— Entretien réalisé par Muriel Steinmetz —
Héritage L’écrivain Alain Borer (1), qui vient de présider le Printemps des poètes, a consacré trente ans de sa vie à la fouroyance du poète (1854-1891).
Comment expliquer que ce géant poétique foudroyant qui a tout écrit à dix-sept ans avant de jeter l’encrier, soit devenu ensuite un trafiquant colonial, autrement dit comment ce jeune homme en sympathie avec la cause des communards se retrouve soudain dans le vertige de la conquête coloniale du XIXe siècle ?
Alain Borer En aucun cas, Rimbaud n’a été colonialiste. Parmi les personnages qui débarquent des bateaux de messagerie en 1880, on ne voit que des prêtres, des diplomates, des marchands de canons et des commerçants. Rimbaud n’est rien de tout ça. Il vient chercher du travail. C’est un jeune homme ouvert à toutes les perspectives et, parmi celles-ci, il y eut celle de vendre des armes, mais du côté du libérateur de l’État éthiopien, à travers la figure de Ménélik et avec l’accord du gouvernement français. Je dirai que Rimbaud en Abyssinie, c’est la figure de l’idiot au sens grec.