTK néoduvaliériste.

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L’aménagement du créole en Haïti et les droits linguistiques au regard du projet de « Constitution » néoduvaliériste du PHTK : les sables mouvants d’une dérive totalitaire

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

Mirlande X, enseignante dans un lycée de Port-au-Prince et lectrice assidue de nos chroniques linguistiques depuis plusieurs années, nous demande dans un récent courriel si les droits linguistiques figurent dans le projet de « Constitution » que l’ex-président Jovenel Moïse –dont le mandat a expiré le 7 février 2021 selon la Fédération des barreaux d’Haïti, mais qui s’accroche au pouvoir dans un climat politique marqué par la régression des droits citoyens et l’emprise grandissante des gangs armés sur le territoire national–, s’est mis en tête de faire adopter par référendum en juin prochain. Pertinente, la question de Mirlande X renvoie à la nécessité de garantir, notamment dans un texte constitutionnel, l’efficience des droits linguistiques inscrits dans la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996. Et comme nous l’avons auparavant explicitement formulé à travers la vision de l’aménagement linguistique en Haïti que nous offrons en partage dans nos articles et dans nos livres, les droits linguistiques sont un droit premier.

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Le DDF, « Dictionnaire des francophones »

Un monumental répertoire lexicographique de 400 000 termes et expressions accessible gratuitement sur Internet

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

Lancé officiellement à Paris le 16 mars 2021 à l’occasion de la semaine de la langue française et de la Francophonie, le DDF, « Dictionnaire des francophones », est sans conteste l’un des événements dictionnairiques les plus marquants de l’histoire des dictionnaires de langue française depuis l’apparition au XVIIe siècle des premières grandes œuvres lexicographiques de Pierre Richelet (1631 – 1694), d’Antoine Furetière (1620 – 1688) et, en 1694, de la première édition du « Dictionnaire de l’Académie française » (2 vol.). Pierre Richelet a publié en 1680 le premier dictionnaire monolingue de langue française, le « Dictionnaire français contenant les mots et les choses » (2 vol.), tandis qu’Antoine Furetière est l’auteur du « Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts » (2 vol., œuvre posthume parue en 1690). Le « Dictionnaire des francophones » est un monumental répertoire lexicographique de plus de 400 000 mots et expressions pour plus de 600 000 définitions et il est accessible gratuitement sur Internet à partir d’un ordinateur, d’une tablette numérique ou d’un téléphone intelligent à l’adresse www.dictionnairedesfrancophones.org

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L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

Dans l’article publié par Le National le 8 janvier 2020, « Le défi de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien », nous avons mis en lumière des données factuelles sur l’introduction du créole aux côtés du français dans le champ éducatif et, à l’appui de notre propos, nous avons fait appel à des références documentaires utiles à l’intellection de la réflexion offerte en partage. Le présent article élargit l’éclairage analytique de cette question de fond au regard, cette fois-ci, de la première grande réforme du système éducatif haïtien connue sous l’appellation de réforme Bernard de 1979 et dont le bilan exhaustif interpelle.

La réflexion sur le statut, le rôle et la place du créole dans le système éducatif haïtien, souventes fois fragmentaire et inaboutie, n’est pas nouvelle en Haïti. Comme le rappelle à juste titre le linguiste Renauld Govain dans son article intitulé « Le créole haïtien : de langue d’alphabétisation des adultes à langue d’enseignement » (researchgate.net, 11 avril 2018), « En 1898 déjà, Georges Sylvain [déclarait] que « le jour où (…) le créole aura droit de cité dans nos écoles primaires, rurales et urbaines, le problème de l’organisation de notre enseignement populaire sera près d’être résolu ».

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L’aménagement du créole à l’épreuve du « Cadre d’orientation curriculaire » du ministère de l’Éducation d’Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue

Le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MÉNFP) d’Haïti a récemment émis un communiqué relatif au « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » (version de décembre 2020, « à valider ») dans lequel il expose les objectifs de ce document « issu d’une activité menée avec l’appui du Projet NECTAR du MÉNFP [et] financé par la coopération française. » Le ministère de l’Éducation n’ayant pas répondu à nos sollicitations, il a été extrêmement difficile d’obtenir la version de décembre 2020 de ce texte : le partage des documents et plus largement le droit à l’information documentée ne font pas partie de la culture administrative des cadres dirigeants de ce ministère, au premier chef Pierre Josué Agénor Cadet, l’actuel ministre, remarquable portefaix du régime néo-duvaliériste du PHTK, le Parti haïtien tèt kale. Le « Cadre d’orientation curriculaire », qui n’a pas encore été formellement adopté par l’État haïtien, doit malgré cela être évalué en toute indépendance par des spécialistes du curriculum, par des didacticiens, des pédagogues, des enseignants et des linguistes dans la mesure où il est destiné à définir l’orientation stratégique, curriculaire et programmatique de l’École haïtienne pour les prochaines décennies.

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L’aménagement du créole et du français en Haïti au regard du « Manifeste de Gérone sur les droits linguistiques »

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

L’analyse de la situation linguistique haïtienne sous l’angle particulier des droits linguistiques est relativement nouvelle en Haïti. Dans sa formulation la plus explicite, elle date de 2011 et a été consignée pour la première fois dans le livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Berrouët-Oriol et al., Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti). La perspective soutenue dans ce livre et dans nos publications subséquentes est en effet novatrice et se veut rassembleuse : à contre-courant des mirages de la diglossie et de la vulgate « langue dominante » vs « langue dominée », cette perspective prend appui sur l’axiomatique selon laquelle les droits linguistiques font partie du grand ensemble des droits citoyens et ils doivent être portés par la société civile en lien avec l’établissement d’un État de droit au pays. Et c’est pour situer cette perspective dans sa dimension institutionnelle et exécutive que nous avons institué le plaidoyer pour la mise sur pied d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti dont la mission sera de concevoir et de mettre en œuvre l’aménagement simultané du créole et du français, les deux langues de notre patrimoine linguistique historique (voir nos articles « Plaidoyer pour la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti », Le National, 20 avril 2017 ; « La création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti, un enjeu de premier plan », Le National, 16 septembre 2020).

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L’enseignement en créole à l’université en Haïti, un défi aux multiples facettes

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

« Le libre exercice de l’esprit critique et de nos capacités d’analyser les problèmes récurrents de l’enseignement supérieur au pays sont lourdement assautés et précarisés ces derniers mois », nous écrit l’un des enseignants de l’Université d’État d’Haïti avec lesquels nous avons l’habitude d’échanger. Il désigne ainsi, par-delà les difficiles conditions de travail en lien avec le Covid 19, la situation politique du pays qui affecte quotidiennement les citoyens : forte recrudescence des enlèvements contre rançon, hausse des assassinats ciblés notamment dans les quartiers populaires, gangstérisation du pouvoir d’État sous la houlette du parti présidentiel, le PHTK néo-duvaliériste lié aux gangs armés, institutionnalisation de la corruption et de l’impunité, etc. À cela s’ajoute le fait que le Parlement, dysfonctionnel depuis janvier 2020, n’exerce aucun contrôle de l’action gouvernementale et le président Jovenel Moïse, dépourvu de légitimité et constamment contesté par la population, gouverne par décrets anticonstitutionnels ayant force de loi (plus d’une trentaine depuis environ huit mois). L’illégalité et l’inconstitutionnalité de ces décrets ont été publiquement dénoncées par la Fédération des Barreaux d’Haïti dans sa résolution du 3 juin 2020.

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Le créole langue officielle à la CARICOM ou l’impasse d’une illusion « nationaliste »

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue —

De manière récurrente en Haïti, l’idée de faire accéder le créole au statut de langue officielle à la CARICOM est agitée par certains, de bonne foi ou par militantisme « nationaliste », dans la presse, sur les réseaux sociaux et notamment ces derniers jours sur Facebook. Nous avons engagé une première réflexion sur cette idée dans l’article « Le créole à la CARICOM : utopie ou mal-vision  persistante ? » paru dans Le National le 13 avril 2018. Il nous semble utile aujourd’hui de la réexaminer en lien avec la perspective centrale de l’aménagement simultané de nos deux langues officielles, le créole et le français. En amont, plusieurs questions méritent d’être posées : faire accéder le créole au statut de langue officielle à la CARICOM peut-il être une mesure porteuse pouvant conforter l’aménagement linguistique sur le territoire national ? Haïti pourrait-elle en tirer des bénéfices mesurables, en particulier en ce qui concerne l’indispensable aménagement du créole dans le système éducatif national et dans la sphère des relations entre l’État et les citoyens ? Le créole à la CARICOM aura-t-il des effets sur l’efficience des droits linguistiques au pays ?

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La «commercialisation» du créole d’Haïti, une voie sans issue

— Par Robert Berrouët-Oriol, Linguiste-terminologue—

Paru durant la semaine du 22 octobre 2020 sur le site Potomitan, l’article « Orientating Haitian Youth : Oryantasyon Jenès Ayisyen » a le grand mérite, malgré lui, de nous rappeler qu’il subsiste encore de nos jours, au sujet du créole haïtien, des préjugés de dévalorisation, des idées farfelues, des approximations délirantes, des slogans creux ainsi qu’un phénomène de parachutage, dans le système éducatif national, de plusieurs outils pédagogiques créoles de qualité douteuse et, dans au moins deux cas, d’un dictionnaire et d’un lexique rédigés en dehors des normes scientifiques de la lexicographie professionnelle. Nous avons procédé à l’évaluation critique de ce dictionnaire et de ce lexique dans deux articles publiés en Haïti et qui nous ont valu l’assentiment de nombreux lecteurs, « Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl Vilsen » (Le National, 22 juin 2020), et « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » (Le National, 21 juillet 2020).

Avant d’examiner l’idée de la « commercialisation » du créole que mentionne l’article « Orientating Haitian Youth : Oryantasyon Jenès Ayisyen », il y a lieu de préciser que ces dernières années plusieurs idées farfelues et certaines approximations délirantes ont été portées par l’un et l’autre « défenseurs » du créole opposés à l’aménagement simultané des deux langues officielles d’Haïti, le créole et le français.

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